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25 avril 2024 4 25 /04 /avril /2024 15:22

 

 

https://www.mediapart.fr/journal/france/210424/d-abord-interdite-la-manifestation-contre-le-racisme-s-est-deroulee-dans-le-calme

 

D’abord interdite, la manifestation contre le racisme s’est déroulée dans le calme

Le ministère de l’intérieur a tenté, jusqu’au bout, d’interdire une manifestation contre le racisme et pour la protection de l’enfance. Environ trois mille manifestants ont défilé, dans le calme, pour dénoncer les violences policières et la guerre à Gaza.

Annie Ernaux, Angela Davis, Blanche Gardin, le Mouvement de la France Insoumise (MFI), l’Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) et le Mouvement Français du Planning Familial (MFPF), l’appel à manifester, Dimanche 21 Avril 2024, était large. Le mot d’ordre était encore plus large, la lutte contre le racisme, contre l’islamophobie et pour la protection de tous les enfants. Il a été entendu par environ trois mille manifestants, qui ont marché de Barbès à la Place de la République à Paris, Dimanche 21 Avril 2024.

Deux militantes contre les violences policières sont les chevilles ouvrières de cette mobilisation, Amal Bentounsi, qui a perdu son frère Amine Bentounsi en 2012, abattu d’une balle dans le dos par un policier, celui-ci a été condamné à cinq ans de prison avec sursis, et la militante décoloniale Yessa Belkhodja, membre du collectif de défense des jeunes de Mantes-la-Jolie.

« Souvent, nous nous mobilisons quand un jeune est tué par la police, comme Wanys à Aubervilliers il y a quelques semaines. C’est un décompte macabre. Cette fois, nous marchons pour faire prendre conscience à la société que ces violences sont structurelles et nous voulons que notre mobilisation soit pérenne et qu’elle s’inscrive durablement dans le débat public », dit Yessa Belkhodja

« Où sont l’abbé Pierre, Jean-Paul Sartre, Stéphane Hessel, Rosa Parks, Angela Davis, Frantz Fanon et Nelson Mandela », interroge le manifeste, rejoint par de nombreuses organisations, le MFI, ATTAC, le MFPF, l’Union Syndicale Solidaire (USS), la Confédération Générale du Travail (CGT) et Révolution Permanente.

Jusqu’au bout, la manifestation a été suspendue à des décisions de justice. Jeudi 18 Avril 2024, la préfecture de police l’interdisait pour des motifs divers, certains futiles, comme la tenue d’une brocante sur la Place de la République, et d’autres bien plus défiants et accusatoires contre cette mobilisation. La préfecture a reproché aux manifestants l’usage des termes de crimes policiers, qui risquaient d’attirer des composantes recherchant délibérément des affrontements avec les forces de l’ordre, ou encore l’attention portée aux enfants morts à Gaza, qui serait susceptible d’encourager des slogans antisémites.

Vendredi 19 Avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif a balayé l’arrêté d’interdiction parce qu’il portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester. Le ministère de l’intérieur a fait appel devant le conseil d’état. L’audience s’est tenue Dimanche 21 Avril 2024 dans l’après-midi, alors que la manifestation était en cours. « Le conseil d’état a finalement rejeté entièrement l’appel formé par le ministère de l’intérieur, la manifestation peut se poursuivre, ainsi que le concert à venir », se félicitait Dimanche 21 Avril 2024 Yannis Smaali, l’avocat des organisatrices de la manifestation.

Aux yeux des organisatrices de la manifestation, Amal Bentounsi et Yessa Belkhodja, l’interdiction initiale de la préfecture puis l’appel du ministère de l’intérieur s’inscrivent dans l’agenda politique d’un gouvernement toujours plus autoritaire, sécuritaire et liberticide. Elle démontre aussi l’inquiétude du pouvoir.

Pour Louis Boyard, député du MFI, « cette interdiction s’inscrit dans une verticale du pouvoir et il montre la complicité du gouvernement, qui nie que des jeunes meurent sous les coups des policiers ».

Le premier mot d’ordre de la manifestation était la protection des enfants contre le racisme et les violences policières. « Nos enfants sont victimes d’un racisme véhiculé par les médias qui s’immisce jusque dans nos écoles et qui crée du séparatisme. Le racisme, y compris l’islamophobie, est pourtant un crime », dit Amal Bentounsi.

Jennifer, habitante de Gennevilliers et mère de deux enfants, raconte la même chose, « mes frères étudiants sont sans cesse contrôlés par la police, au faciès, et, plus largement, nous voulons exprimer notre colère contre le gouvernement et contre les médias, qui stigmatisent les musulmans et qui mentent sans cesse. Par exemple, j’ai participé à toutes les manifestations pour la Palestine et je n’ai jamais vu aucun débordement ».

« Nous manifestons pour la protection de tous les enfants, pas seulement les enfants blancs du sixième arrondissement », dit Ritchy Thibault, militant contre l’antitsiganisme. Ritchy Thibault fait écho au discours du premier ministre Gabriel Attal sur la jeunesse, Jeudi 18 Avril 2024, qui a ciblé spécifiquement les quartiers prioritaires, dans lesquels il veut que tous les collégiens soient scolarisés de 8 à 18 heures. Gabriel Attal a également annoncé la création d’internats pour les jeunes aux mauvaises fréquentations, loin de leur quartier.

Au micro, au cours de la manifestation, un homme s’est énervé, « ce fils de bourgeois ne va pas nous expliquer comment éduquer nos enfants ».

« En tant que mère, cela m’inquiète. A quoi ressembleront ces internats ? Qui décidera du placement des enfants ? Est-ce que ce sera la justice ? Seront-ils criminalisés », demande Amal Bentounsi.

La dénonciation de la guerre à Gaza et du sort fait aux palestiniens occupait une large place dans la manifestation, bien plus grande que dans la tribune initiale, où étaient évoqués en quelques mots les enfants de Gaza, maltraités, emprisonnés et tués par milliers.

Le militant contre l’antitsiganisme Ritchy Thibault explique la place prise par la cause palestinienne selon lui, « le sort des enfants de Gaza et celui des enfants des quartiers populaires résultent d’une même logique coloniale ».

« Nous défendons, au quotidien, la sacralité, la dignité et l’égalité de toutes les vies humaines. Nous sommes là pour dénoncer la destruction du système de santé de Gaza et pour dénoncer l’ignominie des bombardements des hôpitaux », dit Khadidja, militante d’un collectif de soignants, les Blouses Blanches pour Gaza.

Lors de la manifestation, des juifs se revendiquant comme tels étaient présents. En marge, certains d’entre eux ont vigoureusement interpellé les manifestants sur le sort des otages israéliens toujours aux mains du Hamas, suscitant quelques vifs échanges verbaux. D’autres ont pris part au cortège, comme Lorenzo, âgé de vingt-six ans, venu avec des amis et une banderole contre l’antisémitisme et contre l’islamophobie, « nous marchons pour que la question de l’antisémitisme soit intégrée aux luttes antiracistes. Certaines organisations, comme le MFI, qui dénoncent à juste titre les crimes de guerre d’Israël, ne sont pas toujours clairs sur cette question et ils tiennent parfois des propos antisémites. L’antisémitisme est pluriséculaire et il existait bien avant l’existence de l’état d’Israël ».

S’il n’a pas entendu de propos clairement antisémites, il estime que certains slogans, comme « le chantage à l’antisémitisme ne marchera plus », démontrent bien la position ambivalente de certains manifestants vis-à-vis du racisme contre les juifs.

Les craintes de la préfecture de police et du ministère de l’intérieur étaient au final infondées. Il n’y a pas eu de réelles tensions et la manifestation s’est terminée Place de la République, où s’est tenu Dimanche 21 Avril 2024 en fin d’après-midi et en début de soirée un concert de Kery James, Médine et Sniper.

Les manifestants ont cohabité sans difficultés avec le public familial de la brocante qui se tenait sur la Place de la République, où se trouvait un ludomouv, un conteneur rouge mobile qui propose gratuitement des jeux de société aux passants, grands et petits.    

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