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16 mars 2010 2 16 /03 /mars /2010 21:07

http://www.liberation.fr/economie/0101624080-bollore-ou-le-cameroun-au-stade-germinal


Bolloré ou le Cameroun au stade Germinal

Procès . Le groupe attaquait France Inter en diffamation pour un reportage sur ses activités en Afrique.

Par RENAUD LECADRE

Vincent Bolloré, négrier moderne ou patron social ? Le tribunal correctionnel de Paris vient de tourner autour de la question durant deux jours. Sur plainte en diffamation du groupe Bolloré contre un reportage diffusé l’an dernier sur France Inter, consacré à ses activités au Cameroun (plantations, chemin de fer et logistique portuaire) le présentant comme un «empire peu soucieux du bien-être et du développement local, héritier de la Françafrique». Réaction indignée de Dominique Laffont, numéro 2 du groupe : «En Afrique, nous sommes une entreprise citoyenne.» Les deux parties ont fait défiler des dizaines de témoins camerounais (syndicalistes, dirigeants, politiques, journalistes) à charge et à décharge. Happening à la barre.

Croûtons.

Laffont entame les hostilités : «Il y a peu d’actionnaires capables d’investir 200 millions d’euros par an en Afrique. Et pour gagner quoi ? Notre rentabilité est de 5%. La plupart des opérateurs en Afrique ne s’intéressent qu’aux télécoms et à l’énergie, 45% de marges. Pourquoi si peu investissent dans la logistique ? Parce que c’est un métier ardu.» Il est beaucoup question de salaires. Dans ses activités de transports, Bolloré rémunère ses employés deux à quatre fois le smic local. Ce n’est donc pas le pire des employeurs africains, loin de là. Mais c’est quand même un employeur africain : quatre croûtons de pain ne font pas une bonne miche. A chacun son syndicaliste. France Inter fait témoigner le responsable du syndicat de la fonction publique : «Bolloré licencie à tout va, distribue des salaires de misère, ne respecte pas les concessions et bénéfice de l’appui des pouvoirs publics qui volent à son secours à chaque difficulté.» Sauf que Bolloré n’emploie aucun fonctionnaire. Et de brandir en retour le syndicat des dockers : «Nous n’avons aucun souci, Bolloré est le meilleur employeur portuaire que j’ai connu.» Mais à trop vouloir démontrer… Le syndicaliste maison sort de sa besace l’équipement complet des dockers de Douala (combinaison, chaussures, gants, casque) dont certains éléments sont encore sous cellophane. Remarque amusée de Basile Ader, avocat d’Inter : «C’est neuf. Ça sort directement du magasin ?»

On passe au chemin de fer, la principale ligne entre la capitale, Yaoundé, et le nord du Cameroun ayant été concédée en 1999 à Bolloré. «Tous les bénéfices sont réinvestis,assure Dominique Laffont.L’actionnaire sacrifie ses dividendes.» Gouffre financier sous tutelle publique, la ligne est devenue rentable, à en juger par ses 15 millions d’euros d’impôts annuels sur les bénéfices. Quant à la qualité du service ferroviaire, faute de l’avoir expérimentée soi-même, il faut s’en remettre aux journaux locaux. Bolloré brandi l’Œil du Sahel : «Ce n’est pas encore parfait, mais c’est nettement mieux.» France Inter exhibe l’hebdo Germinal : «Les défaillances s’accumulent.» Réplique du président de Camrail, filiale de Bolloré : «Le directeur de Germinal sort de prison pour diffamation ; il a qualifié le Président d’homosexuel, une grave accusation…»

«Esclaves».

On termine sur les plantations de palmiers à huile, que Libération avait qualifiées, en mars 2008, de «Germinal sous les tropiques». Olivier Baratelli, avocat de Bolloré, s’est rendu sur place et vante ses écoles, ses centres de soin et ses maisons d’ouvriers en dur, pour dénoncer «la présentation misérabiliste et altermondialiste qui en est faite». Mais une photographe et un chercheur confirment ce que France Inter avait constaté : «Les ouvriers se surnomment esclaves, le directeur de la plantation reconnaît que les conditions de travail sont épouvantables.»





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