Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 septembre 2020 6 12 /09 /septembre /2020 14:14

 

 

https://www.20minutes.fr/sante/2859511-20200912-coronavirus-ni-confinement-ni-masque-pourquoi-suede-fait-cavalier-seul-face-pandemie

 

Ni confinement, ni masque, la Suède fait cavalier seul face à la pandémie de coronavirus

Alors que la plupart des pays ont pris des mesures contraignantes plus ou moins lourdes contre le coronavirus, la Suède continue d’aller à rebours avec sa stratégie d’immunité collective, sans confinement ni masque

Samedi 12 Septembre 2020

Contre la pandémie du coronavirus, la Suède a pris le parti de tracer seule son chemin en refusant de confiner sa population et d’imposer les masques. Ce qui ne veut pas dire que les gestes barrières ne se sont pas imposés. Pourquoi ce pays scandinave a-t-il fait ce choix et avec quels résultats ?

Voilà un pays où les citoyens ont pu profiter du printemps en terrasse. Un pays qui a dit non, au mois de mars 2020, au confinement et qui refuse toujours le port du masque obligatoire, en intérieur comme en extérieur. Dans cette pandémie du coronavirus, la Suède fait cavalier seul. A rebrousse poil de quasiment tous les pays, qui ont pris des mesures plus ou moins contraignantes d’isolement, de fermeture des frontières, de fermeture des lieux publics et de limitation des déplacements, ce pays scandinave a longtemps été montré du doigt.

Pour certains, la Suède incarnait le choix de l’économie sur la santé publique. Pour d’autres, elle prouve que la stratégie de l’immunité collective se défend. S’il est encore tôt pour tirer des conclusions claires sur son bien-fondé, la stratégie suédoise a de quoi interroger. Surtout à l’heure où certains pays, dont la France, prennent de nouvelles mesures contraignantes.

Loin d’une image d’Epinal où tout est permis, les suédois ne vivent pas en ignorant le coronavirus. Toute la population n’a certes pas été confinée, mais les plus fragiles ont été encouragés à rester chez eux. Les crèches et les écoles sont restées ouvertes, mais pas les lycées et les universités. Par ailleurs, les réunions de plus de cinquante personnes sont toujours interdites, même dans les cinémas ou à l’occasion de grandes célébrations, notamment la grande fête qui suit pour les jeunes l’obtention de l’équivalent du baccalauréat.

Les autorités nationales ne recommandent pas non plus pour l’heure l’utilisation du masque, excepté pour les soignants, mais elles disent garder un œil sur la question et elles pourraient introduire la mesure si cela était jugé nécessaire. En revanche, fait marquant, le royaume encourage vivement ceux qui le peuvent à télétravailler jusqu’à 2021, au moins, et vingt pour cent des collégiens à Stockholm continuent les cours à distance. Surtout, les autorités ont appelé à la responsabilité, distanciation physique, application stricte des règles d’hygiène et isolement en cas de symptômes. Alain Gras, socio-ethnologue qui connaît bien ce pays, confirme. Son fils vit en Suède et il a été infecté par le virus. Après avoir prévenu son médecin, il n’a été contraint ni de faire un test, ni de voir un médecin, mais il a simplement été invité à rester chez lui.

Certaines mesures ont donc bien été prises, mais les contraintes ont été et restent moins strictes. Surtout, il est difficile d’évaluer comment ces invitations ont été reçues. « Il est probable que, effectivement, il y ait moins de mesures coercitives que dans d’autres pays », dit Michèle Legeas, enseignante-chercheuse à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), « ceci n’empêche que peut-être les citoyens, qui ne sont pas pris pour des enfants grincheux, ont par eux-mêmes adopté des mesures barrières. L’égoïsme individuel est parfois un bon moteur ».

Le bilan est contestable. Avec plus de cinq mille huit cent morts et quatre-vingt-quatre mille sept cent vingt-neuf cas, la Suède se retrouve dans le peloton de tête des pays européens les plus touchés relativement à sa population, cinquante-sept morts pour cent mille habitants, contre quarante-cinq morts pour cent mille habitants en France ou onze morts pour cent mille habitants au Danemark. Mais nous sommes loin de l’hécatombe promise par certains médecins répétant que la stratégie de l’immunité collective était mortifère.

Par ailleurs, il n’y a actuellement aucune augmentation du nombre de cas, alors que la France comptabilise plus de vingt-cinq mille cas en sept jours et que l’Espagne et l’Allemagne vivent également une nouvelle hausse de l’épidémie.

« La raison pour laquelle nous avons une transmission relativement faible maintenant est en grande partie due au fait que beaucoup de stockholmois suivent les recommandations de rester chez soi quand ils sont malades, de se laver les mains et de garder leurs distances », a déclaré Per Follin, responsable du département de contrôle et de prévention des maladies transmissibles de Stockholm. Le taux de reproduction est quasi continuellement inférieur à un depuis le début du mois de juillet 2020. A titre de comparaison, cette dernière semaine, la Suède a compté moins de deux cent nouveaux cas et moins de trois morts par jour, quand la France atteignait neuf mille nouvelles contaminations et autour de trente morts quotidiens. « Attention au triomphalisme », prévient tout de même Michèle Legeas, « nous ne pouvons pas crier victoire trop tôt, quel que soit le pays, contre cette épidémie ».

Cette stratégie à rebours s’explique d’abord par un choix de santé publique expliqué et assumé. Pour mieux lutter contre cette pandémie, il fallait laisser la population attraper le coronavirus et protéger les plus fragiles. « La Suède a choisi l’immunité collective dès le départ », rappelle Alain Gras, qui a enseigné en Suède, « le pays continue à tenir droit dans ses bottes, à la différence de tous les autres. C’est une façon d’affirmer son attachement à la liberté individuelle et sa volonté de défendre sa différence par rapport au reste du monde ».

Pour Alain Gras, la seconde explication, c’est la confiance. Qui va à double-sens. Les autorités accordent leur confiance au peuple, mais les suédois ont également une grande confiance dans le pouvoir. Une enquête réalisée pour l’agence de la protection civile et citée par le Monde dévoile que soixante-treize pour cent des suédois font confiance à l’agence de santé publique et cinquante-deux pour cent des suédois font confiance au gouvernement, contre trente-neuf pour cent en France. « Leur démocratie est beaucoup plus participative que coercitive en matière de santé publique », assure Michèle Legeas, « cela interroge sur l’intérêt de mesures obligatoires contre une responsabilisation des citoyens. Un isolement sur la base du volontariat est certainement mieux accepté. Surtout sur la durée, qui est un enjeu actuel. Car nous avons encore six mois ou un an à vivre dans des conditions compliquées. Au bout d’un moment, quand les personnes voient que l’épidémie est toujours là, alors qu’ils ont l’impression d’avoir fait des grands efforts, il est plus difficile d’imposer des contraintes ».

En Suède, la peur du gendarme n’est jamais privilégiée. « Il n’y a par exemple pas de contrôle d’identité », dit Alain Gras. Il estime que cette capacité à tracer sa route découle du poids de la religion luthérienne, « l’Eglise a joué un très grand rôle dans l’administration jusqu’à récemment. Par exemple, jusqu’en 1980, quand on déménageait, on n’allait pas à la mairie pour le signaler, mais on allait prévenir le pasteur. Et donc bien que cela soit un pays laïc, il y a un respect pour l’état quasiment religieux ».

L’autre héritage, c’est l’appel à la responsabilité individuelle. « Martin Luther a dit qu’il y en a marre des prêtres qui disent quoi faire, étudiez la Bible seuls et c’est comme cela qu’a commencé le protestantisme », résume le sociologue, « dans l’Eglise luthérienne par exemple, il y a toujours la confession personnelle, on ne dit pas « mon père, j’ai pêché », mais on se confesse directement. Ce qui induit une contrainte morale très forte. Ce n’est pas libertaire, on fait attention à la collectivité ».

Enfin, dernière hypothèse, c’est la confiance accordée à un homme, Anders Tegnell, responsable de l’agence de santé publique, l’équivalent de notre Directeur Général de la Santé (DGS). C’est lui qui a pris les grandes décisions et qui les a défendues devant les caméras. « Il s’appuie sur une commission, mais il garde la responsabilité », souligne Alain Gras, « la ministre de la santé, les suédois ne la connaissent même pas ». C’est donc sa doctrine qui a été suivie tout du long, au risque de s’attirer des critiques. En effet, des professeurs suédois dénoncent certaines décisions, notamment sur le port du masque​, et lui-même a reconnu au mois de juin 2020 que son approche souple n’était sans doute pas la plus adaptée. « Si nous devions rencontrer la même maladie avec tout ce que nous savons maintenant sur elle, je pense que nous finirions par faire quelque chose entre ce que la Suède et le reste du monde ont fait », avait déclaré l’épidémiologiste sur les ondes de la radio publique suédoise. Sans toutefois regretter de ne pas avoir suivi la même voie.

Partager cet article
Repost0

commentaires