Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 15:54

 

 

https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1U026K-OFRTP

 

Prison ferme requise dans le dossier des suicides à France Télécom (Reuters)

Pour la première fois pour une entreprise de cette taille, le ministère public a requis Vendredi 5 Juillet 2019 de la prison ferme pour harcèlement moral et complicité contre sept anciens dirigeants de France Télécom, devenue Orange en 2013, qui a connu une vague de suicides de salariés entre le mois d'avril 2008 et le mois de juin 2010.

Un an de prison assorti de quinze mille euros d’amende a ainsi été requis contre l’ancien Président Directeur Général (PDG) Didier Lombard, soixante dix sept ans, de son ancien Directeur des Ressources Humaines (DRH) Olivier Barberot, soixante quatre ans, et de l'ancien directeur des opérations pour la France, Louis-Pierre Wenes, soixante dix ans, jugés pour harcèlement moral.

Hasard du calendrier judiciaire, le successeur de Didier Lombard, Stéphane Richard, saura Mardi 9 Juillet 2019 s’il est condamné dans l’affaire de l’arbitrage en faveur de l’homme d’affaire Bernard Tapie dans son contentieux avec Le Crédit Lyonnais (LCL), l’actuel PDG d’Orange était alors directeur de cabinet de la ministre de l'économie et des finances de l’époque, Christine Lagarde.

Le ministère public a par ailleurs demandé huit mois de prison et dix mille euros d’amende contre quatre autres anciens dirigeants jugés pour complicité, ainsi qu’une amende de soixante quinze mille euros contre France Télécom en tant que personne morale.

« Les peines encourues à l’époque sont tellement faibles qu’il faut demander le maximum », a dit une des deux procureures, Brigitte Pesquié, qui a requis la publication du futur jugement.

Ce procès, inédit à cette échelle, est celui du crash plan mis en oeuvre par l’opérateur historique français de télécommunications entre 2006 et 2010 pour réduire en trois ans ses effectifs de vingt deux mille personnes et pour transférer dix mille autres personnes.

L’accusation reproche à l’entreprise et ses anciens dirigeants d’avoir instauré une politique visant par toutes sortes de moyens à déstabiliser les salariés afin de les contraindre à partir. L’ordonnance de renvoi en correctionnelle a retenu le cas de trente neuf victimes, dont dix huit suicides et treize tentatives de suicide en deux ans.

Mais Brigitte Pesquié a souligné que cela concernait un nombre énorme de personnes, bien au-delà de ces trente neuf cas. « Votre tribunal va juger des chauffards du travail, qui ont abusé de leur autorité et qui ont agi pratiquement en bande organisée », a-t-elle déclaré à l’adresse de la cour.

Les parties civiles se sont déclarées satisfaites de ce réquisitoire malgré la modestie relative des peines demandées.

« C’est sans commune mesure avec l’ampleur des souffrances qui ont été provoquées », a ainsi dit Sylvie Topaloff, avocate du Syndicat Unitaire et Démocratique (SUD), « je ne dis pas qu’il s’agit du procès des suicides, car la souffrance est allée bien au-delà ».

L’un des avocats des prévenus, Patrick Maisonneuve, a en revanche estimé que les procureurs n’avaient pas apporté la preuve de leur responsabilité pénale personnelle.

La première procureure à parler, Françoise Benezech, avait rappelé que les managers de France Télécom étaient notamment formés à l’époque à l’utilisation de la méthode du sepuku management visant à culpabiliser des collaborateurs pour les inciter à démissionner, le mot sepuku désigne le suicide rituel japonais familièrement connu sous le nom d’hara kiri.

La magistrate, qui n’a pas hésité à parler de banalisation du mal, a reproché aux prévenus de s’être inscrits dans une logique financière et elle a émis l’espoir que ce dossier de cent mille pages ferait jurisprudence.

« Le but de ce procès n’est pas de porter un jugement de valeur moral sur vos personnes », a-t-elle dit à l’adresse des prévenus, « c’est de démontrer que l’infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d’entreprise et par l’organisation du travail ».

Des dizaines de témoins, experts et anciens salariés de France Télécom ou proches d’employés qui se sont suicidés ont été entendus à la barre pendant deux mois.

Ils ont raconté les réorganisations multiples, les mutations forcées, les contrôles tatillons, la surcharge ou au contraire l’absence de travail et les pressions de toutes sortes.

L’inspectrice du travail auteure du signalement à l’origine du procès, Sylvia Catala, a accablé l’ancienne direction. « On demandait au salarié de se trouver un poste après lui avoir signifié que son poste était supprimé », a-t-elle notamment dit. Elle a également assuré n’avoir jamais rencontré tant de témoignages écrits de mal-être au travail et elle a déploré que les alertes n’aient pas été suivies d’effet.

Les sept anciens dirigeants ont pour leur part maintenu tout au long du procès leur ligne de défense, niant leur responsabilité dans la vague de suicides ou de dépressions et défendant les plans Next et Act de réduction de la masse salariale au nom des contraintes économiques qui pesaient alors sur l’entreprise.

Partager cet article
Repost0

commentaires