Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 décembre 2018 3 19 /12 /décembre /2018 20:01

 

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/18/le-premier-ministre-belge-charles-michel-annonce-sa-demission_5399480_3210.html

 

En Belgique, grande incertitude après la démission du premier ministre Charles Michel

Le premier ministre libéral, à la tête d’une coalition minoritaire, a tenté, en vain, d’obtenir une collaboration temporaire de l’opposition.

Par Jean-Pierre Stroobants

Ses tentatives de maintenir à flot un gouvernement minoritaire jusqu’aux élections législatives prévues le 26 mai 2019 ont fait long feu. Le premier ministre belge Charles Michel s’est rendu, Mardi 18 Décembre 2018, au Palais de Laeken pour présenter la démission de sa coalition au roi des belges, Philippe de Belgique. Un peu plus tard, le palais indiquait que le chef de l'état tenait sa décision en suspens. Une manière de faire baisser la pression politique, à son maximum après une après-midi de débats houleux à la chambre des députés, Mardi 18 Décembre 2018.

L’hypothèse qui semblait la plus probable était que le roi finisse, après un round de consultations et quelques jours, voire quelques heures, de réflexion par accepter cette démission, ce qui ouvrirait une période dite d'affaires courantes sous la conduite de Charles Michel, jusqu’aux élections fédérales, régionales et européennes du mois de mai 2019.

L’histoire du royaume de Belgique a été émaillée d’épisodes de ce genre, le plus long ayant duré cinq cent quarante et un jours entre 2010 et 2011. Un gouvernement d’affaires courantes ne peut plus exercer la plénitude de ses attributions mais il évite un vide institutionnel. L’équipe démissionnaire est donc tenue de prendre toutes les mesures nécessaires à assurer la continuité du fonctionnement des institutions, explique le constitutionnaliste Marc Uyttendaele. Notion imprécise, les affaires courantes permettent à la fois de gérer le quotidien, sans engagement sur le long terme, et d’affronter des situations d’urgence.

Charles Michel avait d’abord espéré échapper au débat parlementaire du Mardi 18 Décembre 2018, soutenant que l’équipe ministérielle qu’il conduisait depuis une dizaine de jours était une simple réplique de la précédente. Même si elle était désormais minoritaire, privée de sa principale composante, la Nieuw Vlaamse Alliantie (NVA), première formation de Flandre et du royaume.

Ses ministres ont quitté, Dimanche 9 Décembre 2018, la coalition à quatre qu’ils formaient avec le Mouvement Réformateur de Charles Michel, ainsi que les chrétiens-démocrates flamands et les libéraux flamands. La NVA avait exigé, en vain, que Charles Michel refuse l’adoption par la Belgique du pacte sur la migration de l’Organisation des Nations Unies (ONU), signé Lundi 10 Décembre 2018 à Marrakech.

Sans trop y croire sans doute, le premier ministre tablait néanmoins sur la loyauté de ses anciens alliés, pour voter notamment le projet de budget 2019, que la NVA avait déjà approuvé en commission. La NVA n’en avait pas l’intention, sauf si Charles Michel renonçait au pacte de l'ONU et s'il acceptait le principe d’une nouvelle révision de la structure institutionnelle du pays, avec l’hypothèse de l’instauration d’un système confédéral.

Au fil des jours, les nationalistes flamands insistaient aussi pour obtenir des élections anticipées. Ils considéraient visiblement qu’une campagne axée prioritairement sur les questions de l'immigration et de l'identité leur serait profitable et qu'elle éviterait la progression de leurs rivaux directs, les extrémistes de droite du Vlaams Belang.

Charles Michel répliquait en évoquant le chantage et les demandes inacceptables de son ancien allié, rompant ainsi le lien avec le parti de Bart De Wever. Peu désireux de courir le risque de l’impopularité, la plupart des autres partis ne voulaient pas apparaître comme ceux qui auraient provoqué des élections anticipées. Ils refusaient cependant de cautionner la prolongation d’une expérience gouvernementale contre laquelle ils ferraillaient depuis quatre ans et demi.

Ecologistes, socialistes et chrétiens démocrates francophones ont donc élaboré une liste de dossiers sur lesquels ils réclamaient un engagement précis de Charles Michel. Des demandes sur le climat, le pouvoir d’achat, des baisses de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et les retraites, vaines pour la plupart, puisqu’elles allaient à contre-courant de toute la politique menée par la coalition au pouvoir.

Charles Michel a toutefois tenté, Mardi 18 Décembre 2018, de creuser une troisième voie, entre la démission et le gouvernement minoritaire, avec ses deux alliés, il ne totalisait plus qu’un tiers des cent cinquante sièges de la chambre. Il s’est adressé avec honnêteté et conviction, selon lui, à l’opposition pour lui lancer un appel à la collaboration dans l’intérêt de notre pays et des citoyens.

Après une suspension de séance, il a rapidement compris que ses demandes étaient inutiles, socialistes et écologistes ont déposé une motion de méfiance qui pouvait le mettre en minorité. Refusant de se soumettre à un tel vote, il déclarait, applaudi par les députés de la majorité, que « je respecte et je prends note. Je décide de présenter ma démission et je me rends immédiatement chez le roi ».

« Notre pays plonge dans l’instabilité parce que certains ont refusé la main qui leur était tendue », expliquait David Clarinval, chef du groupe du Mouvement Réformateur. Il désignait aussi la NVA « qui voulait le scalp de Charles Michel ». « Il fallait surtout qu’une politique nocive s’arrête », répliquait Ahmed Laaouej du Parti Socialiste, tandis qu’Olivier Maingain, président des centristes du Défi évoquait la lourde responsabilité de celui qui a amené la NVA au pouvoir.

La chute de la coalition signifie, en tout cas, l’abandon d’une série de projets, dont l’augmentation de certaines allocations sociales, le recrutement de policiers et des investissements dans le domaine énergétique. Si les puissantes organisations syndicales peuvent se réjouir de la mise à l’écart d’un projet de dégressivité accélérée des indemnités de chômage, elles regretteront en revanche le gel d’une négociation sur la marge salariale, la progression des salaires au-delà de l’indexation automatique de ceux-ci.

Mercredi 19 Décembre 2018, la majorité des commentateurs francophones et flamands s’entendait sur un point. La crise qui s’ouvre pourrait être très longue et elle ne s’arrêtera sans doute pas au soir du scrutin du 26 mai 2019.

L’évolution politique très divergente de la Flandre et de la Wallonie, avec une probable confirmation de la prépondérance de la NVA au nord du royaume et le glissement à gauche du sud, où écologistes et radicaux du Parti du Travail de Belgique (PTB) sont annoncés comme les vainqueurs du scrutin, devrait compliquer un peu plus la formation d’une majorité fédérale. Et donner raison, peut-être, aux nationalistes flamands qui jugent que, avec deux démocraties à ce point différentes, il faudra bien convenir, un jour, que ce royaume n’a pas d’avenir sous sa forme fédérale.

Partager cet article
Repost0

commentaires