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8 août 2007 3 08 /08 /août /2007 21:19
Lettre ouverte au responsable des relations internationales au PCF
 
 
 
 A l’inverse de ton prédécesseur à ce poste, tu m’envoies régulièrement copie de tes interventions et appels à rassemblement au nom du PCF. Dans la période d’interrogations qui secoue l’organisation après sa récente défaite électorale, je le reçois comme la reconnaissance,
enfin, que l’avenir du parti passe aussi par les dizaines de milliers de communistes qui ne sont plus adhérents du PCF, parce qu’ils sont en désaccord absolu avec ses orientations opportunistes : il limite aujourd’hui ses ambitions à atténuer les effets du capitalisme et de l’impérialisme, au lieu de les combattre et de vouloir les supprimer.
Tu connais mon parcours, puisque nous nous sommes côtoyés de longues années au sein de ce que l’on nommait jusque dans les années 2000, la section de politique extérieure du PCF. Militant depuis 1957, élu du PCF en Val d’Oise quand ce département comptait plus de 10.000 adhérents, je m’honore d’avoir protesté contre les dérives conciliatrices de nos dirigeants dès 1981, quand ils prônaient le soutien sans principe aux mesures « d’austérité salariale » prises par un gouvernement de gauche avec des ministres communistes, contre la volonté des salariés que nous étions supposés représenter. Pour être des gouvernements successifs, pour se faire élire localement grâce aux voix « de gauche », la dérive s’est aggravée durant vingt ans : peu à peu, les dirigeants du PCF n’eurent plus pour objectif premier, que les alliances nécessaires à conquérir des strapontins de pouvoir, à les conserver. Les visées de transformation de la société, de ce fait, disparurent, au profit d’un ralliement à la croyance de la pérennité du capitalisme, qu’il suffirait « d’humaniser », y compris dans ses comportements guerriers.
L’effondrement de l’URSS, et des espoirs parfois naïfs qu’elle incarnait, facilita cette décrépitude du PCF, elle n’en fut pas la cause essentielle.
En 2007, nous sommes au terme du processus : le tissu militant, découragé, écoeuré délibérément, a progressivement disparu du PCF : le Val d’Oise n’a plus qu’un dixième des adhérents d’il y a trente ans, et j’ai moi-même abandonné l’adhésion, devenue non-sens, après vingt ans de protestations internes totalement méprisées. Plus grave encore, le PCF est contrôlé sans partage, nationalement et localement, par des carriéristes politiciens, prêts pour conserver leur pouvoir à ne pas déplaire à un parti socialiste, qui n’a « de gauche » que le nom et le verbiage. Les dirigeants européens, étasuniens, organisateurs de la mondialisation capitaliste, le savent bien, puisqu’ils ont fait de Strauss-Kahn et Lamy, socialistes français, les dirigeants du Fonds Monétaire International et de l’Organisation Mondiale du Commerce. Evidemment, le discrédit du PCF auprès de salariés qu’il ne représente plus guère, ne pouvait que devenir massif : Marie-George Buffet en a fait l’amère expérience, qui s’évertuait à expliquer qu’elle voulait « faire élire la gauche » !
Ce dernier traumatisme électoral, pour prévisible et mérité qu’il soit, annonce-t-il la disparition du PCF, s’il continue sur les mêmes bases opportunistes et suicidaires, ou sa renaissance en tant qu’organisation révolutionnaire en France ? La seconde solution est possible : il existe encore au sein du PCF des dizaines de milliers de communistes honnêtes, désireux de transformation sociales anti-capitalistes, et qui n’ont jamais retiré de leur adhésion le moindre avantage personnel, salaire ou pouvoir. Il existe aussi des milliers de communistes convaincus, rejetés par leur parti au cours des ans, souvent désespérés de cette éviction. Ils ne demanderaient qu’à affluer vers une organisation qui aurait enfin retrouvé ses idéaux fondateurs.
Malheureusement, depuis l’échec du printemps 2007, de nombreux responsables nationaux et locaux du PCF se répandent en déclarations sur la refondation nécessaire du parti, en proposant de le tirer encore plus vers la droite ; « à l’italienne », « à l’allemande », ils veulent le transformer définitivement en « machin » politicien à l’image des partis sociaux- libéraux de la gauche européenne, qui ne combattent pas le capitalisme et l’impérialisme, mais se contentent au plus d’en dénoncer les excès. Paradoxalement, leur envie peut être une chance pour le PCF : que tous les carriéristes sans principes, les partisans de ce nouveau parti social-démocrate français le forment et laissent les communistes, enfin, restaurer leur parti.
Car la France et son peuple ont plus que jamais besoin d’un parti communiste, seul capable d’organiser les aspirations populaires anti-capitalistes et anti-impérialistes. Il peut, il doit réunir les communistes véritables, dans leur diversité, qui enrichit le combat collectif au lieu de le limiter. Encore faut-il pour cela qu’il rassemble en son sein des militants sur la base de quelques principes simples, élémentaires, mais en rupture avec les dérives droitières des années passées.

~ Dans un pays capitaliste comme la France, dont la majorité des citoyens, ouvriers, chômeurs ou salariés est exploitée, au profit de minorités privilégiées, un parti organisé est nécessaire à toute stratégie de transformation sociale. Encore faut-il préciser que son objectif premier n’est pas d’accéder au pouvoir, de conquérir des postes de ministres, de responsables nationaux ou locaux, de députés ou de maires. Son rôle est essentiellement pédagogique ; il est l’outil nécessaire à convaincre la population du caractère néfaste du capitalisme, de la nécessité de le supprimer pour aboutir à une société socialiste, interdisant l’exploitation de l’homme par l’homme. Quand, et seulement alors, la majorité des citoyens aura admis ces objectifs, les communistes ne rechigneront pas aux responsabilités, pour transformer la société selon la volonté populaire, et non pour en tirer profit.

~ Le parti communiste ne peut convaincre les citoyens de ces objectifs, qu’en élaborant un programme, incluant des objectifs concrets de lutte, mais aussi un projet de société nouvelle. Il devient infantile, quinze ans après l’effondrement du modèle soviétique, de répéter avec les conservateurs de tout poil, que ce fut un échec, et d’en conclure que la société socialiste, basée sur la propriété collective des grands moyens de production, est obligatoirement condamnée aux exactions étatiques, à l’absence de démocratie politique, ou à l’inefficacité économique. Un projet socialiste autogestionnaire pour la France, déjà esquissé par le PCF il y a trente-cinq ans, est tout à fait plausible et nécessaire aujourd’hui. Il serait le moyen de reconquérir l’audience du parti, acquise quand ses membres combattaient les nazis et leurs alliés, ou quand ils luttaient pour la paix dans le monde et contre les guerres coloniales.

~ Encore faut-il que, parallèlement, le PCF ne présente plus le visage d’apparatchiks plus ou moins médiatisés, ignorant tout des préoccupations quotidiennes de la majorité des citoyens, qu’ils ne partagent plus depuis parfois des décennies de professionnalisme politicien. Il doit redonner l’image, trop souvent perdue, de responsables et d’élus immergés dans la vie réelle, le monde du travail, à l’écoute des salariés et travailleurs indépendants, avec un seul objectif militant : expliquer, convaincre, et animer les luttes populaires, sans s’ériger en donneur de leçons impératives.

~ Les communistes savent bien que le combat politique exige des alliances, y compris électorales, avec d’autres forces qui partagent certains de nos objectifs anti-capitalistes et anti-impérialistes : altermondialistes, trotskistes, écologistes de gauche, socialistes, chrétiens, etc…La liste est très longue de ces acteurs possibles d’un rassemblement progressiste, fugace ou durable. Mais cette tactique unitaire ne doit en aucun cas nous amener à nous dissoudre dans les convictions du partenaire. Et il faut en finir avec cette pratique inepte qui consiste depuis longtemps pour le PCF à réduire le niveau de ses objectifs pour parvenir aux alliances recherchées (notamment avec le PS), l’alliance n’a de sens, au contraire, qu’en fonction de l’objectif de lutte nécessaire.

~ Ce projet d’une France socialiste du XXIème siècle, doit avoir une dimension politique claire, seule capable de réconcilier les citoyens avec la République : des millions d’entre eux, parmi les plus exploités, ne votent plus ou se laissent attirer par la démagogie de droite ou d’extrême droite, parce qu’ils jugent tous les dirigeants politiques y compris ceux du PCF, inefficaces, menteurs et corrompus. Les communistes ont donc le devoir, en 2007, de dénoncer un système de plus en plus monarchique, soutenu par les dirigeants politiciens et affairistes des médias et notamment des télévisions, qui manipulent l’opinion au lieu de l’informer, et par des élus-notables prêts à oublier leurs engagements sitôt passée l’élection. A l’inverse, les communistes doivent proposer une République parlementaire, gérée à tous niveaux par les représentants de l’opinion élus à la proportionnelle, des élus responsables devant leurs mandants et révocables par eux à tout instant, et une information télévisée dont le pluralisme et l’honnêteté soit contrôlée par la représentation nationale, dans sa diversité.

~ Ce projet d’une France socialiste du XXIème siècle, doit avoir un contenu économique et social précis, qui ne peut se limiter à la défense des conquêtes du passé. Car s’il est juste de s’opposer au démantèlement de la Sécurité Sociale, des retraites, des services publics, à la privatisation des sociétés nationalisées, à la précarité de l’emploi, aux délocalisations, au manque de logements sociaux, etc…il est illusoire et démagogique de promettre le plein emploi, les logements populaires et services publics nécessaires, si l’on se refuse à mettre en cause le pouvoir de décision, qui relève de la propriété des moyens de production et d’échange. Ainsi le chômage, les délocalisations, la précarité de l’emploi sont aujourd’hui organisés à leur profit par les capitalistes, financiers et spéculateurs internationaux, qui possèdent les trois-quarts des grandes entreprises de France. Les décisions inverses, au profit des salariés et consommateurs, ne pourront que suivre la réappropriation par la nation des dites entreprises et des richesses qu’elles produisent. Les seuls pays qui, aujourd’hui, réalisent des avancées sociales révolutionnaires, comme le Venezuela, nationalisent leur patrimoine, au lieu de le livrer au pillage spéculatif. Le gouvernement Chavez n’attend pour cela ni l’autorisation des dirigeants US, ni l’assentiment de ceux d’Europe.
Autre exemple flagrant, dans une France qui compte chaque année plus de riches, et plus de sans abris : la spéculation a conduit en quelques années le prix des terrains à bâtir à un tel taux, qu’aucune collectivité ne peut réaliser les logements sociaux nécessaires, même quand elle en a la volonté. Construire assez pour loger les plus pauvres implique donc la réquisition effective des logements vides, mais surtout le blocage total, par la loi, du prix des terrains à bâtir, à un taux non spéculatif. Le PCF s’honorerait en faisant campagne pour cette mesure, révolutionnaire certes, mais susceptible d’entraîner une majorité de Français, s’ils en comprennent les enjeux.

~ Dans le monde actuel, il ne peut y avoir de lutte conséquente pour une autre société en France, sans tenir compte des problèmes internationaux, en refusant le chantage selon lequel on ne peut rien changer dans notre pays, enfermé dans les obligations de la mondialisation capitaliste et de l’Europe libérale supranationale. Le changement dans un pays est affaire de volonté politique et de soutien populaire. Plusieurs pays d’Amérique latine et Cuba prouvent que les dirigeants de l’impérialisme mondial, malgré tous leurs efforts, ne peuvent empêcher un peuple de construire son avenir quand il le veut suffisamment. Mais il faut qu’enfin le PCF retrouve dans son programme les traditions de lutte pour la paix, contre l’impérialisme, qui firent sa grandeur et sa force.
Il les a, depuis des années, abandonnées au profit de discours humanistes creux, lorgnant vers la social démocratie européenne et atlantiste, au détriment des solidarités de lutte contre l’impérialisme étasunien ou français. Exemples flagrants de cette dérive, l’inaction du PCF contre l’invasion et l’occupation de l’Irak, sous prétexte que Saddam Hussein était un dictateur ; et encore, en juillet 2007, l’absence une nouvelle fois du PCF aux côtés des trente-neuf partis communistes et ouvriers, protestant ensemble contre le projet US de bases nucléaires en Europe de l’est (parmi lesquels les PC Tchèque, de Grèce, du Portugal, de Turquie, de Chypre, le DKP allemand, le PDCI d’Italie, etc…).
Le PCF doit au contraire proclamer le droit inaliénable de la nation française de déterminer elle-même son avenir économique, social, politique, diplomatique et militaire, et son droit de ne pas subir les diktats impérialistes extérieurs. Cela implique le rejet du traité de Maastricht et de l’autorité monétaire de la banque européenne de Francfort, et la sortie de l’alliance occidentale de l’OTAN. Ceci au profit d’une diplomatie de neutralité et de solidarité avec tous les peuples, notamment ceux d’Afrique et d’Amérique latine. Les communistes doivent organiser, en France, la lutte internationale contre le colonialisme israélien, le chaos sanglant généré par l’impérialisme des USA et de leurs alliés en Irak. Mais ils doivent aussi exiger la fin des interventions militaires françaises en Afghanistan, au Tchad. Ils doivent dénoncer les rodomontades du ministre Kouchner sur le « droit d’ingérence » de la France et des grandes puissances, la pratique des dirigeants européens et de Sarkozy de piller les compétences des pays africains par « l’immigration choisie ». Ils doivent enfin proposer une solidarité réelle entre les peuples, plutôt qu’une concurrence brutale organisée par le FMI et l’OMC.

~ Telles sont les conditions essentielles d’une refondation du Parti Communiste Français, dont la permanence du nom doit garantir la fidélité aux principes qui firent sa grandeur. En tant que communiste, j’ai cru devoir apporter mon avis, et j’espère être écouté pour, comme tu le dis, « construire ensemble ».
 
Francis Arzalier
 
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