LE MONDE | 12.07.08 | 12h37
NEW YORK, correspondant
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Pourquoi sont-ils menacés ? Avec le boom de l'immobilier américain, le volume de leurs prêts a crû de façon vertigineuse (de 350 % en dix ans). Or, avec la crise des subprimes – qu'ils ont
alimentée puisqu'ils titrisaient en Bourse les paquets de créances hypothécaires rachetés aux banques – et avec la montée en flèche du nombre des emprunteurs insolvables (désormais estimé à 2,5
millions de familles), la part des défauts de remboursement a doublé en un an. Résultat : ils se retrouvent en risque de manque de liquidités. Leur faillite, donc leur incapacité à racheter ou
garantir les emprunts, ferait peser un danger d'effondrement de tout le crédit aux Etats-Unis.
La crainte de les voir incapables de lever les fonds nécessaires à la poursuite de leur activité a commencé à ronger Wall Street dès le début de la semaine. Freddie perdait 40% en quatre jours,
Fannie 26 %. Vendredi, le New York Times annonçait que le gouvernement envisageait de les placer "sous tutelle". Le terme "nationalisation" n'était pas prononcé, mais
il était instantanément sur toutes les lèvres. Panique générale : à l'ouverture, tous deux perdaient près de 50 %.
Freddie Mac expliquait qu'il détenait "plusieurs options pour renforcer son bilan", et Fannie Mae qu'il détenait encore d'"importantes sources de liquidités". Le président
George Bush assurait que le président de la Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke, et son secrétaire au Trésor, Henry Paulson, "travaillaient dur" pour préserver l'activité de ces
bailleurs "très importants". M. Paulson assurait qu'il les soutiendrait "dans leur forme actuelle". Un haut responsable du Trésor était plus explicite : "Pas question de
nationalisation." En clôture, Freddie s'était repris (–3,13 %), Fannie avait encore perdu 22,3 %. Au total, ils ont perdu 80 % depuis janvier.
Que peut faire l'Etat ? Une faillite paraît improbable dans l'immédiat : les deux groupes disposent de fonds propres considérables. Mais, alors qu'ils ont déjà levé 20 milliards de dollars pour
compenser 11 milliards de "pertes subprimes", ils doivent être recapitalisés rapidement devant le risque de pertes supplémentaires. Or aucune banque – même avec une ligne de crédit de
la Fed – n'a une surface suffisante pour reprendre de tels géants.
Pour le démocrate Christopher Dodds, président de la commission bancaire du Sénat, "le moment n'est pas à la panique. Ces institutions sont viables et fortes". Il a indiqué une piste :
la Fed pourrait leur ouvrir sa ligne d'escompte, auxquelles seules les banques de dépôt ont accès, leur permettant un refinancement d'urgence. M. Bernanke expliquait aussi que ces fonds
pourraient "être mieux contrôlés". Mais cette option nécessite de modifier la loi, donc du temps. Le sénateur démocrate Charles Schumer a assuré que le Congrès "agirait vite"
si besoin était. Si la situation de Fannie et Freddie s'aggravait, l'Etat pourrait nommer un "conservator", un administrateur public. D'autres évoquent la nécessité d'une intervention
fédérale pour réduire le nombre des emprunteurs insolvables, ce à quoi la Maison Blanche se refuse.
Vendredi soir, on apprenait la faillite d'IndyMac, l'un des grands du crédit hypothécaire américain. Une heure auparavant, le Dow Jones était passé sous le seuil de 11000 points, à – 21 % de
son record du 11 octobre 2007. Dans la semaine à venir, plusieurs grandes banques doivent publier leurs comptes trimestriels. "Chacun retient son souffle dans l'attente d'une annonce du
gouvernement durant le week-end", explique Karen Shaw Petrou, de la société conseil Federal Financial Analytics.