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19 février 2018 1 19 /02 /février /2018 20:00

 

 

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2018/02/19/le-depute-tache-presente-ses-72-propositions-pour-favoriser-l-integration-des-immigres_5259177_1654200.html

 

Le député Aurélien Taché présente ses soixante douze propositions pour favoriser l’intégration des immigrés

 

Le rapport du député de la République En Marche (REM), remis Lundi 19 Février 2018, préconise notamment une hausse des heures de français et une réduction de l’interdiction de travailler de neuf à six mois.

 

Par Maryline Baumard

 

Aurélien Taché, député de la REM, doit remettre au premier ministre, Lundi 19 Février 2018 en fin de journée, ses soixante douze propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France. Bouclé depuis plusieurs semaines, ce travail avait été mis en attente par l’exécutif qui préférait sa sortie au plus près de la présentation en conseil des ministres du projet de loi asile et immigration de Gérard Collomb, prévue Mercredi 21 Février 2018.

Les cent trente et une pages du rapport du parlementaire, un ancien socialiste sensible aux valeurs d’accueil, font en effet entendre une autre voix que la dissuasion migratoire et la facilitation des expulsions, les deux lignes directrices du projet de loi du ministre de l’intérieur.

Aurélien Taché revisite en profondeur les premières années en France à travers la triple focale du pragmatisme, de la cohésion sociale et des droits dus aux plus vulnérables. Et son rapport tout entier a été guidé par l’obsession de faire mentir les statistiques de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) qui veulent que, au bout de cinq ans de séjour en France, un tiers seulement des étrangers ait un emploi.

Pour réinventer une intégration économique, mais aussi culturelle et linguistique, le député propose de commencer par construire des parcours pour les cent trente mille personnes qui s’installent chaque année en France et qui ont vocation à y rester, qu’ils soient ou non réfugiés. En 2017, Paris a délivré deux cent soixante deux mille premiers titres de séjour. Si quatre vingt huit mille cent étudiants et onze mille travailleurs saisonniers n’ont pas vocation à rester, quatre vingt onze mille soixante dix arrivants au titre de l’immigration familiale, trente six mille réfugiés et vingt sept mille sept cent migrants qui obtiennent un visa de travail s’installent en général pour longtemps et ils doivent de ce fait bénéficier de programmes de langue, estime le parlementaire. Sauf bien sûr s’ils ont déjà étudié en français ou s'ils n’en ressentent pas le besoin à ce moment de leur parcours.

L’élu plaide en tout cas pour que cet apprentissage puisse commencer là et soit suffisant. En 2017, la France a offert au maximum deux cent heures de cours à cinquante quatre pour cent des entrants. La brièveté de ce cursus, très inférieur aux minima de six cent heures en Allemagne, et l’hétérogénéité des niveaux ont abouti à ce que seuls quarante six pour cent des stagiaires atteignent le premier niveau de survie. Aurélien Taché préconise d’offrir six cent heures aux analphabètes dans leur langue et à tous ceux qui visent un deuxième niveau de maîtrise courante. C’est d’ailleurs ce niveau et une certification qui seront désormais visés et non plus le premier niveau, si Aurélien Taché est entendu. « Pour gagner un temps précieux, les demandeurs d’asile, hors pays d’origine sûr, pourront commencer l’apprentissage dès le dépôt de leur demande », ajoute l’élu. A l’heure actuelle, associations et collectifs sont les seuls à offrir des leçons de français avant que le demandeur d’asile ne soit réfugié.

L’élu propose de supprimer ce verrou ainsi que l’interdiction de travailler qui pourrait être ramenée de neuf à six mois après le dépôt de la demande d’asile. Pour gagner du temps, tout nouveau venu expliquera ses études, son travail dans son pays d’origine et son projet en France, dès son premier contact avec l’Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII).

Les équivalences de diplôme seront dès lors lancées pour éviter d’ajouter le déclassement à l’exil, insiste Aurélien Taché, préoccupé par le bien-être des migrants comme par les conséquences économiques pour la France.

Soit le nouveau venu peut entrer directement dans l’emploi, soit il a besoin d’une formation professionnelle qui doit lui être proposée en même temps qu’un logement et un suivi. Et là, des modèles existent comme le programme HOPE, qui a largement inspiré les propositions d'Aurélien Taché. Mise en place par l’Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA), l'état et le mouvement des entreprises de France (MEDEF), à titre expérimental sur deux cent réfugiés d’abord et sur mille réfugiés ensuite, la formule permet un accès à l’emploi, dans des secteurs en tension. « Après quatre mois de cours de français professionnel, nos deux cent premiers stagiaires ont signé un contrat de professionnalisation », se réjouit Pascale Gérard, responsable à l’AFPA de ce dispositif financé à soixante quinze pour cent par les entreprises et à vingt cinq pour cent par l'état.

Le premier groupe a été diplômé à quatre vingt cinq pour cent, se réjouit la responsable, satisfaite à l’idée que « deux nouvelles promotions de cinq cent réfugiés soient engagées dans sept secteurs en tension, du bâtiment à la grande distribution où les patrons peinent à recruter ».

Aurélien Taché propose « une contractualisation entre l'état et les branches professionnelles et une autre avec les primo-arrivants entrant dans un parcours intégré qui les conduit vers un emploi et un logement, mais peut leur imposer une mobilité géographique ».

Le parlementaire, qui a aussi mesuré les difficultés de recrutements durant ses deux mois de terrain, souhaiterait en même temps voir supprimée la condition de nationalité pour les fonctions non régaliennes de la fonction publique, et  surtout que soient simplifiées les procédures administratives d’octroi d’autorisations de travail aux étrangers ainsi que la suppression de la taxe versée par les employeurs pour l’embauche de réfugiés. Un rapport de l’OCDE du mois de novembre 2017 concluait effectivement que des patrons préféraient perdre des marchés que se lancer dans une procédure d’embauche d’un étranger, compliquée et aléatoire.

Pour financer son programme, Aurélien Taché estime que six cent millions d’euros sont nécessaires. Un investissement sur l’avenir, ajoute l’élu, qui parie que cette mise de base créera un cercle vertueux qui pourrait à terme changer le regard de la population sur les migrants.

Si l’effort est notable, à titre de comparaison, l’Allemagne, elle, a consacré cette même somme en 2017 aux seuls cours généraux de langue et affecté plus de deux milliards d'euros à l’orientation vers l’emploi.

L’élu du Val-d’Oise estime que l'état doit lancer la machine mais il plaide aussi pour un engagement citoyen, afin que les français soient acteurs de cette intégration. « Imaginons une grande plate-forme numérique, sur le modèle du site internet des services publics », expose l’auteur du rapport. « Le nouveau venu y trouverait aussi bien les démarches à suivre que les cours de français dispensés près de chez lui, ou même les hébergements chez les particuliers », résume l’élu qui souhaite que les français puissent parrainer un nouveau venu, « car l’intégration se fait aussi par le contact, le partage et la rencontre ».

Dans le vaste mouvement qu’il aimerait voir initié, les communes pourraient participer, soutenues par une prime de mille euros par logement proposé pour un réfugié, les entreprises seraient incitées à faciliter ce soutien et un « crédit impôt solidarité pour les gens qui hébergent verrait le jour. J’ai vu beaucoup de gens modestes qui souhaitent accueillir, mais pour qui les fins de mois sont trop justes », observe-t-il.

Son travail maintient le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR), seul vestige des politiques d’intégration passées. Aurélien Taché en conserve le nom, certes, mais le repense sur soixante heures et non plus sur douze heures, pour réellement apprendre la France tout au long du processus d’intégration. « Un collège d’historiens, de pédagogues et d’artistes, donnerait corps à ce module qui doit être l’occasion d’aborder la vie en France de façon concrète, en laissant place à la discussion et aux interventions des français à travers la réserve citoyenne, le service civique ou des associations », précise le rapport.

Aurélien Taché fait en effet le pari que cette France accueillante inciterait en retour le nouveau venu à signer pour du bénévolat voire un contrat de service civique. « Et c’est à mes yeux une si belle preuve d’intégration qu’elle mérite la nationalité », ajoute l’élu, qui regrette qu’aujourd’hui « on ne regarde pas assez souvent comment les nouveaux venus se sont engagés pour leur pays d’adoption » et que cet accès soit trop laissé au bon vouloir des préfets. Ce qu’il propose de cadrer, comme les passages, trop nombreux à ses yeux, en préfecture. Après avoir constaté que l’immigré « doit se rendre en moyenne quatre fois en préfecture avant d’obtenir son premier titre de séjour », le député prône l’octroi de titres pluriannuels dès l’arrivée et la dématérialisation de leur renouvellement.

Et, afin que tout cela devienne possible, il appelle de ses vœux la création d’un établissement public dédié. C’est évidemment le sujet qui risque de fâcher à la fois le ministère de l’intérieur, dont la direction des étrangers se croyait spécialiste du sujet, et l’OFII qui elle aussi pensait rafler la mise, forte de la gestion des CIR. Pour l’heure, un comité interministériel se profile et décidera de ce point, comme des soixante et onze autres propositions.

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