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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 21:12

 

Vous trouverez ci-dessous la première partie d’un très long message de Gérard Vaysse relatif à Bernard Friot.

Le message est disponible en totalité à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article27938#top

 

La puissance utopique des thèses de Bernard Friot sur le salaire

Par Gérard Vaysse

Mardi 12 Février 2013

A propos de « l’enjeu du salaire » de Bernard Friot

Les thèses de Bernard Friot, posées dans le débat public depuis plus de dix ans et particulièrement discutées lors de la « réforme » des retraites en 2003, partent du constat que le salaire socialisé est un formidable acquis du vingtième siècle : il permet à des retraités, des malades, des chômeurs, des femmes en congé maternité, des hommes en congé paternel, de toucher un salaire continué grâce au principe de la cotisation sociale. La cotisation sociale pérennise le salaire dans des situations hors travail, et de plus elle le fait sans accumulation.

Chaque cotisation perçue par une caisse (retraite, maladie, famille, chômage) est immédiatement reversée à un ayant droit : il n’y a que flux de monnaie et d’aucune façon accumulation de capital. La cotisation sociale permet la continuité du salaire sans passer par la propriété lucrative. Or elle représente en France environ trente pour cent du PIB, elle n’est pas accumulable, elle n’est pas productrice d’intérêt ou de profit, elle échappe au capital.

C’est cette situation qui explique l’acharnement actuel, dans le contexte de contre offensive généralisée du capital, à faire revenir cette manne potentielle dans le cycle de valorisation : par le crédit (« dette » sociale financée par les banques), par l’investissement porteur d’intérêt ou de profit (épargne salariale, placement en actions), par la rente (amener les salariés à préparer leur retraite en « investissant dans la pierre »).

Mais avant de détailler les mécanismes et les objectifs de la contre offensive, il convient de revenir sur l’histoire de la cotisation sociale construite au vingtième siècle car elle s’est construite par des voies inattendues.

Universalisation du salaire

L’assurance maladie trouve son origine dans une volonté du patronat, dans les années 1920 et 1930, de différencier le salaire selon les besoins des familles, au prorata du nombre d’enfants.

C’était des la part des capitalistes un contre-feu face à la revendication syndicale d’augmentation pour tous du salaire direct. Le patronat ne voulait attribuer des salaires qu’en fonction des besoins de la reproduction de la force de travail, les syndicats revendiquaient l’égalité salariale. De plus, les syndicats, qui géraient des caisses mutuelles d’assurance s’opposaient aussi à la mise en place par le patronat de ses propres caisses. Mais une fois le système mis en place, et dans un contexte de rapport de forces favorable du monde du travail, il a été subverti de l’intérieur. A la libération, les caisses d’assurance maladie qui sont devenues départementales et les caisses familiales attribuent à tous des droits totalement détachés de l’appartenance à une entreprise, totalement détachés de l’emploi. Ce retournement de situation transforme un système voulu au départ comme rémunération de la main d’œuvre comme force de travail, payée au prix de sa reproduction, en un système qui attribue « à chacun selon ses besoins » et qui détache une partie du salaire de l’emploi pour en faire un droit quasi universel.

L’émergence de la retraite procède aussi d’une surprise. A l’origine, la retraite était basée sur la capitalisation : les salariés épargnaient sous forme de placements en actions ou divers titres bancaires, aidés en cela par leur entreprise.

Or les placements financiers et boursiers se sont effondrés à plusieurs reprises : « Emprunt Russe » et « Canal de Suez » puis crise de 1929 et enfin crise des placements due à la guerre. Pendant la guerre de 1939 les vieux des villes mourraient de faim dans des taudis (ce n’est pas une métaphore) au point que le gouvernement de Vichy a du prendre des mesures d’urgence en gelant les placements d’épargne retraite et en les remplaçant par une pension délivrée aux retraités. Ce système, qui n’offrait qu’une pension misérable à la limite de la survie a été repris et renforcé à la Libération lors de la fondation de la sécurité sociale sous forme de retraite par répartition : la cotisation sur le salaire des actifs, fixée à l’époque à huit pour cent est reversée aux retraités du moment.

L’immense avantage de ce système par rapport à la capitalisation c’est que dès le premier jour des cotisations de tous les salariés, tous les retraités peuvent toucher une pension.

De 1946 à 1995 la cotisation passe de huit pour cent à vingt six pour cent du salaire, ce qui permet de faire face à l’allongement de la durée de vie, à la généralisation de la retraite à soixante ans, et à l’amélioration des pensions qui atteignent, en 1990, quatre vingt quatre pour cent en moyenne du salaire net, très proche donc d’un véritable maintien du salaire lors de la retraite. A cette époque, la CGT revendiquait une garantie de retraite à soixante quinze pour cent du salaire brut ce qui était une autre façon de dire « pension de retraite égale au salaire net ».

L’indemnité de chômage suit le même mouvement ascendant de sa mise en place en 1958 jusqu’à 1982 : elle passe de quarante pour cent à soixante pour cent du salaire et bien davantage en cas de licenciement économique. Dans les années 1970 les licenciés pour motif économique avaient un maintien intégral du salaire pendant un an.

Sur tous les plans, retraite, maladie, chômage, famille, le mouvement engagé au cours du vingtième siècle et qui s’est brutalement stoppé dans les années 1980 progressait vers une généralisation du salaire, de plus en plus déconnecté de l’emploi, avec une tendance forte des revendications et des acquis à se rapprocher d’un salaire à vie, inaliénable.

 

 

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