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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 17:35

 

http://www.lemonde.fr/syrie/article/2017/04/19/pour-l-oiac-khan-cheikhoun-a-ete-attaque-au-sarin_5113624_1618247.html

 

Utilisation irréfutable de gaz sarin en Syrie à Khan Cheikhoun, affirme l'Organisation pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)

 

Les analyses de l'OIAC ont été réalisées sur dix victimes de l'attaque de Khan Cheikhoun qui a fait quatre vingt sept morts

 

Par Stéphanie Maupas, correspondante du Monde à La Haye

 

Pour au moins la deuxième fois en six ans de guerre, du gaz sarin, un puissant neurotoxique mortel de la famille des organophosphorés, a bien été employé contre des populations civiles en Syrie. L’OIAC a jugé, Mercredi 19 Avril 2017, que les premières analyses montrent de façon irréfutable que du gaz sarin, ou un gaz dérivé, a été utilisé lors de l’attaque du Mardi 4 Avril 2017 contre Khan Cheikhoun, une ville contrôlée par la rébellion dans le nord-ouest du pays.

La mission d’établissement des faits de l’OIAC a débuté ses analyses dès le lendemain de cette attaque qui a fait quatre vingt sept morts et plus de cinq cent blessés et elle devrait rendre ses conclusions d’ici deux semaines. Les résultats seront ensuite transmis à la mission d’enquête conjointe de l'OIAC et de l'Organisation des Nations Unies (ONU) chargée de désigner les auteurs.

Le directeur général de l’OIAC, Ahmet Uzumcu, qui s’exprimait à huis clos lors du conseil exécutif de l’organisation, a particulièrement insisté sur le professionnalisme et l’impartialité des enquêteurs et il a précisé que les analyses ont été réalisées sur dix victimes, dans quatre laboratoires certifiés par l’organisation. Moscou et Téhéran, qui depuis plusieurs mois dénoncent une politisation de l’organisation, ont régulièrement mis en doute le travail de la mission et proposé à l’OIAC de constituer une équipe d’experts.

La Russie reproche notamment à l’OIAC de ne pas être allée sur place. « Il est inacceptable que l'OIAC analyse ce qui s’est passé à distance », avait ainsi déclaré, Vendredi 14 Avril 2017, Sergueï Lavrov, le ministre des affaires étrangères russe, lors d’une conférence de presse à Moscou avec ses homologues iraniens et syriens. Faute de pouvoir se rendre à Khan Cheikhoun, pour des raisons de sécurité, les enquêteurs continuent de recueillir les témoignages et de procéder à des analyses hors de la zone.

De son côté, la France a annoncé qu’elle apportera, dans quelques jours, « la preuve que le régime syrien a bien organisé la frappe chimique », a déclaré Mercredi 19 Avril 2017 le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, lors de l’émission « question d'information » sur La Chaîne Parlementaire (LCP) en partenariat avec le Monde, l'Agence France Presse (AFP) et France Info. « Nous avons des éléments qui nous permettront de démontrer que le régime a sciemment utilisé l’arme chimique », a assuré Jean Marc Ayrault. « Ma conviction, et c’est aussi la conviction de nos services, c’est que c’est le régime qui a la responsabilité » de cette attaque.

L’attaque contre ce village, attribuée par les occidentaux à l’aviation de Bachar al Assad, a conduit Donald Trump à ordonner, trois jours plus tard, la première action militaire directe des Etats-Unis contre le régime syrien en six ans de guerre, bombardant la base aérienne d'al Chayrat, d’où serait parti un avion de combat syrien impliqué dans le bombardement de Khan Cheikhoun. Dans un entretien accordé à l'AFP, Mercredi 12 Avril 2017, le président syrien Bachar al Assad avait affirmé que l’attaque chimique de Khan Cheikhoun était une fabrication à cent pour cent et que le pays ne possédait pas d’armes chimiques.

La question des stocks d’armes chimiques présents sur le territoire syrien est donc de nouveau posée, alors que le régime était censé avoir été désarmé au terme du processus accepté par la Syrie au mois de septembre 2013. L’OIAC, prix Nobel de la paix en 2013, a détruit, en dix-huit mois, mille trois cent tonnes d’agents chimiques et vingt quatre installations. Mais l’attaque contre Khan Cheikhoun a rappelé crûment les doutes persistant sur l’ampleur de l’arsenal chimique syrien résiduel. En adhérant à l’OIAC au mois d'octobre 2013, sous la menace de frappes occidentales à la suite d’une attaque au gaz sarin qui avait fait quelque mille cinq cent morts dans la banlieue de Damas au mois d'août 2013, les autorités syriennes avaient remis à l’organisation une liste, censée être complète, de son arsenal.

Mais dès la fin des opérations de désarmement, des diplomates à La Haye, jusque-là discrets, commençaient à dénoncer l’arsenal non déclaré par Damas. Une équipe spécifique de l’OIAC, chargée d’identifier les stocks oubliés par la Syrie, était mise sur pied en 2014.

Depuis, le directeur de l’OIAC, Ahmet Uzumcu, dénonce régulièrement des écarts, des incohérences et des divergences, entre la déclaration faite par la Syrie lors de son adhésion et la réalité de son programme chimique.

Dans un rapport du 6 juillet 2016, Ahmet Uzumcu expliquait « ne pas avoir accès aux dirigeants du programme d’armes chimiques syriennes » et il reprochait à Damas de rester flou sur le rôle du Centre d'Etude et de Recherche Scientifique (CERS) qui serait au cœur du programme syrien.

Il ajoutait que « la majorité des résultats d’analyse ont indiqué la présence de composés chimiques inattendus ou non déclarés », regrettant que « bon nombre des explications fournies par la république arabe syrienne ne sont pas scientifiquement ou techniquement plausibles ».

« A chaque fois que les inspecteurs se rendent sur place, la liste des questions s’allonge et elles ne sont pas cochées », déplore une source diplomatique à La Haye. Les incohérences de Damas sont parvenues lentement à saper la confiance grâce à laquelle l’organisation de désarmement fonctionne avec un certain succès depuis soixante ans. L’accord entre la Russie et les Etats Unis de 2013, prévalant à la mission de l’OIAC, prévoyait que, en cas de non-coopération, des sanctions pourraient être prises par le conseil de sécurité de l’ONU.

Le 11 novembre 2016, l’OIAC, divisée, a simplement condamné l’utilisation continue d’armes chimiques en Syrie, notamment du gaz chloré, non interdit, contrairement au sarin, car issu de produits en vente libre. La non-coopération de Damas avec l’OIAC a néanmoins servi de base à un projet de résolution présenté par Paris, Londres et Washington, et débattu à New York le 28 février 2017. Le projet, auquel Pékin et Moscou ont opposé leur veto, prévoyait des sanctions contre le CERS, neuf entités associées et douze hauts responsables syriens de l’armée, des services de renseignements militaires et du programme chimique de Damas, dont le gel des avoirs, l’interdiction du transfert de chlore et de substances interdites ou de matériel permettant de fabriquer des armes chimiques.

Parmi les responsables visés par d’éventuelles sanctions, se trouvaient le directeur général du CERS, Amr Armanazi, « responsable de la mise au point et de la production d’armes chimiques et des missiles utilisés » lors d’attaques, le colonel Muhammad Bilal, haut responsable des services de renseignement de l’armée de l’air, le commandant des forces aériennes syriennes, Ahmad Ballul, et des commandants de la soixante troisième brigade aérienne qui auraient dirigé les attaques de Tell Méniss, de Qaminas et de Sarmin. Trois attaques au chlore qui ont été attribuées au régime syrien par le mécanisme d’enquête conjoint, réunissant depuis le mois de septembre 2015 enquêteurs de l’ONU et de l’OIAC et chargé d’identifier les auteurs des attaques chimiques. Les enquêteurs ont aussi souligné la responsabilité de l’organisation Etat Islamique dans une attaque au gaz moutarde au mois d'août 2015.

 

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