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11 juillet 2018 3 11 /07 /juillet /2018 18:17

 

 

http://www.revolutionpermanente.fr/Victoire-d-Ocasio-Cortez-aux-primaires-democrates-du-Bronx-opportunites-et-defis-pour-la-gauche

 

Victoire d'Alexandria Ocasio-Cortez aux élections primaires démocrates du Bronx, opportunités et défis pour la gauche américaine

Alexandria Ocasio-Cortez, dont l’histoire personnelle est à l’image de l'Amérique touchée par la crise économique, vient de remporter les élections primaires du parti démocrate de la quatorzième circonscription de New York contre un baron du parti démocrate. Symptomatique de l’ouverture croissante des électeurs américains aux idées socialistes qu’elle revendique, la victoire de cette jeune femme d’origine latino-américaine, serveuse il y a tout juste six mois, montre les opportunités qui s’ouvrent au sein de la gauche américaine. Des opportunités qui pourraient pourtant être gâchées si les bilans du soutien au parti démocrate des dernières années ne sont cependant pas tirés.

Mercredi 4 Juillet 2018

Alexandria Ocasio-Cortez a imposé une défaite écrasante à son adversaire Joseph Crowley aux élections primaires du parti démocrate de la quatorzième circonscription de New York, s’étalant de l’est du Bronx au nord-ouest du Queens, dans laquelle les minorités sont majoritaires. Elle a mené une campagne à partir d’une ligne progressiste assumée selon ses propres termes, avec des revendications fortement orientées vers les travailleurs et les classes populaires.

Sa volonté d’abolir l'Immigration and Control Enforcement (ICE) est notamment devenue un élément important de sa campagne en réponse à la forte colère ayant suivi les politiques migratoires atroces de Donald Trump. Ses revendications pour la généralisation de la sécurité sociale des Etats Unis réservée à certaines situations, pour le droit au logement et pour une campagne d’embauche du gouvernement, la positionnent largement à gauche de la ligne du parti démocrate.

Elle est parvenue à faire tomber son adversaire, Joseph Crowley, figure importante de la direction du parti démocrate, élu démocrate à la chambre des représentants et proche de Wall Street. A l’inverse, en tant que jeune femme d'origine latino-américaine de vingt huit ans travaillant encore récemment en tant que barman et serveuse, Alexandria Ocasio Cortez incarne la réalité que vivent des milliers de travailleurs de couleurs de la circonscription. Elle a pourtant précisé plusieurs fois qu’elle ne souhaitait pas représenter sa circonscription d’un point de vue simplement identitaire, mais également à travers leurs revendications. Malgré le caractère progressiste d'Alexandria Ocasio Cortez, de nombreux syndicats ont préférés soutenir Joseph Crowley.

Tous les grands journaux ont annoncé le séisme politique au sein du parti démocrate et les chroniqueurs du New York Times sont allés jusqu’à la qualifier de star politique. Bien que la victoire d'Alexandria Ocasio Cortez soit le résultat d’une communication réfléchie et des faiblesses de son adversaire, cela montre également que des candidats se revendiquant du socialisme peuvent gagner des élections et que des candidats travailleurs issus de quartiers populaires et financés par des donateurs individuels plutôt que par les capitalistes peuvent perturber l’establishment politicien en mettant en avant les revendications de la classe ouvrière.

Malgré tout, la fin n’est pas indépendante des moyens. La victoire d'Alexandria Ocasio Cortez aux élections primaires du parti démocrate et son chemin tout tracé vers la chambre des députés entretient l’idée que ces réformes peuvent être obtenues en élisant des personnalités progressistes dans les institutions du pouvoir en place. Son discours improvisé lors de sa victoire, aussi honnête et encourageant soit-il, est resté tout du long dans l’idée d’élire de bons représentants au congrès et d’utiliser les structures institutionnelles pour mener notre politique.

A l’inverse, la tâche principale est de rallier les masses à ces objectifs et de construire un réseau de militants dans l’optique de mobiliser des centaines de milliers pour nos revendications. Si nous pouvons élire quelques douzaines de progressistes, les quatre cent trente cinq représentants restant empêcheront de faire passer ces revendications sans la présence de mobilisations de masses capables d’être une menace pour le gouvernement.

Tout vrai changement politique nécessite des mobilisations de masse. L'histoire est remplie d’exemple pour le démontrer. Ce sont les grèves et les occupations d’usines des années 1930 qui ont permis d’obtenir le Wagner Act et le Social Security Act. Ce sont les révoltes du Black Power dans les années 1960 qui ont permis de supprimer la ségrégation raciale dans la loi. En contraste, le faible niveau de mobilisation et d’agitation des quarante dernières années a permis le recul des droits de la classe ouvrière et la stagnation des salaires et il a renforcé la transformation des services publics qui caractérise la période néo libérale. La récente vague de grève d’enseignants pourrait être un signe avant-coureur d’un changement sur ce terrain. Pourtant, même lorsque la lutte de classe s’intensifie, la mauvaise approche peut amener à des résultats désastreux.

Les Democratic Socialists of America (DSA), l’organisation socialiste la plus importante des Etats Unis, dans les faits, ont soutenu une liste grandissante de candidats du parti démocrate. Une partie des adhérents des DSA ne soutient pas totalement cette politique et préfèrerait une délimitation plus claire vis-à-vis du parti démocrate. Mais il est établi qu’Alexandria Ocasio-Cortez est membre des DSA et qu'elle a compté sur l’approbation et le soutien actif de son organisation pour faire sa campagne.

Si certains membres des DSA ont beaucoup d'illusions envers le parti démocrate, il semblerait qu’une majorité ne considère ces campagnes que comme un moyen d’utiliser les campagnes du parti démocrate pour mettre en avant les idées socialistes et les politiques progressistes. Ce qui leur permettrait de contourner les biais importants du système électoral en attendant que les DSA ne deviennent assez fort pour présenter leurs propres candidats. La question est alors de déterminer si les DSA utilisent vraiment le parti démocrate, ou bien l’inverse. En d’autres mots, les DSA profitent-t-il de l’ouverture peut-être naïve du parti démocrate aux candidats de la gauche radicale ou bien les DSA offrent-t-il une caution de gauche au parti démocrate, permettant dans les faits sa reconstruction ?

Alexandria Ocasio-Cortez prend en effet part à une entreprise nationale de reconstruction du parti démocrate. Après avoir participé à la campagne de Bernie Sanders, elle a été contactée en 2016 pour être candidate aux élections primaires. Dans la foulée de sa victoire, elle a appelé à voter pour des candidats soutenus par les Justice Democrats.

Les Justice Democrats, fondés par l’équipe de la campagne de Bernie Sanders, se donnent comme objectif de réformer le parti démocrate en remplaçant les élus soutenus par des entreprises afin d’en bouger les lignes vers la gauche. Plusieurs revendications principales d'Alexandria Ocasio Cortez viennent de la plate forme des Justice Democrats, comme l’abolition de l’ICE, le medicare pour tous et l'université gratuite. Ce sont des positions politiques qui, selon eux, sont majoritairement populaires et sont nécessaires à toute tentative de sauver le parti, « l’avenir du parti démocrate est du côté de la justice et il n’est pas du côté de la direction ».

Cependant, d’ici le mois de novembre 2018, Alexandria Ocasio Cortez devra faire face à de fortes pressions de la part de la direction du parti démocrate pour modérer son discours pour que le parti démocrate puisse agréger un électorat plus conservateur. Plusieurs voix dans les médias dominants libéraux anticipent déjà les difficultés qu’Alexandria Ocasio Cortez peut poser au parti démocrate.

Quelle sera sa réponse face à ces pressions ? A qui devra-t-elle rendre des comptes quand il s’agira de décider les revendications qu’il faut maintenir et les revendications qu’il faut laisser de côté pour le moment ? Les possibilités qu’Alexandria Ocasio Cortez, une fois élue, mène la politique prévue par les DSA ne répondent en conséquence que d’elle même et de sa capacité à naviguer entre les pressions extrêmes inhérentes au fait d’être et de rester élue au congrès. D’autant plus quand on voit que sa rhétorique est davantage semblable à celle de Bernie Sanders qu’à celle d’une candidate indépendante.

Il y a un effort visible de la part de plusieurs organisations pour redresser le parti démocrate. Étant donné son état calamiteux, l’aile progressiste peut gagner des positions clés au sein du parti et faire bouger sa ligne un tant soit peu vers la gauche. Il est largement établi que les chances pour que le parti démocrate renaisse de ses cendres reposent sur sa capacité à intégrer ces nouveaux candidats, plus jeunes et plus progressistes. Le parti démocrate est en phase de le faire tout comme il l’a fait tant de fois par le passé avec des intrus comme l’auteur socialiste de fiction Upton Sinclair en 1934 ou bien avec des militants reconnus comme Jesse Jackson dans les années 1980. La machine du parti démocrate a répétitivement absorbé, broyé puis digéré des militants politiques radicaux, avec les mouvements qui les accompagnaient.

Quand les DSA consacrent tant d’efforts et de ressources au parti démocrate, ils soufflent en fait sur les braises de la renaissance d’un parti contrôlé par le capital. De plus, nous ne devrions jamais oublier qu’il s’agit d’un parti qui a systématiquement soutenu des interventions militaires à travers le globe et qu’il est responsable de la mort de centaines de milliers de personnes par des guerres impérialistes, du terrorisme d’état et des attaques de drones.

C’est, par ailleurs, précisément la cuisante défaite du parti démocrate contre Donald Trump, ainsi que le marasme qui en a découlé, qui a permis aux DSA de multiplier leurs membres au fil des deux dernières années, passant de six mille membres en 2015 à plus de trente mille membres aujourd’hui.

Après la victoire d’Alexandria Ocasio Cortez, le nombre de membres des DSA a une fois de plus grimpé en flèche, ajoutant plus de mille nouveaux adhérents. Il est nécessaire de canaliser au bon endroit l’énergie de toute cette nouvelle génération de militants politiques embrassant les idées du socialisme, voyant que le capitalisme n’a rien à offrir. Il y a une bataille irrésolue quant au destin de l’organisation et à sa relation avec le parti démocrate. La finalité de ce débat peut soit aider à forger une nouvelle couche de militants anticapitalistes, soit les entraîner dans la gueule du parti démocrate et, à terme, au désarroi et à la frustration.

Le renouveau du parti démocrate est en cours, dirigé par Bernie Sanders et les multiples organisations qui ont émergé de sa campagne. En tant que socialistes, nous pouvons choisir de prendre part à ce processus ou de consacrer notre énergie et nos ressources à soutenir la lutte de classe, à prendre en charge les revendications de la classe ouvrière et à mener des campagnes politiques ouvrières indépendante pour renforcer ces luttes. Le second est un besoin urgent, le premier est un chemin sûr vers la défaite.

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