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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 15:35

http://www.liberation.fr/debats/2016/02/20/fortifions-le-code-du-travail_1434734

Fortifions le code du travail

Samedi 20 Février 2016

Sous ce quinquennat, les salariés ont perdu des droits. Nous n’accepterons pas que la loi de Myriam el Khomri les réduise davantage.

Le projet de Myriam el Khomri veut simplifier les licenciements pour favoriser les embauches. Mais d’expérience on le sait, simplifier les licenciements simplifie juste les licenciements. Et gonfle les dividendes.

Depuis un siècle, le patronat dénonce ce « carcan » que serait le code du travail. « Vos lois sociales coulent une industrie déjà fragile », lançait en 1909 le sénateur Eugène Touron, président de l'association de l’industrie et de l’agriculture française, à René Viviani, ministre socialiste du travail, sous l’impulsion duquel fut écrit le premier code du travail. En 2006, Laurence Parisot eut ce cri du cœur, « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail ».

Manuel Valls et François Hollande veulent alléger le code du travail, pour quel profit ?

Sous Nicolas Sarkozy, la mission de Jean Denis Combrexelle a passé le code du travail à l’acide, supprimant un million cinq cent mille signes et cinq cent lois. Un code du travail light va booster l’embauche, disait la droite. Il n’a créé aucun emploi. Car même l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) le reconnaît, une législation protectrice des salariés n’influe pas sur la destruction ou la création de postes.

Dans ce pays, on ne parle jamais des salariés carbonisés au travail, victimes innommables d’une guerre économique innommée. Mais chaque année, ce sont cinq cent accidents mortels au travail, sept cent suicides, six cent cinquante mille accidents avec arrêts de travail, et quatre mille cinq cent handicapés directement liés au travail, des chiffres et des vies renvoyées au chômage, à la précarité et à la misère, ruinées, invisibles et méprisées.

Le code du travail n’est ni obèse ni illisible. Il permet déjà aux employeurs trop de dérogations défavorables aux salariés. Il n’est pas assez directif, ni assez contrôlé, ni assez appliqué, les agressions envers des agents de l’inspection du travail ont été multipliées par quatre en dix ans, les suites judiciaires données à leurs procès-verbaux sont en chute libre et les moyens alloués à l’inspection du travail sont continuellement restreints.

Les pistes de réforme du code du travail, énoncées à ce jour, sont inacceptables.

Le référendum d’entreprise délégitime l’intervention syndicale. Il permet plus de pressions patronales et plus de chantages aux licenciements. Chez Smart, il aurait permis à la direction d’appliquer directement son projet de trente neuf heures payées trente sept heures. A la Fédération Nationale d'Achat des Cadres (FNAC), il risque d’obliger au travail le dimanche.

Au-delà de trente cinq heures, les heures supplémentaires devront être « compensées » et non plus majorées de vingt cinq pour cent comme aujourd’hui. Emmanuel Macron dit la vérité, c’est la fin des trente cinq heures. A présent les syndicalistes partent sur la base de vingt cinq pour cent à cinquante pour cent de majoration des heures supplémentaires pour négocier. Quelle sera la « compensation », nettement moins, à coup sûr.

Myriam el Khomri projette d’augmenter par accord d’entreprise la durée du travail. Ce sera donc travailler plus pour gagner moins. Son texte empile d’ailleurs les dispositions contre les salariés, pour abaisser les indemnités de licenciement en cas de licenciement abusif, pour dissuader les salariés d’attaquer les employeurs devant les conseils des prud’hommes, et pour les obliger à revoir à la baisse les conditions de travail. Le projet de Myriam el Khomri, c’est l’employeur-roi.

Mais ce que l’on sait du projet de Myriam el Khomri n’est qu’un début. Tant d’autres pistes inquiètent. Car les rapports de Jean Denis Combrexelle et de Robert Badinter sapent certains soubassements du droit du travail en réduisant leur champ d’application.

Le principe de faveur, par exemple, fixe qu’en cas de contradiction entre la loi, le contrat de travail ou une convention collective, la règle la plus favorable s’applique au salarié. Jean Denis Combrexelle ne l’accepte que si « la loi n’en dispose pas autrement ».

L’obligation de reclassement pose qu’un employeur doit tout mettre en œuvre pour reclasser son salarié avant un licenciement économique.

« Sauf dérogation prévue par la loi », rétorque le rapport de Robert Badinter. Ce qui crée pas mal de brèches, supprimer l’obligation de reclassement des licenciés pour motif économique et pour ceux rendus invalides, notamment.

Lisons le treizième article de ce rapport, « le contrat de travail est à durée indéterminée. Il ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas prévus par la loi ». N’est pas reprise la formulation en vigueur, le Contrat de travail à Durée Indéterminée (CDI) est « la forme normale et générale de la relation de travail ». Est-ce simple hasard ?

N’est pas réaffirmé le garde-fou actuel aux dérogations, le Contrat de travail à Durée Déterminée (CDD) ne doit répondre qu’aux besoins temporaires de l’entreprise. Pourquoi cet oubli, quand le mouvement des entreprises de France (MEDEF) rêve d’un recours sans frein aux CDD.

Le premier article proclame que « les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise». Mais il s’agit du code du travail, non ? Alors pourquoi évoquer la « personne » et pas les salariés ? En droit, les mots comptent. Effacer les salariés, c’est ne parler ni des employeurs, ni des pouvoirs patronaux. C’est reproduire la philosophie libérale contractualiste, où le contrat de travail est accord pur des volontés pures entre personnes égales.

Cet article, d’ailleurs, place le bon fonctionnement de l’entreprise sur le même plan que les libertés fondamentales.

Comme dans le traité de Lisbonne qui met au même rang la dignité des personnes, le droit de propriété et la liberté d’entreprise.

Dans la lettre installant la commission de Robert Badinter, Manuel Valls déclare que « la double fonction assignée au droit du travail est de plus en plus mal remplie. Alors qu’il doit à la fois protéger les travailleurs et sécuriser les entreprises pour leur permettre de se développer ». Mais ce n’est pas là, et ce ne doit pas être, la mission du code du travail.

Comme le stipule l’article cent vingt alinéa trois, le code du travail vise à borner le « lien de subordination juridique permanent à l’égard de l’employeur ». Depuis 1910, et à chaque avancée sociale, il eut cette fonction. Le premier code du travail provenait des résistances ouvrières.

Aujourd’hui, les luttes des salariés visent souvent à renforcer cette barricade juridique qu’est le code du travail. Le rendre protecteur des entreprises, c’est écrire l’histoire à l’envers.

Ensemble, dans les mois qui viennent, nous allons défendre les droits des salariés et jeter les bases d’un code du travail qui les protège.

Premiers signataires

Clémentine Autain, Ensemble ; Olivier Besancenot, Nouveau Parti Anticapitaliste ; Eric Coquerel, Parti de Gauche ; Gérard Filoche, Parti Socialiste ; Willy Pelletier, Fondation Copernic ; Pierre Laurent , Parti Communiste Français ; Eric Beynel, Union Syndicale Solidaire ; Fabrice Angei, Confédération Générale du Travail ; Noël Daucé, Fédération Syndicale Unitaire

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