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23 janvier 2016 6 23 /01 /janvier /2016 18:26

http://www.legrandsoir.info/petit-aylan-sache-que-je-ne-suis-plus-charlie-depuis-le-13-janvier-2016.html

Petit Aylan, sache que je ne suis plus Charlie, depuis Mercredi 13 Janvier 2016

Par Salah Horchani

Dans une caricature, parue Mercredi 13 Janvier 2016 dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, Riss, le directeur de publication, a dépeint le petit Aylan à l’âge adulte, en supposant qu’il ait survécu et grandi, comme un agresseur sexuel, à l’exemple des harceleurs sexuels de la gare de Cologne, Jeudi 31 Décembre 2015.

La meilleure réponse à ce dérapage, je l’ai trouvée dans l’émouvante et combien belle, subtile et juste « lettre ouverte à Charlie » de Tania Hadjithomas Mehanna que je reproduis ci-dessous et qui contient, effectivement, les raisons de ma décision de ne plus être Charlie à compter du Mercredi 13 Janvier 2016 et, cela, après une magistrale description du blues et des états d’âme et du combat acharné des démocrates du monde arabe, aujourd’hui.

« Peu importe qui je suis. Juste te dire Charlie que je suis libanaise. C’est à dire jongleuse, funambule et équilibriste. Cela fait presque cinquante ans que j’essaie d’établir un équilibre très incertain entre extrémisme et ouverture, entre religion et laïcité, entre modernisme et conservatisme entre arabité et occident. Je fais le grand écart. Je fais le dos rond. Je croule sous les bombes, sous la corruption et sous les influences de merde. Je survis. Je rêve d’un monde meilleur. Je crée des soupapes de vie. Je m’essaie à la politique. J’abandonne la politique. Je me remets en question. Je cherche mon identité. Je descends dans la rue. Je proteste. J’écris. Je lis. J’essaie de définir des choses. J’essaie souvent de les redéfinir. Je subis. Parfois j’implose. Parfois j’explose.

Mais jamais je ne vais vers les extrémismes qui pour moi représentent la mort. Alors quand on a voulu te tuer Charlie, j’en suis tombée malade. Tuer la liberté ? Cette liberté de pensée, d’expression qui m’avait fait tenir depuis que je suis née dans cette zone géographique si compliquée, jamais. Alors, j’ai affiché mes couleurs. J’ai pleuré avec toi. Je suis descendue dans la rue pour toi. Et j’ai dit haut et fort que jamais personne ne me fera plier. Que j’avais le droit de dire ce que je voulais.

Que la censure ne passera pas. Que les imbéciles qui veulent me museler et te museler ne savent pas à qui ils ont affaire. J’ai frimé. Mais j’y croyais. Et ceux qui sont venus te tuer Charlie sont exactement les mêmes qui essaient de faire de moi ce que je ne serais jamais. Alors Charlie, mille fois Charlie, mais là, ta caricature du petit Aylan dont je connais très bien les souffrances parce que c’est mon voisin tu vois, elle m’a beaucoup déboussolée. Et là j’ai compris que la haine t’a atteint. Tu vois Charlie, la différence entre toi et moi aujourd’hui, c’est que moi, depuis que je suis enfant, je suis confrontée à cette haine et que, même si je peux aussi être sarcastique, je n’ai jamais laissé ces cons haineux envahir mon espace de pensée. Bien sûr qu'en tant que libanaise, je suis souvent dans la provocation, mais jamais dans la haine. Et là tu vois, d’un dessin, de quelques traits de crayon, tu m’as montré que tu n’as rien compris. Ils t’ont tué. Ils t’ont inculqué leur haine et leur façon unique de penser. Je te pensais plus intelligent. Je suis déçue et triste de voir que tu n’as plus de respect même pour ta liberté. Aylan est parti parce qu’il voulait être libre. Aylan est mort parce qu’il voulait être libre. Tu es mort parce que tu voulais être libre. Alors, Aylan est ton dessin aujourd’hui. Ton outil pour quoi, faire sourire, continuer à vivre, faire vendre ou bien être libre ? Tu n’as rien compris Charlie. Et c’est dommage. Parce qu’à un moment, on a eu les mêmes ennemis. Mais aujourd’hui c’est toi aussi mon ennemi Charlie ».

Que reste-t-il à Riss pour réparer les dommages provoqués par son dessin ?

Il est contenu dans ma réponse sur facebook à un commentaire relatif à ladite caricature, parue Mardi 19 Janvier 2016, à savoir que « je vous avoue que je suis encore choqué par cette caricature. Je me mets à la place du père d’Aylan dont j’ai rapporté la réaction dans un commentaire, unique survivant de toute une famille, qui a vu disparaître ses deux enfants et leur mère dans des conditions horribles. Non, ici, il n’est pas question de liberté d’expression, ni d’humour au premier, deuxième ou énième degré, ni de racisme, ni de xénophobie, ni d’islamophobie, ni de je ne sais quoi encore, il est simplement question d’humanité, des souffrances d’un père qui a pleuré en découvrant le dessin de Riss insultant de façon ignoble et nauséabonde la mémoire de son enfant, conséquence de son humour indécent, offensant et humiliant, prenant le cadavre du gamin comme objet de sa caricature grotesque et inconvenante. Riss a déconné, Riss a choqué, Riss a fait souffrir ce père. Il ne lui reste qu’une seule chose à faire pour réparer les dommages provoqués, s’excuser dans le numéro de Charlie à paraitre demain, lui, le chevalier de la défense de la liberté d’expression et de la presse qui n’a même pas daigné condescendre, du haut du génie de son crayon, à répondre à cette presse, plus précisément à l'Agence France Presse (AFP), qui l’a sollicité pour l’interroger sur la controverse suscitée par son dessin.

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