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9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 16:12

http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/09/la-gauche-hesitante-face-a-nuit-debout_4899109_823448.html#xtor=AL-32280515

La gauche gouvernementale hésitante face à la Nuit Debout

Par Sylvia Zappi, Raphaëlle Besse Desmoulières et Nicolas Chapuis

Certains y voient une petite lueur dans le ciel de la gauche, d’autres pressentent les nuages qui s’amoncellent. Le mouvement de la Nuit Debout, parti de la place de la République, à Paris, devait s’étendre à l’ensemble de la France, Samedi 9 Avril 2016. Dans la foulée des manifestations contre la loi travail prévue dans l’après-midi, près d’une cinquantaine de rassemblements nocturnes étaient attendus à travers le pays.

Après plusieurs métropoles régionales, c’est au tour de villes moins grandes, Niort, Angoulême, Valence, Toulon, Dijon et Besançon, d’être gagnées par ce mouvement d’inspiration anticapitaliste, qui rejette la politique du gouvernement. Le concept fait même tâche d’huile en Europe, des rassemblements sont prévus en Belgique, en Espagne et en Allemagne. Né de la contestation contre le projet de loi de Myriam el Khomri, il dépasse désormais ce cadre. Les participants sont invités à prendre la parole au cours d’assemblées générales sans fin, avec délibérations collectives et votes innombrables à la clé.

Les socialistes surveillent avec attention ces rassemblements, qui leur sont profondément hostiles. « Difficile de savoir sur quoi tout ça va déboucher, il faudra voir comment cette gauche activiste rentre dans l’atmosphère des élections présidentielles et législatives », explique Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti Socialiste. Dans la majorité, on se garde pourtant de critiquer, conscient que parmi les veilleurs nocturnes se trouvent de nombreux électeurs déçus de François Hollande.

« Tout le monde est là »

A la gauche du Parti Socialiste, on regarde s’installer le mouvement avec intérêt, voire envie. « Je trouve cela politique et poétique, il est bienvenu que de se réapproprier l’espace public totalement tenu par l’idéologie de l’ordre du fait de l'état d’urgence », explique Pouria Amirshahi, député des français de l’étranger, qui a récemment quitté le Parti Socialiste. Nombreux sont ceux qui sont allés faire un tour sur place, comme le fondateur du Parti de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, le porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, ou le secrétaire national du Parti Communiste Français (PCF), Pierre Laurent.

Le plus souvent sans prévenir de leur venue pour ne pas être accusés de récupération politique. Pour David Cormand, qui vient de reprendre les rênes d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) après le départ d’Emmanuelle Cosse, « c’est le premier truc intéressant qui se passe depuis longtemps. Il fait prendre conscience que les corps intermédiaires, syndicats et partis politiques, sont has been ».

Le nouveau patron d’EELV n’est pas tombé des nues, Jeudi 31 Mars 2016, lors de la première Nuit Debout. L’un des porte-parole du parti, Julien Bayou, était dans le coup depuis des semaines. Cette figure de Jeudi Noir était en effet le 23 février 2016 à la bourse du travail de Paris quand François Ruffin, le réalisateur du documentaire Merci Patron, a lancé l’initiative. Julien Bayou y voit « un goût prononcé pour les assemblées radicales et les prises de parole, quitte à frôler la caricature avec un vote sur les votes ». L’absence de revendications établies, qui débordent le cadre du projet de loi travail, ne le dérange pas. « Non seulement on ne sait pas ce qu’on veut mais en plus on en est fiers », s’amuse-t-il. Son rôle dans tout cela ? « Il y a certains qui sont en soutien et d’autres qui rêvent d’être récupérés », répond le jeune homme. Un petit tacle à Jean-Luc Mélenchon qui, Dimanche 3 Avril 2016, a expliqué qu’il serait « très fier » que le mouvement le « récupère ».

S'étendre aux périphéries

Depuis l’éclosion de Podemos, en 2014 en Espagne, parti né du mouvement des indignés madrilènes qui campaient sur la Puerta del Sol, l’ancien candidat à la présidentielle scrute avec attention ce qui se passe de l’autre côté de la frontière. Les cadres du Parti de Gauche n’ont pourtant pas saisi dès le départ ce qui se jouait place de la République, selon Leïla Chaïbi, une ancienne dirigeante de la formation, toujours membre du Parti de Gauche.

Egalement militante de Jeudi Noir, elle a été contactée dès le départ par François Ruffin pour faire profiter de son expérience. « Je n’y allais surtout pas avec ma casquette politique », précise-t-elle d’emblée. Rapidement, elle a tenté d’alerter ses camarades du Parti de Gauche, qui ont mis un certain temps à réagir. « Moi, je prenais mon pied depuis plusieurs semaines. J’avais dit aux cadres du Parti de Gauche qu’il se passait un truc. Certains sont venus en regardant ça comme un truc d'autonomes car cela ne venait pas d’eux et sortait des schémas habituels. Ils restaient bloqués sur le site de la candidature de Jean Luc Mélenchon. Maintenant que cela marche, tout le monde est là ».

Dans ce mouvement sans leader et où chacun parle en son nom, Leïla Chaïbi note « la méfiance d’une récupération politique ». Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du PCF, en est consciente. « C’est naturel et on ne doit pas le vivre comme un obstacle », souligne-t-elle.

La dirigeante communiste juge que ce mouvement « revitalise le débat démocratique », ajoutant que « la question, maintenant, est de savoir comment la Nuit Debout peut contribuer à ce qu’on travaille la perspective politique ». Une interrogation qui n’est pas près de trouver une réponse, tant les participants à la Nuit Debout sont, pour l’heure et dans leur majorité, hostiles à trouver un débouché politique à ce mouvement.

Avant d’entrer dans des considérations électorales, certains militants aimeraient que le mouvement, jusque-là très urbain, s’étende aux zones rurales et aux périphéries des villes. Le mot d’ordre Banlieues Debout est apparu depuis quelques jours sur twitter, en provenance de Montreuil, où un appel a été lancé. Mais ils n’étaient pas très nombreux à avoir répondu présent Vendredi 8 Avril 2016 place Jean-Jaurès à Montreuil. « Le mouvement est encore très parisien », explique Almamy Kanoute, porte-parole du collectif Emergence. « Pour que cela prenne en banlieue, il faut que cela parte non pas des militants politiques, mais des citoyens lambda, et il faut décentrer de Paris vers la périphérie ». Pour l’instant, les initiatives restent marginales. Pour la Nuit Debout, le défi, avant d’être politique, est surtout de sortir de l’entre-soi sociologique.

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