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29 novembre 2018 4 29 /11 /novembre /2018 17:12

 

 

https://www.liberation.fr/france/2018/11/28/entre-nuit-jaune-et-gilets-debout-ruffin-veut-souder_1694875

 

Entre Nuit Jaune et Gilets Debout, François Ruffin veut souder

Par Laure Equy et Rachid Laïreche

Très mobilisé sur le terrain, le député du département de la Somme du Mouvement de la France Insoumise (MFI) rêve de former un bloc contestataire entre les classes populaires et plus aisées. Il tient Jeudi 29 Novembre 2018 une réunion publique pour amorcer l’alliance entre Paris et les mouvements de province.

Tout y sera. La sono qui crache au cul du camion, les merguez au chaud et la place de la République. Le militant parisien de gauche, coutumier des manifestations, sera Jeudi 29 Novembre 2018 en terrain connu. C’est l’équipe de la fête à Emmanuel Macron qui invite. Les proches de François Ruffin et de Frédéric Lordon, qui avaient déjà arrosé à leur manière la première année du quinquennat au printemps, ont lancé un appel sur Facebook pour une assemblée générale en plein air, « cela bouge à Albert, à Bergerac, à Beaumont-sur-Oise et à Sainte-Marie de la Réunion, mais à Paris ? Alors, les activistes, les nuit-deboutistes, les cégétistes, les sudistes et les çavapétistes, qu'attendons nous pour nous activer ». Si les Gilets Jaunes ne sont pas mentionnés, c’est bien en appui de leur mobilisation qu’il s’agit d’embrayer.

Tandis qu’on bloque les ronds-points, sur les nationales et aux péages contre la hausse des taxes sur le carburant à laquelle se sont greffées un tas de revendications, les parisiens regardent le mouvement de loin. Dans les grandes villes où l’on n’est pas otages de la voiture, il n'y a pas beaucoup de Gilets Jaunes.

C’est tout le pari de François Ruffin, qui a sillonné les barrages de sa circonscription de la Somme pour accompagner les protestataires et qui trépigne de donner à Paris un écho à la grogne, « il nous faut les deux classes, absolument. Nous ne vaincrons pas l’oligarchie, les lobbies, les multinationales et leurs porte-voix à l’Elysée, sans les deux classes, sans les classes populaires et les classes éduquées. C’est le bloc historique qu’il nous faut souder », écrit-il dans le dernier numéro de son journal Fakir. L’addition des Gilets Jaunes et de Nuit Debout, Nuit Jaune et Gilets Debout. Le meneur de la mobilisation qui avait squatté la place de la République au mois d'avril 2016, en réponse à la loi travail, en rêve. Mêler les colères des grandes villes et des zones périphériques et faire converger ceux qui s’alarment de la fin du monde et ceux qui s’angoissent pour la fin du mois. « Nous aurons un mouvement social qui pourra déboucher sur quelque chose de vraiment puissant le jour où nous arriverons à joindre ces deux pans-là », expliquait le député du MFI, Jeudi 22 Novembre 2018.

Depuis près d’un mois, François Ruffin est à fond derrière « cette France invisible qui se rend enfin hyper visible ». Dans les tout premiers jours, il a tâté le terrain. La tentative du Rassemblement National et de Nicolas Dupont-Aignan de mettre le grappin sur le mouvement a d’abord rebuté à droite comme à gauche. Mais le 30 octobre 2018, François Ruffin appelle, dans une vidéo, à « d’abord comprendre avant de juger, notre devoir n’est pas de dire qu'il y a des fascistes. La question est de savoir comment conjuguer ce sentiment d’injustice fiscale avec un impératif écologique ».

Lors du coup d’envoi du mouvement, Samedi 17 Novembre 2018, il fait la tournée des barrages d'Amiens, de Flixecourt et d'Abbeville, sans oublier de publier photos et vidéos, comme sur chacune de ses actions. On le voit entouré de Gilets Jaunes, noircissant son calepin. « Je suis un cahier de doléances ambulant », raconte-t-il. S’il dit qu’il se « sent bien dans ce bain de foule », lui ne porte pas le gilet symbole. La question a été discutée et la stratégie a été réfléchie. Rebelote, Samedi 24 Novembre 2018, lorsqu’il prend un bus affrété par un copain d’Albert, commune d’une circonscription voisine, pour manifester avec des Gilets Jaunes sur les Champs-Elysées. Avec le trajet et l’air sombre dans les couloirs du métro, également filmé par son équipe. Quelques jours plus tôt, des manifestants ont insulté et dénoncé des migrants cachés dans la citerne d’un camion à Flixecourt, chez lui dans la Somme. François Ruffin, qui admet n’être « pas fier du tout que cela se passe de cette manière-là », estime que le mouvement compile « tout et son contraire, le meilleur et le pire de l’homme ».

En être, pense-t-il, c’est éviter de « laisser la colère des français être récupérée par Marine Le Pen ». Mais comment apporter à la gronde une issue progressiste, comme dit Clémentine Autain ? « L’extrême droite tire d’un côté, le mépris du défi écologique et le trop d’impôts. Nous, nous allons tirer de l'autre côté, une vraie transition énergétique et la justice fiscale », plaide la députée du MFI de Seine-Saint-Denis, qui brosse un parallèle avec la campagne du non au traité constitutionnel européen en 2005, « au début, on nous disait que nous étions contre et que nous étions dans le même camp que le Front National. Nous avons créé les collectifs antilibéraux et nous avons piqué l’hégémonie culturelle à l’extrême droite. Au final, la victoire du non a été la nôtre ».

Mardi 27 Novembre 2018, François Ruffin a annoncé sa réunion publique parisienne à ses collègues du groupe parlementaire du MFI à l'assemblée nationale. Certains envisagent de s’y rendre, sans être aux premières loges. « En ce moment, il y a une mise à distance des partis qui peut nous toucher aussi. Il faut organiser les choses avec doigté », reconnaît le député Alexis Corbière, qui récuse une concurrence entre le MFI et l’entreprise de François Ruffin, « qu'un mouvement se développe et nous échappe, cela ne nous fait pas d’ombre mais plutôt de la lumière ». Jean-Luc Mélenchon, lui, a des obligations dans sa circonscription marseillaise, Jeudi 29 Novembre 2018 et il n'est pas question de braquer les projecteurs sur lui. Au mois de mai 2018, lors de la fête à Emmanuel Macron organisée par François Ruffin et ses amis, l'ancien candidat au premier tour des élections présidentielles de 2017 et ses proches avaient été très visibles, louant carrément un bus à impériale, une captation qui avait fait péter un câble à François Ruffin. Après explication de gravure, chacun des deux hommes veille à ne pas marcher sur les plates-bandes de l’autre. Ils multiplient les accolades démonstratives, y compris dans l’hémicycle. « C’est le grand amour pour l’instant », sourit un insoumis, « François Ruffin n’aime pas le conflit, il pousse par l’extérieur, il a ses troupes et il ne s’emmerde pas ».

Au MFI, d’autres sont toutefois perplexes sur sa stratégie de réconcilier couches populaires et gauche bobo. « C’est bien de faire des meetings, mais sur la place il n’y aura que des convaincus. Nous devons aller chercher les écologistes qui restent jusqu’ici en retrait et les banlieues », prévient un autre député du MFI. Dans l’entourage de François Ruffin, on a scruté avec attention le communiqué du comité Adama Traoré, jeune homme mort au mois de juillet 2016 à la suite d’une interpellation policière. Le collectif a appelé à manifester avec les Gilets Jaunes, Samedi Premier Décembre 2018, jugeant que « les quartiers populaires sont confrontés aux mêmes problématiques sociales que les territoires dits périphériques ». La sœur du défunt, Assa Traoré, devrait assister à l'assemblée générale du Jeudi 29 Novembre 2018, place de la République à Paris.

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