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16 juillet 2022 6 16 /07 /juillet /2022 17:30

 

 

https://linsoumission.fr/2022/07/13/sri-lanka-revolution-citoyenne/

 

Sri Lanka, récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne

Au Sri Lanka, la famille de Gotabaya Rajapaksa s’est accaparée le pouvoir et a vidé les caisses de l’état. Il est impossible d’importer les produits nécessaires. L’inflation a atteint dix pour cent au mois de juin 2022. Les pénuries s’enchaînent. La vente de carburant est interdite, il y a des coupures d’électricités dix heures par jour et quatre-vingt pour cent de la population est contrainte de sauter au moins un repas par jour. C’est insupportable. A la fin du mois de mars 2022, un vent de dégagisme se lève. Un à un, les membres de la famille régnante sont contraints de démissionner. Samedi 9 Juillet 2022, le peuple conquiert les bureaux présidentiels et force le chef de l’état à fuir et à annoncer sa démission. Vous trouverez ci-dessous le récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne.

« Gotabaya Rajapaksa, go home », Samedi 9 Juillet 2022, ce cri de colère résonne pendant des heures devant les bureaux du président du Sri Lanka Gotabaya Rajapaksa. Les milliers de manifestants sont venus à pied ou en vélo, pénurie de carburant oblige. Ils réclament par ce slogan la démission du chef de l’état, tenu pour responsable de la faillite économique et sociale du pays. Le vent du dégagisme s’est levé sur le Sri Lanka. Ce même slogan surgit à chaque révolution citoyenne, « dégagez » et « qu’ils s’en aillent tous », des slogans qui, une fois de plus, unissent une population à bout contre une clique qui s’est accaparée tout le pouvoir, pour son unique profit personnel.

Au Sri Lanka, la concentration des pouvoirs atteint des sommets rarement atteints. En deux ans, un même nom de famille occupe tous les postes clés du gouvernement.

Pour commencer, lors de sa prise de fonction, le président s’est tranquillement octroyé le portefeuille de ministre de la défense, en contradiction totale avec la constitution qui empêche le chef de l’état d’occuper un poste ministériel. Plus c’est gros, plus cela passe.

Après cela, il n’y a plus de limite de décence. Gotabaya Rajapaksa fait appel à son frère, Mahinda Rajapaksa, déjà président du Sri Lanka de 2005 à 2015, avec un bilan pour le moins mitigé notamment en matière de droits humains et de graves soupçons de corruption. Avec un tel curriculum, il mérite bien de cumuler les postes de premier ministre, de ministre des finances, de ministre de l’urbanisme et de ministre des affaires bouddhistes.

Dans la foulée, le troisième frère, Chamal Rajapaksa, obtient rien de moins que les ministères de l’Irrigation, de la sécurité, de l’intérieur et de la gestion des catastrophes. Il ne faudrait pas faire de jaloux. La nouvelle génération n’est pas laissée sur le bord de la route, on a le sens du partage dans la famille.

Sashindra Rajapaksa, fils de Chamal Rajapaksa, reçoit un poste de secrétaire d’état à l’agriculture. Pour celui du premier ministre, ce sera le ministère de la jeunesse et des sports, à ce niveau, c’est presque artistique.

Si encore ils étaient des gestionnaires hors pair et s’ils avaient assuré la prospérité du Sri Lanka, mais la clique de Gotabaya Rajapaksa ajoute l’incompétence à l’indécence.

La première défaillance grossière, ce sont les droits humains. La répression sanglante des tamouls, dans la partie nord du Sri Lanka, organisé par le ministre de la défense, Gotabaya Rajapaksa, a fait au moins quarante mille morts civils, plus que le terrible tsunami du mois de décembre 2004, et des dizaines de milliers de disparus. Pour masquer cette violence proche du génocide, le président de l’époque, un certain Mahinda Rajapaksa, fait régner la terreur sur les journalistes étrangers qui tentent de couvrir le conflit. Résultat, les pays occidentaux cessent peu à peu leur aide financière à ce régime de moins en moins fréquentable.

Conséquence, pour financer leurs projets d’infrastructures pas toujours pertinent, à l’image du gigantesque port construit dans la ville natale de la famille à Hambantota, la clique doit contracter des emprunts faramineux. Qui dit dette massive, dit taux d’intérêt massif. La spirale s’enclenche. La deuxième défaillance, ce sont les finances du pays qui plongent dans le rouge.

La clique de Gotabaya Rajapaksa qui a mis la main sur le Sri Lanka est aussi accusée de corruption. La dernière défaillance, et ce n’est pas la plus faible, la corruption s’infiltre jusqu’au plus haut sommet de l’état. Les méga projets inutiles s’enchaînent avec des coûts pour le pays toujours plus élevés au fur et à mesure que des puissants se servent sans scrupule à chaque transaction. Basil Rajapaksa, ancien ministre des finances est surnommé monsieur dix pour cent, en référence aux commissions qu’il aurait perçues sur des contrats gouvernementaux.

A la fin du mois de mars 2022, le processus destituant commence au Sri Lanka. Le premier ministre est le premier à dégager, au bout d’un mois de révolte populaire. Président pendant dix ans, il concentre d’abord la colère de la population. Samedi 9 Juillet 2022, lorsque la foule déborde les forces de sécurité, l’unique accès de violence sera dirigé contre sa résidence personnelle. Le peuple force l’entrée et peut admirer le luxe faramineux dans lequel se vautrait la famille régnante. Dans le même temps, l’Organisation des Nations Unies (ONU) estime que quatre-vingt pour cent de la population saute un repas à cause de la pénurie alimentaire. C’est insupportable. Les manifestants incendient la résidence personnelle du premier ministre.

Un par un, les membres de la famille sont chassés du pouvoir. Un par un, le peuple réclame leur démission. Un par un, la force de la volonté populaire finit par triompher. Qu’importe les gaz lacrymogènes, les canaux à eau et tout l’arsenal répressif encore plus violent développé et affiné pendant la répression des forces de sécurité contre les tamouls. Au Sri Lanka, le peuple a décidé d’en finir avec cette caste qui lui pourrit la vie.

Samedi 9 Juillet 2022, après une journée d’insurrection déterminée, les bureaux du président sont envahis. Le chef de l’état s’enfuit sous la protection de l’armée et il annonce sa démission.

Le peuple du Sri Lanka reprend la maîtrise des affaires de l’état et de la piscine présidentielle. Loin des caricatures des foules hargneuses et sanguinaires, l’insurrection destituante ne donne pas lieu à des déchaînements de rage. Pourtant, la colère est bien là et, au vu de l’accaparement sauvage par la clique de Gotabaya Rajapaksa, elle semble bien légitime. Il n’y a pas de mort, il y a des dizaines de blessés suite à la répression policière, mais il n’y a pas de lynchage, ni de sauvagerie. Il y a juste la froide détermination de reprendre le contrôle sur ce qui est censé appartenir au peuple en démocratie, le pouvoir.

Le processus destituant est proche de s’achever au Sri Lanka. Le président honnis a démissionné, Mercredi 13 Juillet 2022. Les manifestants, qui ne lui accordent plus aucune confiance, ont décidé d’occuper ses bureaux pour le forcer à tenir parole. Le peuple va-t-il finalement réussir à dégager cette clique qui a mis à sac le pays ? La réponse viendra dans les prochains jours.

Après avoir dégagé la caste politique, il restera encore une étape cruciale, la première phase de l’exercice du pouvoir populaire, le processus constituant, ce moment où le peuple se refonde, se définit dans ses valeurs et dans ses objectifs communs et construit le cadre pour s’assurer de maintenir sa souveraineté pleine et complète sur ses représentants.

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