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12 février 2021 5 12 /02 /février /2021 13:39

 

 

https://www.bfmtv.com/societe/calais-et-grande-synthe-la-cncdh-deplore-la-destruction-quasi-quotidienne-des-camps-de-migrants_AN-202102110267.html

 

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) déplore la destruction quasi-quotidienne des camps de migrants à Calais et à Grande Synthe

La CNCDH a observé une politique systématique de lutte contre les points de fixation dans cette zone littorale, où des centaines de personnes migrantes se rendent pour passer en Angleterre.

Plusieurs associations alertaient Lundi 8 Février 2021 sur les conditions de vie très difficiles des personnes migrantes à la rue à Calais et à Grande-Synthe, alors qu'une forte vague de froid sévit en France. Dans un avis rendu Jeudi 11 Février 2021 et voté à l'unanimité, sur la situation des personnes exilées dans ces deux communes, la CNCDH pose à plusieurs reprises la question de l'hébergement pour les migrants sur la frontière nord du pays, mais aussi de la régulière destruction de leurs campements.

« La mise à l’abri d’urgence des populations exilées en situation de grande vulnérabilité sur le littoral devrait être traitée comme un impératif humanitaire relevant du droit commun », écrit la CNCDH dans son avis, « compte-tenu de la détresse et de l’extrême dénuement dans lesquels elles sont plongées ».

La CNCDH a en effet observé que depuis cinq ans, soit depuis le démantèlement de la jungle de Calais, « nous observons une politique systématique de lutte contre les points de fixation », explique Geneviève Colas, rapporteuse de l'avis, à BFM Télévision. Toutes les semaines, et parfois plusieurs fois par semaine, les campements de personnes migrantes, installés sur le littoral, sont ainsi évacués par les forces de l'ordre.

« A Calais, l’association Human Rights Observers (HRO) a recensé plus de mille expulsions de lieux de vie informels opérées à Calais et dans la région en 2020. A Grande-Synthe, il a été recensé dix expulsions au mois de septembre 2020, sept expulsions au mois d’octobre 2020, sept expulsions au mois de novembre 2020 et neuf expulsions au mois de décembre 2020 », écrit l'avis de la CNCDH, « selon l’Observatoire des Expulsions des Lieux de Vie Informelle, les expulsions sur le littoral nord représenteraient à elles seules quatre vingt huit pour cent des expulsions de campements au niveau national. Nous déplorons les atteintes à la dignité causées par ces opérations de destruction incessante des abris de fortune des personnes exilées ».

« C'est très difficile physiquement et psychologiquement de devoir bouger tous les trois jours », déclare Geneviève Colas, qui dénonce « la détérioration des conditions de vie des migrants à la frontière. C'est inacceptable et cela n'affectera pas leur volonté de partir en Angleterre, c'est par là qu'ils passent ».

« L’état organise en effet l’évacuation de campements de personnes migrantes, avec méthode et de manière systématique, pour éviter la reproduction des situations d’indignité que nous avons pu connaître par le passé », déclarait dans un communiqué le préfet du département du Nord au début du mois de janvier 2021, « les opérations d’évacuation qui sont organisées plusieurs fois par semaine sur le littoral dunkerquois sont toutes mises en œuvre sur le fondement de décisions du tribunal judiciaire ».

« Les démantèlements de ces campements se produisent en raison d'une occupation illégale de terrains publics ou privés et les forces de l'ordre interviennent à la suite d'une décision de justice, qui dit que ces personnes n'ont pas le droit de rester là. Les policiers l'appliquent », dit Hervé Tourmente, sous-préfet de Dunkerque, à BFM Télévision, « les personnes qui habitent le campement peuvent aller récupérer leurs affaires, même leurs tentes, avant que la zone soit nettoyée ». Mais l'avis de la CNCDH pointe du doigt des évacuations problématiques, voire violentes.

« Plusieurs observateurs indiquent que les opérations d’évacuation s’accompagnent souvent de pratiques policières abusives, intervention de nuit, lacération des tentes, confiscation des couvertures et autres biens jetés dans des bennes et incinération des objets restant sur place. Leurs témoignages corroborent ceux des personnes migrantes confrontées à ces pratiques quasi-quotidiennes », est-il écrit.

La confiscation ou la destruction de tentes a notamment été plusieurs fois relevée. Des clichés du photographe Louis Witter montrant une personne lacérant une tente avaient fait grand bruit à la fin du mois de décembre 2020. Il s'agissait d'un employé d'une entreprise de nettoyage mandatée par l’état qui, après l'évacuation du camp, intervenait sur les lieux et retirait ce qu'elle y trouve, comme les tentes. La destruction systématique des tentes a été démentie par la société auprès de Libération.

« L'utilisation du couteau ou du cutter sert à détacher les liens des abris, parfois fixés aux arbres. Mais de toute façon, ces tentes n'ont pas vocation à être restituées ou récupérées », explique-t-elle au quotidien, ajoutant que « les équipes exécutent simplement les consignes ». Un ancien employé avait de son côté déclaré que ce geste était réalisé régulièrement.

« Lors de ces évacuations, les forces de l'ordre proposent aux personnes une mise à l'abri dans un centre d'hébergement. Près de mille places sont actuellement ouvertes pour le département du Nord, mais personne n'est forcé de s'y rendre et plusieurs refusent chaque jour de monter dans le bus qui les y amène. En ce moment, matin, midi et soir, nous avons des cars qui circulent », dit Hervé Tourmente.

Ces places ne sont pas situées autour de Grande-Synthe et de Calais, souligne toutefois Geneviève Colas, hors le but de ces personnes reste de traverser la Manche et, selon les observations, elles ne restent jamais très longtemps dans ces centres avant de revenir sur la côte.

La politique de l’état est assez claire sur ce point, comme en témoigne un communiqué de la préfecture du Nord au début du mois de janvier 2021, qui confirme son opposition résolue à organiser un et a fortiori plusieurs points d’accueil fixe à proximité du littoral. La peur étant que se récrée une situation comme celle de la jungle de Calais. « La stratégie dans le Nord est de mettre à l'abri à distance du littoral », confirme Hervé Tourmente. A Calais toutefois, les autorités ont annoncé avoir ouvert ce week-end, en raison de la forte vague de froid, deux hangars pour les hommes seuls, ainsi que d'autres hébergements pour les femmes, les familles et les mineurs isolés.

Le plan grand froid a été activé à Calais. Trois cent places d'hébergement sont désormais disponibles pour les migrants dans des hangars mis à disposition par l’état.

Pour la CNCDH, « cette politique de mise à distance traduit un manque de connaissance de la réalité des projets migratoires des personnes exilées qui se déterminent non pas en fonction de la qualité de l’accueil mais de leur désir de se rendre au Royaume-Uni. En ce sens, renoncer a priori à inventer les conditions d’un autre accueil, plus digne, revient à se résigner à l’impasse actuelle et à ses conséquences inacceptables en matière d’atteinte à la dignité et aux droits fondamentaux de ces enfants, femmes et hommes présents aujourd’hui sur le territoire français ».

« Cela ne correspond pas à leurs besoins, ils n'ont aucun espoir de se stabiliser en France », réagissait, ce week-end auprès de l'Agence France Presse (AFP), Claire Millot, de l'association Salam qui distribue des repas au bois du Puythouck, à Grande-Synthe, où se fixent habituellement les personnes migrantes, « de plus, ils savent qu'ils sont dublinés et que, s'ils redonnent leurs empreintes pour l'asile, ils auront une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) ou ils seront renvoyés dans le pays de l'Union Européenne où ils ont déposé leurs empreintes en premier ».

Cette situation de délogement permanent ajoute une forte difficulté à un quotidien déjà rude et une prise en charge plus compliquée, administrative comme humanitaire. « Le changement continu des lieux de survie des personnes exilées au gré des démantèlements et la crainte de nouvelles opérations d’évacuation compliquent considérablement la tâche des associations pour les repérer et pour répondre à leurs besoins les associations ont des difficultés à atteindre ces personnes exilées désormais dispersées et craintives », écrit la CNCDH.

Lors de ses observations, outre le manque d'accès à un hébergement digne, la CNCDH a aussi observé que « l’accès des personnes exilées aux services essentiels était insuffisant ou inadapté, en particulier en ce qui concerne l’effectivité des accès à l’eau, à la nourriture, à l’hygiène, à la santé et aux moyens de communication comme un portable ou un point d'électricité pour le recharger ».

« Sur place, le socle humanitaire est insuffisant et il y a des problèmes d'alimentation et d'accès aux douches », dit Geneviève Colas et les associations ont plusieurs fois relevé les obstacles auxquels elles avaient été confrontées pour venir en aide aux migrants. Au mois de mars et au mois d’avril 2020, des membres d'associations avaient ainsi été verbalisés pour non-respect du confinement et Amnesty International avait même parlé de harcèlement et d’intimidation.

Pour résorber cette situation difficile sur place, la CNCDH fait plusieurs recommandations, à commencer par le fait qu’aucune opération d’évacuation ne soit réalisée sans que des propositions de mise à l’abri et d’hébergement adaptées soient formulées avec une information suffisante. De plus, elle souhaite qu'une plateforme de suivi global du nombre de places disponibles au sein des hébergements soit mise en place et communiquée à toutes les associations effectuant des maraudes auprès des personnes dispersées, afin qu'elles puissent recommander plus facilement un abri.

« Il faut qu'il y ait une coordination entre l’état, les associations et la société civile, au niveau local, département et national », dit Geneviève Colas. En ce sens, l'avis de la CNCDH recommande également « l’implantation de petites unités de vie, le long du littoral, permettant aux personnes exilées de trouver un lieu sécurisé et un temps de répit propice à une réflexion sur leur projet migratoire ».

En attendant que l’état prenne en charge et résolve ces problématiques, la CNCDH considère, devant la situation actuelle, que « la détérioration des conditions dans lesquelles survivent les personnes exilées sur la zone frontalière ainsi que la violation récurrente de leurs droits fondamentaux sont inacceptables sur le territoire de la république et par ailleurs inutiles dès lors qu’elles n’affecteront pas la détermination de toutes les personnes exilées dans leur projet migratoire ».

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