« Pour la paix au Pays Basque, il faut soutenir Josu Urrutikoetxea »
Par Gerry Adams, ancien président du Sinn Féin, et Ronnie Kasrils, ancien membre de l'African National Congress (ANC)
La détention en France de cet ancien membre de l’organisation séparatiste basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA) est un mauvais message adressé à ceux qui œuvrent pour mettre fin au conflit, estiment, dans une tribune au Monde, l'ancien dirigeant du Sinn Féin irlandais et l’ancien responsable de l’ANC.
A peine après avoir obtenu sa remise en liberté, Mercredi 19 Juin 2019, l'ancien dirigeant de l’organisation séparatiste basque ETA, Josu Urrutikoetxea dit Josu Ternera, a été placé en détention par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), suite à une demande d’extradition de l’Espagne.
Arrêté au mois de mai 2019, à Sallanches, dans le département de la Haute-Savoie, après seize ans de cavale, l’ancien militant d'ETA était recherché notamment pour son implication dans un attentat commis, en 1987, contre une caserne de la Guardia Civil à Saragosse qui avait coûté la vie à onze personnes, dont cinq enfants.
Leader de l’appareil politique de l’ETA, Josu Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea avait été interpellé une première fois en France en 1989 et condamné à dix ans de prison avant d’être expulsé en Espagne. Remis en liberté en 1996, il est élu, deux ans plus tard, au parlement autonome basque espagnol et désigné comme l’un des négociateurs du processus de paix. Après avoir été écarté de la direction de l’organisation en 2006, il avait disparu sans laisser de trace.
Le 16 mai 2019, Josu Urrutikoetxea a été arrêté dans un hôpital public en France alors qu’il recevait un traitement d’urgence pour une maladie grave. Il est accusé d’être un membre de l’organisation armée basque ETA.
L'ETA n’existe plus. L’organisation a déclaré unilatéralement la fin des violences en 2011, après la demande, formulée au mois d'octobre 2011, à Saint-Sébastien, par des personnalités internationales de premier plan. Elle a unilatéralement procédé à son démantèlement devant un comité international de vérification au mois d'avril 2017 et elle a annoncé publiquement sa dissolution au mois de mai 2018, après plus de cinquante ans d’existence.
Toutes ces étapes n’auraient pas été possibles sans l’engagement et la persévérance absolue et univoque des figures dirigeantes du mouvement indépendantiste basque et Josu Urrutikoetxea a joué un rôle crucial dans ce processus.
En tant que membre de longue date du mouvement indépendantiste basque, Josu Urrutikoetxea a fait preuve d’un courage énorme pour promouvoir et rendre possible le débat sur la fin de la violence, le désarmement et la dissolution de l'ETA. Sans lui, et sans d’autres comme lui, il aurait été pratiquement impossible d’accomplir ce changement substantiel qui s’est produit au Pays Basque.
Ceux d’entre nous qui ont participé à l’élaboration d’un processus de paix et qui ont œuvré à la résolution pacifique d’un conflit, savent qu’il s’agit là d’une gageure. Négocier avec son propre camp est toujours la négociation la plus difficile, mais elle est essentielle si l’on veut progresser. Il a fallu l’engagement et le courage de dirigeants comme Martin Mac Guinness et Nelson Mandela pour rendre possible une transition pacifique en Irlande et en Afrique du Sud.
Nous lançons un appel à la France pour qu'elle soutienne les efforts de paix au Pays Basque. Joignez vous à nous pour envoyer un message clair à la communauté internationale et pour affirmer que la France se soucie des efforts de paix des responsables comme Josu Urrutikoetxea et qu'elle les apprécie à leur juste valeur.
Beaucoup de choses ont changé en bien au Pays Basque ces dernières années. Tous les efforts doivent être faits pour que le processus de transformation et de réconciliation se poursuive. La communauté internationale, en particulier, a un rôle crucial à jouer pour encourager ce processus et pour soutenir le travail acharné accompli par le peuple basque.
L'arrestation de Josu Urrutikoetxea a envoyé un mauvais message à ceux qui, au Pays Basque et au niveau international, oeuvrent pour mettre fin au conflit. Les artisans de la paix doivent être encouragés et soutenus et leurs efforts doivent être confortés par des politiques positives.
Mercredi 19 Juin 2019, deux événements successifs nous ont inspiré l'espoir et l'affliction. Le premier a été suscité par la décision de la cour d'appel de Paris de libérer Josu Urrutikoetxea afin qu'il puisse se défendre en homme libre contre les procédures en cours contre lui.
Le second est la décision de l'état français d'ordonner un nouveau maintien en détention, au nom d'un Mandat d'Arrêt Européen (MAE), et une procédure d'extradition, dont l'examen n'exigeait en rien une privation de liberté.
L'inhumanité d'une telle procédure expéditive nous attriste profondément. Qu'une décision souveraine de justice soit immédiatement balayée par une intervention sous influence de l'état est un sujet de profonde préoccupation.
Nous réitérons avec détermination notre appel au gouvernement français pour qu'il libère définitivement Josu Urrutikoetxea.
Une telle décision de l'état français enverrait un message fort d'encouragement et de solidarité à l'égard des efforts de paix en cours au Pays Basque.
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