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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 18:42

http://www.liberation.fr/france/2016/06/06/reponse-a-francois-ruffin-sur-les-accusations-de-censure-par-liberation_1457631

Réponse à François Ruffin sur les accusations de censure par Libération

Par Luc Peillon

Le cinéaste et responsable du journal Fakir, dont Libération publie une interview, Lundi 6 Juin 2016, reproche au quotidien d'avoir passé à la trappe plusieurs questions, explications.

C’était trop beau. Deux pleines pages sur ses propositions, son positionnement politique et sa stratégie, deux pleines pages sur le fond, enfin.

C’était trop beau. Et tellement contraire à ce qu’il dénonce. Qui plus est quand le média qui l’accueille s’appelle Libération, ce journal qui trahit. Dans une espèce de réflexe pavlovien, il fallait donc redresser la barre. Sauver la petite entreprise de dénonciation. S’ériger en victime. Mais sans aller, il ne faut pas pousser non plus, jusqu’à refuser la tribune et l’appel en une du journal, que proposait ce média mainstream tant honni.

Ainsi donc, très vite après la parution de l’entretien, Lundi 6 Juin 2016, François Ruffin, responsable du journal Fakir, a sonné la charge, « au cours de nos échanges avec les journalistes, j’avais taclé régulièrement Laurent Joffrin, le directeur de Libération, et surtout Patrick Drahi, l’actionnaire principal, patron de la Société Française du Radiotéléphone (SFR), de l’Express et de BFM. Rien n’en a été retenu », écrit-il sur le site du journal Fakir. « Je comprends cette censure et cette autocensure. Ayant relu l’interview, je l’ai d’ailleurs acceptée. C’est une règle du jeu médiatique, qu’on peut néanmoins dénoncer, l’impossibilité de critiquer les patrons de presse dans la presse. Comme ici, c’est moi le patron de presse, je vais en profiter pour rétablir les passages qui furent caviardés ». Et d’ajouter que « dans l’entretien, je mentionnais juste une imposture, voir le directeur de Libération parler sur les plateaux de télévision au nom de la gauche relève de l’imposture médiatique, tout comme voir Manuel Valls relève de l’imposture politique ».

Première chose, l’entretien a duré plus d’une heure, soit, une fois retranscrit, l’équivalent de quatre pages, alors que nous ne disposions que de deux pages pour accueillir ses propos. Il fallait donc, de toute façon, couper. Ne soyons cependant pas hypocrites. Nous n’allons pas dire que nous étions ravis de ces passages qui tapaient sur notre média et notre directeur. Mais ces propos auraient mérité un vrai débat contradictoire. Ce n’était pas l’objet de cet entretien que de se transformer en un échange sur l’impartialité et le rôle de la presse contrôlée aujourd’hui par des groupes industriels. Si tel avait été le cas, nous aurions organisé une confrontation entre lui et le directeur de la publication de Libération.

Voici, cependant, la question que nous n’avons pas conservée, avec son accord, et qui est sans doute la plus polémique.

Question. Certains vous diront qu’être engagé comme vous l’êtes chez Fakir, avec la partialité que cela implique, ce n’est peut-être plus du journalisme.

Réponse. Je n’ai jamais cru à la partialité, à la neutralité ou à l’objectivité. Je crois en l’honnêteté. Celle de dire aux gens « voilà d’où je parle ». Après, je peux vous renvoyer la question. Peut-il y avoir de l’impartialité des journalistes de Libération quand l’un de ses actionnaires, Patrick Drahi, balade ses capitaux entre Guernesey et le Panama et se base fiscalement en Suisse.

Problème, sur le fond cette fois-ci, cette réponse de François Ruffin ne repose sur rien de concret. En quoi la gestion de ses capitaux par notre actionnaire principal, aussi discutable soit-elle, empêcherait-elle les journalistes de Libération d’être impartiaux, sous-entendu, sur tous les sujets ? Encore François Ruffin eut-il précisé que nous n’étions pas indépendants sur la question spécifique de l’optimisation fiscale. Mais même sur ce sujet, c’est faux. Ainsi, le 5 avril 2016, nous rebondissions, sur cinq pages en « événement », sur les informations publiées la veille concernant les Panamas Papers, ces comptes off shore basés au Panama. Titre de l’article d’ouverture, plutôt explicite, « en finir avec les planques à billets ». Dans un encadré, nous mentionnions même les principales personnes soupçonnées, dont Patrick Drahi. Et nous évoquions également son démenti, comme pour les autres personnes citées, qu’il s’agisse du Front National ou de Lionel Messi. Son nom était même repris, et à chaque fois en précisant sa qualité de principal actionnaire de Libération, dans l’éditorial de Laurent Joffrin. Comme acte de censure, on a connu mieux.

Mais le plus gênant dans cette réaction de François Ruffin, c’est qu’il avait effectivement accepté, comme il le reconnaît, que ces questions et ses réponses ne figurent pas dans l’interview. Ainsi ce mail, qui nous est adressé, Vendredi 3 Juin 2016, en réponse au script de l’entretien que nous lui avions envoyé.

« Voici le deal que je vous propose, je ne vous emmerde pas avec cela, on ne cite pas Patrick Drahi ni Laurent Joffrin, j’ai viré la question sur les médias, sinon je suis fonce droit contre Libération, son directeur et son actionnaire, je joue le jeu des petites questions, du style moi président. Maintenant, j’ai largement réécrit l’entretien, pour insister sur des points qui me paraissent plus importants et qui correspondent mieux à ma pensée. Pour la photographie, je suis embêté, à la place du tee-shirt, j’aurais bien posé avec le tract, nous ne voterons plus pour le Parti Socialiste. Dites moi si cela vous va ».

C’est donc plutôt François Ruffin qui nous propose un deal, que nous n’avions jamais demandé et qu’il ne respectera finalement pas. Sans évidemment nous en parler. Il en profitera par ailleurs pour supprimer lui-même plusieurs questions, et donc réponses, concernant son travail et le journal Fakir, le tout, très cordialement.

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