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10 novembre 2017 5 10 /11 /novembre /2017 20:23

 

 

DE COMPANYS A PUIGDEMONT

 

Vous trouverez ci-dessous la deuxième et dernière partie du message de Jesus Nieto Jurado relatif à la proclamation de la première république catalane en 1934. Le message est disponible en totalité à l’adresse ci-dessous.

 

Bernard Fischer

 

http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=22007

 

Un autre octobre catalan, celui de 1934, l’état catalan qui dura dix heures

 

Samedi 6 Octobre 1934, après le rassemblement de masse sur la place Sant Jaume à Barcelone, une fois proclamé haut et fort l'état catalan à l’intérieur de la république fédérale espagnole, libre et puissante, les historiens s’accordent sur un fait important, à savoir que Lluis Companys a refusé de livrer des armes aux syndicalistes. Ils disent aussi que, l’air grave, Lluis Companys a marmonné hors micro une phrase très à propos, « ne dites plus que je ne suis pas assez catalaniste ».

Après avoir proclamé l’état catalan au sein d'une république fédérale espagnole inexistante, Lluis Companys reprend contact avec le général Domenec Batet, capitaine général de la Catalogne et général commandant de la quatrième division organique basée à Barcelone.

Lluis Companys demande à Domenec Batet fidélité à lui-même ainsi qu’à la république fédérale qu'il vient de proclamer. Devant cet ordre, Domenec Batet prend contact avec Pérez Farrás, responsable du corps des Mossos d'Esquadra. Perez Farrás l’informe qu'il n'obéira qu’au président du gouvernement catalan.

Domenec Batet contacte ensuite Alejandro Lerroux et, obéissant aux ordres qu’il reçoit, proclame immédiatement l’état de guerre en vertu de la loi sur l'ordre public de 1933 qui stipule que « si l'autorité civile ne pouvait maîtriser l'agitation et mettre rapidement un terme à l’agitation et rétablir l'ordre, c’est l'autorité militaire qui assumera le commandement suprême ». Un état de guerre qui a été annoncé à la ville, Vendredi 5 Octobre 1934, pour le cas où se produiraient des actions séditieuses.

En prévision de troubles et de barricades de partisans de Lluis Companys après la proclamation de l'état de guerre, des groupes de résistance à l'autorité militaire se répartissent dans toute la ville.

Samedi 6 Octobre 1934 à 22 heures, des coups de feu sont entendus sur la place Sant Jaume de Barcelone. En même temps, des membres importants d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), soutenus par des volontaires, s’emparent du commissariat de l’ordre public. Cent Mossos d'Esquadra sous le commandement de Pérez Farrás surveillent le siège du gouvernement catalan.

D'autre part, l'Alianza Obrera mobilise quatre cent hommes dans la via Laietana. Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) et d'autres forces politiques disposent d’effectifs similaires. Samedi 6 Octobre 1934 à 22 heures 30, le conseil municipal de Barcelone signe une motion où il déclare « son soutien au président et au gouvernement de la Catalogne » sur la question de la proclamation de l’état catalan au sein de la république fédérale espagnole.

Samedi 6 Octobre 1934 vers 23 heures, une batterie du régiment d'artillerie, accompagnée d’une compagnie d'infanterie, lit dans les rues la proclamation de l’état de guerre. Immédiatement une fusillade éclate, au cours de laquelle un sergent est tué et sept soldats sont gravement blessés. L'armée répond par des tirs d'artillerie contre des locaux du centre autonome des employés du commerce et de l’industrie. Ces tirs tuent Manuel González Alba, Amadeu Bargina et Jaume Compte, les leaders du parti catalan prolétaire. Après la bataille, Dimanche 7 Octobre 1934 à 1 heure 35 du matin, les insurgés capitulent.

Nous savons que Domenec Batet a reçu du ministre de la guerre l’ordre d’attaquer mais que, tenant compte des rapports qu’il reçoit et sachant qu’il a la possibilité de bientôt contrôler la situation, il choisit de patienter en attendant la reddition de Lluis Companys qui a lieu Dimanche 7 Octobre 1934 à 6 heures du matin. Ayant eu le moins possible recours à la violence, pour sa tempérance et sa maîtrise de la situation, Domenec Batet sera plus tard décoré de la croix de l’ordre de Saint-Ferdinand.

Une heure plus tard, Dimanche 7 Octobre 1934 à 7 heures du matin, l'armée républicaine entre dans le Palau de la Generalitat et elle arrête Lluis Companys, Josep Tarradellas, Antoni Xirau, Joan Casanellas, Estanislau Rui et le président du parlement, Joan Casanovas. Déjà dans la mairie, les troupes gouvernementales ont arrêté le maire Pi i Sunyer et les conseillers municipaux d’ERC présents.

Tous les détenus sont confinés dans le navire Uruguay qui mouille dans le port de Barcelone. Et l'image du gouvernement catalan derrière les barreaux fera le tour du monde.

Pendant ce temps, la vie revient à la normale à Barcelone. La crise a tué soixante dix personnes selon certaines sources, soixante quatorze personnes selon d’autres sources, auxquelles il faut ajouter plus de deux cent cinquante blessés. Dans le navire Uruguay susmentionné, ainsi que dans d'autres navires transformés en prisons, comme le Cádiz, sont détenues près de trois mille personnes, y compris Manuel Azaña qui à cette époque était à Barcelone pour des raisons personnelles, les funérailles de son ancien chef de cabinet, même si l'enquête judiciaire dans le dossier long de quatre cent quarante huit pages fera apparaître que Manuel Azaña s’était réuni à l'hôtel Colón de la capitale catalane avec trente membres d’ERC. La presse trouvera dans le séjour de Manuel Azaña à Barcelone une puissante justification à ses attaques et, Dimanche 7 Octobre 1934, le journal madrilène de droite ABC rapporte que Manuel Azaña « a incité les catalans à se mettre sur le pied de guerre », faisant écho à une intervention radiodiffusée dans l’embrasement du Samedi 6 Octobre 1934.

L’état catalan a duré dix heures. On a constaté un impact d'artillerie sur le mur du Palau de la Generalitat. Même si l'état de guerre sera levé au mois d’avril 1935, les chefs militaires de  l’insurrection, Pérez Farrás, Federic Escofet et Joan Ricart seront condamnés à mort, mais leur peine sera commuée par la suite grâce à l'intervention magnanime du président de la république espagnole, Alcalá Zamora, et malgré les protestations de la Confédération Espagnole des Droites Autonomes (CEDA). Le gouvernement catalan tout entier a été emprisonné dans les prisons de Carthagène et de Puerto de Santa María, où Lluis Companys est finalement arrivé.

Lluis Companys a été condamné à trente ans de prison et il a été privé de ses droits civiques par la cour des garanties constitutionnelles le 6 juin 1935, avec les membres de son gouvernement. Cependant, il sera libéré grâce à la victoire du Front Populaire aux élections espagnoles du mois de février 1936.

Très peu de temps après, le premier mars 1936, Lluis Companys, ami d'enfance de l'anarcho syndicaliste Salvador Seguí, « le gamin du sucre », montait à nouveau au balcon du gouvernement catalan restauré pour s’écrier que « nous recueillons les leçons de l'expérience, nous souffrirons encore, nous nous battrons et nous gagnerons à nouveau. La tâche qui nous attend est difficile, mais je vous affirme que nous sommes sûrs de nos forces, cela nous mènera de l’avant pour la Catalogne et pour la république ».

Au-delà des responsabilités pénales découlant des événements du Samedi 6 Octobre 1934, le gouvernement espagnol d’Alejandro Lerroux va mener une politique de répression sévère contre les syndicats catalans et contre les journaux catalanistes, faisant preuve d’une hargne répressive dont il s’est déjà montré capable. Cent vingt neuf municipalités catalanes gouvernées par la gauche sont suspendues. Une loi votée au mois de décembre 1934 avec le soutien de la CEDA suspend également le gouvernement autonome catalan.

Le gouvernement catalan est remplacé par un conseil du gouvernement, au nombre limité de membres, présidé par Francisco Jimenez Arenas et, plus tard, par Portela Valladares et par le radical Juan Pinch i Pon.

Certains membres de la Lliga, taxés par beaucoup de gens d’anti catalanistes dans l’imaginaire antérieur à la guerre civile, finiront par faire partie de ce gouvernement catalan décaféiné qui récupère petit à petit ses pouvoirs à l'exception du contrôle sur l'ordre public. Le gouvernement catalan ne rentrera pas complètement dans ses fonctions avant la victoire du Front Populaire aux élections espagnoles du mois de février 1936, mais ceci est une autre histoire.

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