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17 juillet 2022 7 17 /07 /juillet /2022 15:51

 

 

https://www.francetvinfo.fr/meteo/canicule/entre-canicule-septieme-vague-de-covid-19-et-manque-de-personnel-c-est-l-ete-de-tous-les-dangers-pour-les-soignants-de-l-hopital-public_5251900.html

 

Entre canicule, coronavirus et manque de personnel, c'est l'été de tous les dangers pour les soignants de l'hôpital public

Vendredi 15 Juillet 2022

Depuis le centre hospitalier de Carcassonne, dans le département de l’Aude, Nathalie Cantié, infirmière sur le plateau technique de cardiologie et de soins d'urgence, note depuis plusieurs semaines qu'une nouvelle patientèle consulte au sein de l'établissement. Ce sont des estivants arrivés dans la région pour leurs vacances et entraînant, selon cette élue du personnel de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), une augmentation de quinze pour cent des hospitalisations depuis le mois de juin 2022. La quinquagénaire, vingt ans d'exercice à l'hôpital de Carcassonne, évoque un patient de soixante-dix ans ayant fait un malaise dans sa piscine, en plein soleil à 17 heures. « La chaleur provoque des charges supplémentaires sur les urgences, avec des répercussions sur les services », explique-t-elle.

Le centre hospitalier de Carcassonne fait partie des cent vingt-sept établissements de santé français dont les services d'urgences sont en grande difficulté, selon une liste réalisée par le syndicat des Services d’Aide Médicale Urgente de France, que France Info a pu consulter. D'après cette liste, environ quatre-vingt-dix pour cent des hôpitaux en tension manquent de personnel médical, quand quarante-sept pour cent d’entre eux font face à un manque d'aides-soignants, d'infirmiers ou de personnel administratif, entre autres. Face à la nouvelle vague de chaleur qui s'abat dans toute la France, en parallèle de la septième vague de coronavirus, plusieurs soignants dans ces centres de soins en crise sont inquiets.

Au centre hospitalier général d'Oloron-Sainte-Marie, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, Angélique Lebrun, secrétaire de la Confédération Générale du Travail (CGT), assure effectuer son mi-temps syndical sur son temps de repos cet été. Du fait des besoins actuels, elle a retrouvé un temps plein en tant qu'aide-soignante en service de long séjour. « Dans cette unité, une infirmière a actuellement la charge de trente-sept lits et nous tournons avec des infirmières d'autres services », prévient la syndicaliste. Son service accueille des patients ne pouvant plus rester en Etablissement d’Hébergement des Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), des personnes en soins palliatifs et des patients souffrant de handicaps physiques ou mentaux. « Comment prendre soin des personnes âgées si nous n'avons pas les effectifs nécessaires », s’interroge l'aide-soignante.

Le directeur du centre hospitalier, Frédéric Lecenne, explique à France Info que la difficulté principale, pour l'hôpital, est celle du manque de médecins, « pour le mois d'août 2022, nous avons près de trente pour cent de plages de médecins pas encore couvertes. Dans le service de gériatrie, la moitié des lits seront fermés la semaine prochaine du fait du manque d'un médecin. Depuis trois semaines, nous avons baissé de vingt pour cent notre capacité totale de lits ».

« La priorité, c'est la ligne des structures mobiles d'urgence et de réanimation. Quand le médecin urgentiste sort, il reste l'équipe paramédicale et un anesthésiste, mais il n'y a plus de médecin au service des urgences à l'hôpital », dit Angélique Lebrun.

L'établissement fonctionne avec plus de soixante pour cent de médecins remplaçants et la situation aux urgences est particulièrement critique. « Nous devrions avoir onze médecins, ils sont deux actuellement », du fait, entre autres, d'arrêts de travail, dit Angélique Lebrun, « l'activité dans ce service, qui devait fermer au mois de mai 2022, a pu être maintenue grâce à la solidarité des médecins remplaçants qui ont pris des vacations. Depuis, les urgences d'Oloron-Sainte-Marie tournent beaucoup sur des modes dégradés. A titre d'exemple, il y avait un médecin dans la nuit du Lundi 11 Juillet au Mardi 12 Juillet 2022, mais il n’y avait aucun médecin dans la nuit du Jeudi 7 Juillet au Vendredi 8 Juillet 2022.

« Depuis 17 heures, le couloir des urgences est plein », disait, Lundi 11 Juillet 2022 en début de soirée, Agnès, aide-soignante aux urgences adultes de l’hôpital Pellegrin du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bordeaux. L'établissement, comme l'hôpital d'Oloron-Sainte-Marie, est l'un des cent vingt-sept centres de soins dont les urgences sont particulièrement en tension. « Il y a un médecin avec un interne. Avec les lits qui sont fermés dans les étages, nous ne pouvons pas déplacer les patients », dit l'aide-soignante de cinquante-et-un ans, militante de la CGT Force Ouvrière. Dans son corps de métier, l'absentéisme atteint dix-sept pour cent, « la fatigue se fait sentir, je ne sais pas comment nous allons tenir cet été. Je pense que nous allons perdre certains patients ».

« À minuit, les portes des urgences sont quasiment closes, à part les urgences vitales », poursuit Pascal Gaubert, secrétaire de la CGT Force Ouvrière au CHU de Bordeaux. Il ajoute que des médecins de ville sont venus prêter main forte dans le service de 17 heures à minuit, faute de personnel. Le syndicaliste craint l'évolution de la situation au cours des prochaines semaines, entre les congés des soignants, des personnels touchés par le coronavirus et la vague de forte chaleur qui s'amorce. « C'est l'été de tous les dangers », dit-il.

Aux urgences de Pellegrin à Bordeaux, soignants et patients subissent directement les températures élevées de l'extérieur. Le service n'a pas de dispositif de climatisation, il y a seulement des ventilateurs. « Imaginez, nous avoisinons les trente-quatre degrés », dit Agnès, « quand je sors du travail, je suis en nage. Lors de l'épisode de canicule du mois de juin 2022, il a fallu aller demander des ventilateurs et des humidificateurs pour rafraîchir les patients ». Mais avec ce nouvel épisode de fortes chaleurs, Agnès craint de voir des patients se déshydrater aux urgences, sans compter un éventuel afflux de personnes touchées par la canicule. « Je pense que nous allons à la catastrophe », dit-elle.

Angélique Lebrun, d'Oloron-Sainte-Marie, partage cette inquiétude, « nous sommes très vigilants et l'hydratation des patients, notamment âgés, est particulièrement suivie. Néanmoins, il fait très chaud à l'hôpital. Dans mon service, seule la salle où les patients âgés déjeunent dispose d'une climatisation, sinon, il s'agit juste de petites climatisations portatives ». Frédéric Lecenne, directeur de l'hôpital, confirme cette vigilance accrue pour hydrater davantage les patients les plus vulnérables, « le risque est de voir des personnes âgées déshydratées. Nous avons aussi fourni des ventilateurs supplémentaires dans beaucoup de services ».

« En vingt-deux ans d'activité en tant qu'aide-soignante, c'est la première fois que je ressens tant d'inquiétude pour l'été. Je crains qu'il y ait des morts », dit Angélique Lebrun.

En cas d'afflux de patients souffrant de la canicule, ces soignants déjà à flux tendu pourront-ils répondre à la demande de soins ? « La direction a commencé à anticiper. Du personnel va être rappelé et le personnel reviendra », dit Nathalie Cantié du centre hospitalier de Carcassonne. « Il faudra débloquer des heures supplémentaires, faire appel à des volontaires pour qu'ils reviennent et décaler des congés », dit Pascal Gaubert du CHU de Bordeaux. Au centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie, la direction fera appel, si besoin, aux agents volontaires pour revenir et aux heures supplémentaires.

La septième vague de coronavirus vient ajouter une complexité supplémentaire à la donne. Plusieurs soignants assurent que, à ce stade, la reprise de l'épidémie de coronavirus reste gérable à l'échelle de leurs services. Pascal Gaubert est toutefois convaincu que « si la vague devait frapper, nous serions dans une situation extrêmement difficile ».

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