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14 juin 2017 3 14 /06 /juin /2017 18:41

 

http://clubpolitiquebastille.org/spip.php?article196

 

Un tsunami politique

 

Par Charles Jérémie

 

Mercredi 14 Juin 2017

 

C’est une chambre introuvable, un tsunami politique. Ces notes ont été rédigées avant le premier tour des élections législatives et complétées au lendemain.

Non seulement la République En Marche (REM) a la majorité absolue, mais de nombreux rescapés des Républicains lui font allégeance. Le parti de la droite et du centre a vécu. Le Parti Socialiste a disparu.

L’abstention atteint un niveau historique, les chômeurs, les ouvriers, les employés et les jeunes ont boycotté les urnes. C’était écrit.

Le rejet du Parti Socialiste n’a pas d’égal dans l’histoire de la sociale démocratie française et européenne. Le quinquennat de François Hollande lui a évidemment porté le coup de grâce mais, en réalité, l’incurable maladie a été diagnostiquée il y a longtemps, précisément en 1983 sous François Mitterrand. La parenthèse annoncée par celui qui était premier secrétaire, encore trotskiste, Lionel Jospin n’a jamais été refermée.

À dater de ce jour, changer la vie a disparu au profit de l’Europe de Bruxelles. La politique socialiste n’a plus varié, au contraire. Jacques Delors a joué le rôle moteur dans l’élaboration des traités libéraux dotant la commission européenne de pouvoirs quasi-dictatoriaux. De Pierre Mauroy à Lionel Jospin en passant par Laurent Fabius, le Parti Socialiste, associé à Europe Ecologie Les Verts (EELV) ou au Parti Communiste Français (PCF), a mis en œuvre, envers et contre tout, l’Europe libérale. Lorsque les partis bourgeois éprouvaient les pires difficultés politiques à tenir le cap, le Parti Socialiste prenait le relais.

C’est ainsi le gouvernement de Lionel Jospin de cohabitation et de gauche plurielle qui qualifie la France pour l'euro tout en privatisant plus qu'Edouard Balladur, le gouvernement le plus à gauche en Europe déclarait alors le ministre Jean Luc Mélenchon qui a fait applaudir son bilan lors de la campagne électorale cette année. La stratégie libérale de ce gouvernement provoque le premier décrochage historique avec les classes populaires. À la surprise générale, Lionel Jospin est éliminé en 2002 et Jean Marie Le Pen est qualifié au deuxième tour des élections présidentielles de 2002. Ceux qui sont responsable de ce résultat se sont immédiatement mobilisés pour faire voter pour Jacques Chirac contre Jean Marie Le Pen.

Ensuite, le rejet des politiques de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy durant dix-sept ans a, de justesse, qualifié le médiocre techno-libéral François Hollande en 2012. Il n’a même pas fait semblant de combattre la finance, à peine élu, admonesté par Angela Merkel, il a abandonné l’engagement de renégocier les traités européens et de desserrer l’étreinte de l’austérité.

D’emblée avec le Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et pour l'Emploi (CICE), il a mis en œuvre une spectaculaire politique au profit du capital. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait faire plus, le premier ministre Manuel Valls assurant la promotion ministérielle d'Emmanuel Macron, il a mené une politique violemment anti-ouvrière avec la première loi travail. La déchéance de la nationalité, l’utilisation systématique de la police contre les salariés ont provoqué le dégoût et la haine.

Pugnace, la mobilisation des salariés et de la jeunesse a été épuisée et disloquée. Les journées d’actions de la Confédération Générale du Travail (CGT) et de la CGT Force Ouvrière ont fait échouer le mouvement contre les attaques contre les droits ouvriers. Mais cette bataille a détruit le Parti Socialiste, interdisant à François Hollande de se représenter, du jamais vu.

Dans une de ses nombreuses confidences, le président de la république, cynique, a confié aux journalistes que le Parti Socialiste doit se faire hara-kiri. L'objectif est atteint. Rappelons que, en 2007, le Parti Socialiste possédait tous les pouvoirs, l'assemblée nationale, le sénat, la plupart des régions, l’écrasante majorité des départements et des municipalités.

Deux millions d’électeurs ont participé aux élections primaires du Parti Socialiste, autant dire quasiment rien. Encore, la plupart sont-ils venus pour étriller Manuel Valls. Le Parti Socialiste s’est désintégré, Manuel Valls et François de Rugy, s’asseyant sur les engagements, se sont immédiatement ralliés à Emmanuel Macron.

Content de lui, Benoît Hamon a dit des mots de gauche, comme Guy Mollet qui parlait de paix en Algérie et qui faisait la guerre. Donc François Hamon a dit des mots de gauche tout en refusant de rompre avec la politique de François Hollande, revendiquant même une partie du bilan. Sa participation au gouvernement s’est révélée un véritable boulet. Il a été laminé. Avec aux élections législatives la même réaction, un rejet spectaculaire du Parti Socialiste et de ses élus. Car de militants, il n’y en a plus, ni pour préparer les meetings, ni pour y participer. Il faut bien mesurer l’ampleur du rejet et de la haine contre les candidats du Parti Socialiste. La plupart des barons sont balayés.

Dans le Nord, le Pas-de-Calais, la région toulousaine et le Petit Quevilly, le Parti Socialiste disparaît. Ceux qui s’imaginent que, réduit à quia, le Parti Socialiste dans un nouveau costume et avec une nouvelle appellation pourra dans l’opposition se refaire la cerise se trompent. Il n’y a plus de place pour lui dans la vie politique et de cohésion minimum qui autorise une synthèse interne. Il a été trop loin et trop longtemps. Une génération est balayée et épuisée. Restent en région, assiégés, quelques petits bastions qui disparaitront, comme les radicaux ou le PCF. C’est donc une situation inédite. Il n’y a plus ou presque plus d’opposition parlementaire censée défendre et représenter les salariés. Les cartes vont être rebattues.

En créant la REM, Emmanuel Macron a récupéré du Parti Socialiste ce qui lui semblait utile et il a rejeté le reste. Il fallait du neuf, avec de nouveaux acteurs pour une vieille politique ultra-libérale. Emmanuel Macron a réussi son affaire. Il a mobilisé les couches favorisées par la mondialisation. Le Parti Socialiste a depuis longtemps abandonné les prolétaires au profit des bobos et l’ancien banquier a fait tapis sur cet électorat avec talent. Profitant de l’incroyable épisode de François Fillon, il a annexé une partie de la droite et pas la plus sociale. Le premier ministre est un fidèle d'Alain Juppé, l’homme de 1995. Mais le succès d'Emmanuel Macron, amplifié par les médias, est relatif, vingt quatre pour cent des voix au premier tour des élections présidentielles, soit seize pour cent des inscrits, trente deux pour cent des voix au premier tour des élections législatives, ce sont des résultats dans la fourchette basse des élections depuis la création de la cinquième république. Bref, l’apparence est trompeuse. Surtout si nous tenons compte de l’abstention.

La gauche institutionnelle disparaît. La droite est déboussolée entre explosion et recomposition. Emmanuel Macron a bénéficié du ralliement du centre symbolique de François Bayrou pour bâtir sa majorité. Communication, tout est communication. Là-haut, Guy Debord doit rigoler. C’est du spectacle, du bon spectacle.

Emmanuel Macron a donc tous les pouvoirs. Il va s’en servir et vite fait. La crise de la cinquième république a disparu. Quand les salariés sont impuissants à changer la situation, la bourgeoisie, au bout du bout, trouve toujours les solutions. Son véritable parti, ce n’est pas un programme, par définition aménageable, mais c'est l'état. Et Emmanuel Macron l’a reconquis. Il va le nettoyer, le moderniser, le rajeunir, s’assurer de la fidélité des troupes et marcher.

Donc la crise mortelle de la cinquième république, dont on nous a rebattu les oreilles depuis des décennies, est pour l’heure surmontée. Emmanuel Macron a tous les pouvoirs, comme Charles de Gaulle à partir de 1962.

Tous les pouvoirs, c’est compliqué et c'est dangereux. On n’entend plus que sa voix. On se mire dans la glace du pouvoir. Il n’y a pas d’opposition à l'assemblée nationale. Et la presse soumise et servile chante les louanges du Petit Prince. Mais la situation reste fragile.

D’ailleurs, le nouveau président fait attention. Il cherche à déminer le champ social. Il a besoin des syndicats.

Comme toujours, mais plus encore que d’habitude, les appareils syndicaux vont faire le sale boulot. Après la Confédération Française et Démocratique du Travail (CFDT), Jean Claude Mailly, dont c’est le dernier mandat et qui songe à son avenir, salue la perception sociale du nouveau ministre du travail et il rappelle que les ordonnances sont légales. C’est émouvant. De son côté, Philippe Martinez a tonné, attention, nom de dieu, si on nous cherche, on nous trouvera. Il y aura des cortèges, même le 15 août s’il le faut, des palinodies. Pour la première fois dans l’histoire de la cinquième république, des dirigeants de l’appareil de la CGT Force Ouvrière rejoignent, comme la CFDT, le cabinet d'Emmanuel Macron. Les mêmes jurent les samedis, les dimanches et les jours de fête que l’indépendance est l’alpha et l’omega du syndicalisme.

La lutte pour vaincre le président libéral Emmanuel Macron implique donc de surmonter de très nombreuses difficultés. Les obstacles à franchir sont considérables. Et sauf la jeunesse dont la mobilisation spontanée peut d’un coup tout changer, le salariat aura, pour relever la tête, besoin de conscience, de clarté, de confiance, de courage et probablement de temps, sans oublier une vision politique du destin de la société sur le plan économique, social et urgemment écologique. Ce que les électeurs de Jean Luc Mélenchon cherchaient dans les meetings, ce sont des solutions politiques pour le moyen et court terme.

Nombreux sont les camarades incorrigibles qui appellent déjà à préparer les luttes. Ce sont toujours les luttes finales. Pourtant, l’expérience nous apprend qu’entonner ce refrain ne sert à rien. Des luttes, des grèves et des manifestations, il y en aura, soit pour réclamer de meilleurs plans sociaux, soit pour répondre aux appels rituels des organisations syndicales. Mais la lutte réelle et significative, c’est celle qui sera menée par les salariés eux-mêmes et qui jaillira de la base balayant les confédérations, mais rien de tel n’est prévisible.

Dans le champ de ruines politiques, gisent également les décombres de l’extrême gauche. Laissons le Parti Ouvrier Indépendant (POI) et le Parti Ouvrier Indépendant et Démocratique (POID) à leurs lambertistes querelles et Lutte Ouvrière à son éternelle vacuité politique. Il reste le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

Une mobilisation militante considérable a permis d’obtenir les signatures. Le NPA avait donc un candidat au premier tour des élections présidentielles, un ouvrier révolutionnaire, chapeau bas. Avec le recul, nous pouvons prendre la mesure du résultat. Philippe Poutou a été incapable d’incarner la révolte dormante, le désespoir des précaires, des salariés et des chômeurs, et les préoccupations des combattants. Le candidat du NPA, en fait l’organisation toute entière, n’a été, ni dans le fond, ni dans la forme, en mesure de parler aux millions d’opprimés et à la jeunesse qui s’était mobilisée aux avant-postes contre la loi travail.

Quelle est l'alternative à la barbarie ? Comment nourrir le mouvement spontané et imposer l’unité contre les appareils syndicaux ? Rien, si, pardon, la sortie heureuse du candidat lors d’une émission télévisée contre la corruption de François Fillon. Une petite phrase qui a fait du buzz comme disent les communicants, rien de plus, tout cela pour cela.

« Nous ne pouvons pas laisser les élections changer quoi que ce soit », a déclaré le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble. Les militants devraient y réfléchir, notamment les militants du NPA.

Après le quinquennat de François Hollande, l’élection d'Emmanuel Macron est donc une nouvelle défaite des salariés. Le nier est absurde. Le temps venu, les salariés relèveront la tête, mais le plus probable c’est qu'Emmanuel Macron aura, à la vitesse des ordonnances, fait passer l’essentiel de sa politique. Épuisée par le combat pour faire aboutir la politique du mouvement des entreprises de France (MEDEF) et gangrenée par la corruption, la classe politique dans son ensemble est en voie de renouvellement. Le salariat réagira-t-il ou entrons-nous dans une période de glaciation ? Nul ne peut répondre à cette question. Ce n’est pas la fin du monde mais un nouveau monde politique.

Il est atteint de présidentialisme aigu, c’est la maladie chronique de la cinquième république. C’est Jean-Luc Mélenchon. Il s’est cru qualifié pour le deuxième tour des élections présidentielles. S’exprimant avec majesté à la première personne du singulier devant des salles combles d’où le drapeau rouge avait été chassé au profit du drapeau tricolore, celui des fusilleurs de 1848. La Marseillaise imposée contre l’Internationale qui dénonce dieu, César et les tribuns. À ce prix, Jean Luc Mélenchon a cru vaincre.

Il adore François Mitterrand. Il s'est rêvé en François Mitterrand. Il avoue être fier du bilan du gouvernement de Lionel Jospin. Candidat à Marseille, il a précisé qu’il ne voulait pas détruire le Parti Socialiste, mais le remplacer, refusant par ailleurs l’unité avec le PCF.

C’est à un nouvel âge d’or d’un réformisme nationaliste, keynésien et vaguement anticapitaliste, que le créateur du Mouvement de la France Insoumise (MFI) nous appelle. Un réformisme qui ne se situe pas sur le terrain de classe mais qui oppose le bas et le haut. Et, en haut du haut, il y a Napoléon Bonaparte, Fidel Castro et Hugo Chavez.

Jean Luc Mélenchon, c’est un caudillo franc-maçon. Avec quelques dizaines d’affidés, il décide de tout. Il n'y a pas de discussions, pas de débats, pas de tendances et surtout pas de démocratie. Il parle, vous cliquez. Il déclame, vous applaudissez. Il décide, vous appliquez. Ce centralisme bonapartiste, hérité pour partie de la pire époque de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), ramène le mouvement ouvrier des décennies en arrière. La vérité est que l’orientation de Jean Luc Mélenchon expulse le peuple et les exploités de la vie politique. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, ce n’est plus son crédo. Les citoyens doivent voter et les militants doivent appliquer. Cette double obéissance est le marqueur anti-démocratique du fondateur du MFI qui se réduit à un mouvement soumis à sa personne.

Bouffi d’orgueil, annonçant avec certitude qu’il est prêt à présider, puis à gouverner, multipliant attaques ad hominem et injures, Jean Luc Mélenchon a transformé le score remarquable du premier tour des élections présidentielles en bide total aux élections législatives. Le pouvoir personnel finit par lasser. Cela n’enlève rien au succès populaire considérable de sa campagne. D’une manière différente, comme Emmanuel Macron, il a bénéficié d’une situation exceptionnelle. Surfant avec brio sur le rejet du Parti Socialiste, la quasi disparition du PCF et le fiasco total de l’extrême gauche, il a proposé une alternative au peuple de gauche et aux gens. Aux combattants contre la loi travail, il a offert un débouché politique verbal et semé d’illusions parlementaires. Répétons-le, sur ce plan, sa campagne a été une réussite totale. Et s’il avait combattu pour l’unité de candidature au premier tour des élections présidentielles et pour un accord gouvernemental avec Benoît Hamon, il aurait effectivement figuré au deuxième tour des élections présidentielles. D’ailleurs, la bourgeoisie a vraiment eu peur. En France et à l’étranger, elle s’est mobilisée pour le combattre et le discréditer. Un face à face entre Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon eut été, indépendamment du narcisse, un événement politique considérable.

Hélas, le néo-lambertisme a ses limites et l’opportunisme va de pair avec le sectarisme. Son succès l’a proprement enivré. Depuis, imperturbable, il poursuit sur la même ligne, refusant tout accord avec le PCF, EELV et l’extrême gauche et présentant partout des candidats pour peut-être constituer un petit groupe parlementaire et assurer un financement propre à constituer son appareil national. Pour lui c’est l’essentiel.

Après, il proposera un autre gadget politique, le soir du premier tour des élections présidentielles, il évoquait un mouvement humaniste, demain un Front Populaire new look en attendant les élections européennes. L’aventure personnelle continue et c’est triste, d’autant que la situation internationale se tend.

La réunion du groupe des sept a mis en lumière l’opposition entre un Donald Trump imprévisible et les impérialismes secondaires, l’Allemagne en tête. Les américains combattent, font pression et veulent reconquérir les marchés perdus. Mais l’Allemagne n’est pas l’Arabie Saoudite. Emmanuel Macron s’est évidemment allongé, mais Angela Merkel, elle, a fermement répliqué, alors que la situation économique de la Grande Bretagne après le Brexit s’essouffle dangereusement et la défaite des conservateurs ne va rien arranger.

Tout va bien mais la voiture fonce sur la route verglacée. À tout moment, le pilote peut avoir un malaise.

Nous étions convenus d’attendre le résultat des élections pour écrire un texte d’étape du petit Club Politique Bastille (CPB). C’est fait. Essayons collectivement d’aboutir.

 

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