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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 15:14

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https://www.mediapart.fr/journal/economie/290416/la-cgt-se-frotte-la-nuit-debout

La Confédération Générale du Travail (CGT) se frotte au mouvement des Nuits Debout

Par Mathilde Goanec

Vendredi 29 Avril 2016

Près d'un mois après la première Nuit Debout, la CGT a fait officiellement son entrée sur la place de la République. Jeudi 28 Avril 2016, à l'issue de la manifestation contre la loi travail, Philippe Martinez s'est frotté avec l’Union Syndicale Solidaire (USS) et la Confédération Nationale du Travail (CNT) à l'exercice périlleux de la convergence des luttes. L'occasion de multiplier les appels à la grève reconductible, sans plus de précisions.

« Philippe Martinez est là ». La place de la République est, comme d’habitude, sagement à l’écoute des modérateurs de l’assemblée générale à venir. Mais une partie des regards converge vers le secrétaire général de la CGT, qui s’est finalement décidé à pointer son nez à la Nuit Debout parisienne. L’invitation a été lancée par François Ruffin et les initiateurs du mouvement des Nuits Debout, qui plaident depuis le début du mouvement pour un rapprochement avec les organisations syndicales, quitte à brusquer les choses, comme lors de la dernière réunion sur le sujet à la bourse du travail de Paris. Les différentes commissions opérant depuis plusieurs semaines place de la République, rassemblées pour l'occasion sous la bannière de la commission des luttes debout, s’y sont jointes. Ensemble, ils ont manifestement su trouver les mots pour convaincre le leader syndical de converger à l’issue de la manifestation interprofessionnelle du jour.

Mais il est tôt encore sur la place de la République et Philippe Martinez patiente, à côté de la sono. Pas question de trop brusquer le déroulé de l’assemblée générale quotidienne. Après les modérateurs, le porte-parole du jour de la commission des luttes debout prend la parole pour présenter cette soirée un peu spéciale, consacrée presque exclusivement au thème du combat contre la loi de Myriam el Khomri.

Le plan est le suivant, un premier tour de parole, cinq minutes au lieu des deux minutes traditionnellement accordées, puis des questions aux intervenants, représentants syndicaux, petits ou grands. Mais contrairement au mode opératoire habituel, les questions sont écrites sur des papiers ou posées en ligne et relayées par les modérateurs, ce qui déjà fait grogner la place, habituée depuis le Jeudi 31 Mars 2016 à une démocratie très directe.

Les premiers intervenants savent donc qu’ils marchent sur des œufs.

Issu de la mobilisation contre la loi sur le travail, le mouvement des Nuits Debout s’est largement émancipé du contexte et de ses créateurs, s’alimentant même parfois sur le rejet des institutions, y compris syndicales. Le communiqué de la commission des luttes debout sur la soirée du Jeudi 28 Avril 2016, publié la veille, listait d’ailleurs avec lucidité les craintes, la peur de la récupération, l’inquiétude de voir remis en cause le processus de prise de parole libre établi depuis le Jeudi 31 Mars 2016 et l’appréhension « à voir se tenir ici un meeting comme il s’en déroule partout ailleurs ». L’envie « partagée de faire converger les luttes pour faire tomber les barrières entre les diverses composantes du mouvement social » a visiblement été plus forte, pour « placer la soirée sur le thème de la grève générale et reconductible ».

Bientôt 20 heures, les prises de parole commencent cependant. Manon et Elsa, portes paroles de la coordination nationale étudiante, les premières à prendre le micro, sont dans leur élément. « La seule question qui nous est posée est de savoir si le mouvement va tenir ou pas », jure Elsa. Ce qui nous manque maintenant, c’est un plan de bataille. Pour les étudiants, il s’agit de la onzième journée de mobilisation, cela fait deux mois que nous sommes en grève, toute une génération militante est en train d’être formée. Mais nous attendions avec impatience ce regroupement ». Et les deux jeunes femmes de plaider pour un « premier mai chaud et radical », ainsi qu’un mouvement d’ampleur le Mardi 3 Mai 2016, jour de l’arrivée du projet de loi à l’assemblée nationale.

Après l’intervention d’un habitué, Fathi de « Taxis debout », c’est au tour d’un représentant du syndicat de l’information et de la communication de la CGT de prendre la parole. Le syndicat est à l’origine de l’affiche controversée mettant en image une mare de sang juste au-dessous d’un écusson des Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) et d’une matraque. À deux mètres de là, Philippe Martinez continue d’écouter sans un mot, lui qui s’est désolidarisé publiquement la semaine dernière de la fameuse affichette, poussé par l’emballement médiatique. De même, silence face aux membres du syndicat CGT d’Air France, pas vraiment en odeur de sainteté à Montreuil, qui défilent pour appeler à la « jonction », bousculant au passage la centrale. « C’est aussi la survie des organisations syndicales de lutte qui va s’opérer dans le mouvement », dit l’un d’entre eux.

Postiers et cheminots font encore monter d’un cran la pression. Un militant CGT de la gare d’Austerlitz rappelle le combat du rail contre « le décret socle, notre loi travail à nous », et assure que ses collègues « étaient prêts à partir en grève reconductible » dès le Mardi 26 Avril 2016, dernière journée de mobilisation cheminote. « Nous en avons marre de ces grèves de vingt quatre heures ». Une des clés réside effectivement dans le durcissement du mouvement des cheminots. Rassemblés dans un attelage syndical unitaire assez inédit, la manière dont les cheminots s’engageront ou pas dans une grève dure déterminera en partie la suite de la mobilisation. « La question, c’est est-ce que nous serons seuls ou pas », poursuit ce cheminot. Si nous voulons que cela marche, il faut être ensemble comme en 1995 du temps d’Alain Juppé, ou alors c’est la grève générale comme en 1968. Mais dans tous les cas, il faut inventer un truc de ce type-là ».

Gaël Quirante, militant du Syndicat Unitaire et Démocratique (SUD) de la Poste, mis à pied pendant cinq mois pour faits de grève, enflamme à son tour la place, qui ne demande que cela, « ce joli mois de mai doit être celui de la grève reconductible. Vous avez réussi à mettre ensemble ici sur cette place des professeurs, des chômeurs, des postiers, des cheminots, des intermittents, des syndicalistes de base et leurs dirigeants, la jonction doit se faire ici et maintenant ». L’un des deux portes paroles de l’Union Syndicale Solidaire (USS), Éric Beynel, un habitué de la place, rappelle lui aussi les interventions communes entre les réseaux classiques et le mouvement des Nuits Debout. Gare Saint-Lazare, devant les banques, chez Renault et surtout autour du mouvement des intermittents, qui s'est soldé positivement par un accord Jeudi 28 Avril 2016. Quelques minutes plus tôt, un nouvel appel venait justement d’être lancé pour contrecarrer l’évacuation imminente du théâtre de l’Odéon occupé jusqu'ici par les intermittents.

« Nous avons cette incroyable capacité à nous diviser, pire à nous opposer en oubliant ce qui fait sens pour nous tous, le retrait du projet de loi travail », regrette Éric Beynel. « Mais le gouvernement ne pourra pas tenir avec des pressions contradictoires du patronat d’un côté et de la rue de l’autre. Le mouvement doit encore s’étendre et se renforcer. Une victoire aujourd’hui changerait le paysage social et démocratique dans notre pays ».

Du parterre fusent désormais à intervalles régulières les appels à la « grève générale ». Le slogan enfle pour se transformer en chant lorsque Philippe Martinez prend finalement le micro, à la suite d’une prise de parole débridée de la CNT, qui a dépêché deux émissaires sur place et appelle au blocage de l'économie. « Philippe », crie une femme, « Martinez », renchérit un groupe à côté d'elle. « La grève générale », mes camarades, « c’était aujourd’hui », tonne le secrétaire général de la CGT. « Dimanche Premier Mai 2016 pour les salariés du commerce et de nouveau le Mardi 3 Mai 2016. Vous pouvez compter sur la CGT pour que ce slogan devienne une réalité ». Avant de tempérer les ardeurs de la foule massée jusqu'à la statue bariolée de la République devant lui.

« Dans les entreprises, appeler à la grève reconductible, c’est plus compliqué. Il faut user de la salive pour aller convaincre les salariés ».

Philippe Martinez souffle le chaud et le froid, tout comme au sein de son organisation, soucieux de rester combatif tout en évaluant le risque à s’engager trop fort, « quelle perspective donnons-nous aux salariés et quelle confiance », s’interroge le responsable syndical.

« Corruption, bureaucratie », l’horizontalité du mouvement des Nuits Debout s'est chargée, comme attendu, de casser un peu plus l'apparente homogénéité des discours et des postures.

Une syndicaliste CGT de Radio France s’est ainsi postée près de Philippe Martinez, remontée comme un coucou, « tu me reconnais, je te le dis, la démocratie à la CGT est un mensonge. La base veut la grève, mais vous n’en voulez pas, tout ce qui vous intéresse, c’est de cogérer. Pas question que nous nous fassions encore avoir ». La jeune Manon reprend elle aussi finalement le micro, « nous aimerions bien que vous preniez des engagements sur la journée du Mardi 3 Mai 2016, pour que nous puissions vraiment défiler devant l’assemblée nationale et pas se retrouver place de la Nation comme toujours ». Même la petite conférence de presse improvisée autour de Philippe Martinez juste après la fin des questions et des réponses prend la tournure de l’interpellation à la hussarde des quidams. « Vous étiez où les grands chefs à la CGT quand nous manifestions pour les travailleurs détachés sur le toit de la Philharmonie ».

Quelle que soit la suite, ou l'issue, de ce rapprochement, l’exercice est inédit. Il y avait Jeudi 28 Avril 2016 bien plus de monde que ces deux dernières semaines sur la place de la République, preuve d’un appétit réel pour la jonction syndicale, et la mise en œuvre du slogan pourtant galvaudé de la « convergence des luttes ». Les travaux pratiques commencent Dimanche Premier Mai 2016.

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