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7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 18:44
Malgré le vote, l'impasse libanaise, par Mouna Naïm
LE MONDE | 07.08.07 | 13h52  •  Mis à jour le 07.08.07 | 13h52

 Au Liban, même les chiffres sont politiques", a dit un jour l'ancien premier ministre Sélim Al-Hoss. La preuve éclatante vient d'en être faite par l'interprétation divergente que la majorité et l'opposition donnent des résultats de l'élection législative partielle organisée dimanche 5 août, dans la région du Metn nord, au nord-est de Beyrouth. Au comptage des voix, l'opposition, représentée par le Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun, l'a indiscutablement emporté, même si ce n'est que d'une courte tête. Mais, à l'aune de l'exégèse de la répartition des voix, la majorité revendique une victoire.
 
Dans les faits, la majorité a perdu un siège au Parlement, mais elle demeure majoritaire. L'opposition en a gagné un, mais elle demeure minoritaire. Et au final, quelles que soient les interprétations des uns et des autres, le scrutin révèle l'impasse dans laquelle la majorité et l'opposition et, dans ce cas précis, les formations politiques chrétiennes, se sont fourvoyées.
Au Liban, compte tenu de la pluralité communautaire, les sièges sont répartis entre chrétiens et musulmans. Dimanche, les électeurs étaient invités à choisir un successeur maronite (catholique) à Pierre Gemayel (maronite), membre de la majorité politique, assassiné le 21 novembre 2006. La personnalité des candidats comptait relativement peu au regard des enjeux ouvertement définis par les forces en présence, à savoir le choix d'une "ligne politique" pour l'avenir du pays. Chacune des deux parties s'est présentée comme le héraut du respect de l'indépendance, de la souveraineté du Liban et de l'intégrité de son territoire, en déniant à l'autre le droit de s'en revendiquer.
Alors que l'exacerbation des tensions à la veille du scrutin faisait craindre une dégradation de la situation sur le terrain, le vote s'est déroulé sans incident notable. Près de 80 000 électeurs sur les plus de 169 000 inscrits sont allés aux urnes, dans cette région tant côtière que montagneuse du nord-est de Beyrouth. Ici, l'écrasante majorité de la population est chrétienne, mais elle compte des maronites (catholiques), des grec-orthodoxes et des Arméniens grec-catholiques et grec-orthodoxes, selon une répartition géographique nettement identifiable.
C'est cette répartition, et le décompte détaillé des résultats des bureaux de vote, qui permettent à la majorité d'affirmer que le général Aoun ne peut plus prétendre représenter 70 % des chrétiens toutes régions confondues, comme il le faisait depuis les élections législatives générales de 2005. Dressant l'inventaire de la répartition des voix, M. Gemayel a notamment constaté qu'il avait obtenu 57 % des voix des chrétiens maronites, imputant la victoire de son rival aux minorités chiite et sunnite de la région, ainsi qu'au parti arménien Tachnag. Il a dénoncé lundi des irrégularités dans le vote arménien et annoncé qu'il allait présenter une protestation auprès des autorités concernées.
Dans la région du Metn nord, le CPL avait décroché en 2005 63 % des suffrages. S'il n'en engrange cette fois-ci que 51 %, c'est, selon ses responsables, parce qu'il n'a vraiment mené campagne que 72 heures avant le scrutin. Il aurait espéré jusqu'à la dernière ligne droite que les tentatives de conciliation entre les deux camps, conduites par la hiérarchie religieuse maronite, porteraient leurs fruits. Ils font également valoir que la bataille était d'autant plus rude que leur candidat, nonobstant ses qualités personnelles, pesait politiquement de peu de poids contre son rival, ancien président de la République, après avoir été longtemps député.
Cette version est contestée par la majorité. Elle considère que le CPL a perdu du terrain en raison de son alliance avec des formations politiques ouvertement alliées à la Syrie - et aussi à l'Iran pour le Hezbollah, par ailleurs tenu pour responsable d'avoir entraîné le Liban dans une guerre contre Israël à l'été 2006. Aussi, dit la majorité, est-ce contre cette "ligne politique" que les "chrétiens" ont massivement refusé leurs voix au CPL.
Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste (druze) et l'un des chefs de file de cette majorité, a aussitôt projeté cette conclusion sur l'avenir immédiat, c'est-à-dire sur l'élection présidentielle de l'automne. Dès dimanche soir, il a estimé que la majorité a "désormais une meilleure chance de porter à la présidence de la république un homme parmi les siens". Les responsables du CPL réaffirment de leur côté à l'envi que "dans une démocratie consensuelle", le futur président doit refléter une entente entre toutes les parties, "ce qui ne peut se faire que par un apurement des contentieux" et la formation d'un gouvernement "de salut national".
L'élection partielle du Metn nord en a éclipsé une autre à Beyrouth, à l'issue de laquelle le candidat de la majorité a remporté le siège sunnite (musulman) laissé vacant par l'assassinat le 13 juin 2007 de Walid Eïdo, député de cette majorité. Le Liban n'étant pas à une contradiction près, ce double scrutin décidé par le gouvernement n'a pas échappé à la règle.
Une partie des opposants s'y est en effet engagée, alors même que l'opposition dans son ensemble en contestait au départ la validité, au même titre qu'elle dénie toute légitimité au gouvernement, considéré comme constitutionnellement illégitime depuis la démission en novembre 2006 des cinq ministres chiites. Aux yeux de la majorité, cet engagement dans la bataille électorale a valeur de validation de la part des opposants.
Au point où en sont les choses, les perspectives de solution de la crise dans laquelle le Liban est plongé depuis au moins neuf mois sont toujours au point mort. Mais le compteur tourne. L'élection présidentielle doit avoir lieu dans les deux mois précédant la fin du mandat du chef de l'Etat, le 23 novembre à minuit.
 
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