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5 décembre 2022 1 05 /12 /décembre /2022 19:06

 

 

https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/11/15/le-president-palestinien-abbas-soppose-a-la-rehabilitation-de-lolp-et-fait-le-jeu-disrael/

 

Le président palestinien Mahmoud Abbas s’oppose à la réhabilitation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et fait le jeu d’Israël

Par Amira Hass

Mahmoud Abbas a créé un nouveau conseil pour renforcer son emprise sur le système judiciaire et poursuit son héritage répressif tout en restant fidèle aux accords d’Oslo.

Deux mesures distinctes et apparemment sans rapport prises récemment par l’Autorité Palestinienne et son président, Mahmoud Abbas, sont révélatrices de la nature de plus en plus autoritaire et autocratique du régime dans les enclaves palestiniennes de Cisjordanie.

L’une de ces mesures concerne le système judiciaire palestinien, l’autre mesure concerne l’OLP et ces deux mesures montrent à quel point l’Autorité Palestinienne reste fidèle au rôle qui lui a été assigné par les accords d’Oslo, celui de maintenir un statu quo fluide et dynamique au détriment des palestiniens tout en servant les intérêts sécuritaires israéliens.

La première mesure a été le décret présidentiel signé par Mahmoud Abbas et publié Vendredi 28 Octobre 2022, annonçant la création d’un conseil suprême des organes et des agences judiciaires. Ce conseil, dont l’objectif déclaré est de discuter des projets de loi relatifs au système judiciaire, de résoudre les problèmes administratifs connexes et de superviser le système judiciaire, sera dirigé par le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, qui est également président de l’OLP et du Fatah.

Les autres membres sont les présidents et les chefs de la cour constitutionnelle, de la cour suprême, de la cour de cassation, de la haute cour pour les questions administratives, des tribunaux des forces de sécurité et du tribunal de la charia. Le ministre de la justice, le procureur général et le conseiller juridique du président feront également partie du conseil. Il est prévu qu’il se réunisse une fois par mois.

Des juristes palestiniens et des organisations de défense des droits humains ont annoncé leur opposition véhémente à ce nouveau conseil suprême, affirmant qu’il contredit le principe de séparation des pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs, et qu’il viole plusieurs sections de la loi fondamentale palestinienne et les conventions internationales dont l’Autorité Palestinienne est signataire.

Dans des interviews accordées aux médias, ces experts et ces organisations affirment qu’il s’agit de la dernière d’une série de décisions qui ont déplacé l’autorité législative vers le pouvoir exécutif et son président, tout en portant atteinte à l’indépendance du système judiciaire et en le subordonnant à Mahmoud Abbas et à ses collaborateurs.

Peu après la victoire du Hamas aux élections palestiniennes de 2006, Mahmoud Abbas et le Fatah ont empêché le conseil législatif palestinien de se réunir régulièrement et de faire son travail. Dans un premier temps, ils ont imputé cette situation à l’arrestation par Israël de nombreux députés du Hamas, ainsi qu’à l’absence du quorum nécessaire à la promulgation des lois.

Après la brève guerre civile qui a éclaté à Gaza au mois de juin 2007 entre le Hamas et le Fatah et avec la division de l’autonomie palestinienne entre les deux régions et les deux organisations, le parlement palestinien a officiellement cessé de fonctionner. Néanmoins, les représentants du Hamas à Gaza ont continué et continuent à se réunir en tant que conseil législatif et à adopter des lois qui ne s’appliquent qu’à Gaza.

En Cisjordanie, en revanche, la loi se fait par des décrets présidentiels. Au cours des quinze dernières années, Mahmoud Abbas a signé environ trois cent cinquante décrets présidentiels, bien plus que les quatre-vingt textes de loi qui ont été débattus et adoptés par le premier conseil législatif au cours de sa décennie d’existence de 1996 à 2006.

Mahmoud Abbas s’appuie sur une interprétation très large de l’article quarante-trois de la loi fondamentale palestinienne amendée de 2003, qui donne à un décret présidentiel le pouvoir de loi uniquement dans les cas de nécessité qui ne peuvent être retardés et quand le conseil législatif n’est pas en session.

Jusqu’en 2018, certains parlementaires de Cisjordanie ont continué à se réunir officieusement et ils ont tenté de participer aux discussions sur les projets de loi débattus par le gouvernement et de représenter le public auprès des autorités. Mais en 2018, sur instruction de Mahmoud Abbas, la cour constitutionnelle a jugé que le conseil législatif devait être dissous, alors que la loi fondamentale stipule que son mandat ne prend fin que lorsqu’une nouvelle élection est organisée.

Selon la loi fondamentale, en cas de mort du président de l’Autorité Palestinienne, celui-ci est remplacé par le président du parlement. Ce poste était occupé par le représentant du Hamas d’Hébron, Aziz Dweik. L’opinion générale était que, en dissolvant le parlement, Mahmoud Abbas et ses alliés cherchaient à contrecarrer de manière préventive un tel scénario. Bien que la cour constitutionnelle ait ordonné à l’époque la tenue d’une nouvelle élection dans les six mois, Mahmoud Abbas et les siens ont réussi à la reporter sine die.

Entre-temps, au cours de cette période, Mahmoud Abbas a également accru son implication dans le processus de nomination des juges, cherchant à garantir la loyauté des juges envers lui et le Fatah. En outre, le pouvoir exécutif qu’il contrôle ne respecte souvent pas les décisions indépendantes des juges, comme par exemple les ordres de libérer les prisonniers sans procès ou bien les ordres de reprendre le paiement des salaires et des diverses allocations aux rivaux politiques de Mahmoud Abbas.

Le ministre palestinien de la justice, Mohammed al-Shalaldeh, a promis que le nouveau conseil suprême du système judiciaire n’était pas destiné à porter atteinte à l’indépendance du système, mais l’expérience de l’Egypte, qui a manifestement servi d’inspiration aux auteurs du décret présidentiel palestinien, indique que c’est le contraire qui est vrai.

Un conseil suprême qui supervise le système judiciaire égyptien a été créé par le président Gamal Abdel Nasser en 1969. Au cours de la première décennie de ce siècle, grâce aux efforts des organisations de défense des droits humains et des juristes, son pouvoir a été réduit, mais l’actuel président égyptien Abdel-Fattah al-Sissi lui a accordé une autorité encore plus importante.

Lors d’une conversation avec Haaretz, des avocats non gouvernementaux ont émis l’hypothèse que l’une des raisons de la création du nouveau conseil palestinien est de contrecarrer une éventuelle opposition juridique de la cour constitutionnelle à la nomination d’Hussein al-Sheikh comme successeur de Mahmoud Abbas. Hussein al Sheikh, fils d’une famille de réfugiés qui a acquis une certaine aisance au fil des ans en tant que propriétaire de diverses entreprises et sociétés à Ramallah, est l’un des responsables du Fatah les plus proches de Mahmoud Abbas et d’Israël.

Pendant près de quinze ans, il a été responsable du ministère palestinien des affaires civiles, qui est subordonné à la politique de l’unité de coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) du ministère israélien de la défense, dont il assure la coordination avec les responsables israéliens. Au mois de mai 2022, Mahmoud Abbas l’a nommé secrétaire général du comité exécutif de l’OLP à la place de feu Saeb Erekat. Dans le cadre de cette fonction, il dirige également le département des négociations de l’OLP. De nombreux palestiniens supposent que sa nomination en tant que prochain président de l’Autorité Palestinienne plairait beaucoup à Israël.

La deuxième mesure prise récemment par l’Autorité Palestinienne a été d’empêcher la tenue à Ramallah de la conférence populaire palestinienne des quatorze millions de palestiniens dans le monde. L’idée derrière cette convention était de réhabiliter l’OLP, tout d’abord en organisant une élection au cours de laquelle les palestiniens de toute la diaspora et de tout le territoire situé entre le Jourdain et la mer Méditerranée pourraient voter pour le conseil national palestinien, le parlement de l’OLP. Le congrès devait se tenir le 5 novembre 2022 au Cultural Hall de Ramallah, en Jordanie et dans un certain nombre de villes d’Europe et d’Amérique du Sud.

Selon les organisateurs, l’OLP, l’organe censé représenter les palestiniens dans le monde entier et d’être la source de leur autorité politique et de leur idéologie, a été essentiellement avalée par l’Autorité Palestinienne, la présidence de Mahmoud Abbas et le mouvement Fatah. Son financement dépend de l’Autorité Palestinienne, ses institutions ont été vidées de leur substance et Mahmoud Abbas contrôle les dates de ses rassemblements et la nomination de ses représentants.

Les organisateurs de cette convention sont opposés aux Accords d’Oslo, qui sont une deuxième Nakba, disent certains d’entre eux, et ils sont d’avis que seule une OLP reconstruite et démocratique, qui ne fonctionne pas comme un sous-traitant d’Israël, peut et doit développer une stratégie pour combattre l’apartheid et le colonialisme israélien et servir ainsi de source d’espoir pour le peuple. Les organisateurs sont actuellement ou ont été associés aux différents groupes palestiniens qui composent l’OLP, du Fatah aux organisations de gauche, tandis que certains sont indépendants.

Mais au début de la semaine dernière, les organisateurs de la convention ont eu la surprise d’être informés par la municipalité de Ramallah que les agences palestiniennes de sécurité avaient interdit la tenue de la convention. Ils ont également interdit à la municipalité d’al Bireh d’allouer une salle aux organisateurs pour la tenue d’une conférence de presse.

Malgré ces obstacles, les organisateurs ont décidé que la convention se déroulerait comme prévu par Zoom et Facebook et que les représentants à Ramallah s’exprimeraient depuis les bureaux de la coalition populaire palestinienne, une organisation relativement nouvelle composée essentiellement de militants politiques de longue date. Dans la matinée du Samedi 5 Novembre 2022, les forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne, dont certaines en tenue civile, se sont déployées en grand nombre à côté du bâtiment où se trouvent les bureaux de la coalition, elles ont déconseillé aux organisateurs et aux participants de la conférence d’entrer dans le bâtiment des bureaux de la coalition et elles ont arrêté le militant vétéran Omar Assaf, qu’elles ont détenu pendant plusieurs heures.

Néanmoins, plusieurs orateurs ont pu prononcer leur discours par Facebook et ils ont choisi de mettre l’accent sur différents points, une critique sévère de l’Autorité Palestinienne et de la coordination de la sécurité avec Israël, un appel à l’action sur la base de la charte nationale palestinienne de 1968, dont certaines parties ont été annulées dans les années 1990 à la suite de pressions israéliennes et américaines, et la demande de réalisation du droit au retour.

Toutes ces revendications ont en commun d’insister sur l’importance d’élections générales démocratiques pour créer une direction élue et représentative de l’ensemble du peuple palestinien, dans la Palestine historique, de part et d’autre de la Ligne Verte et dans toute la diaspora. 

L’idée d’organiser une élection directe pour un parlement palestinien dans le cadre de l’OLP a été suggérée depuis plus d’une décennie par des militants palestiniens dans diverses organisations à travers le monde et les organisateurs de la conférence ont souligné qu’ils intégraient plusieurs propositions similaires, que l’OLP de Mahmoud Abbas a constamment ignorées.

Pour montrer une fois de plus à quel point Mahmoud Abbas est opposé à l’initiative visant à faire revivre l’OLP, les forces palestiniennes de sécurité ont fait une descente dans les bureaux de Ramallah du Bisan Center for Research and Development (BCRD), une des Organisations Non Gouvernementales (ONG) qu’Israël considère comme une organisation terroriste, et elles ont interrompu la conférence de presse que tenaient les organisateurs de la conférence.

À ce stade, le rétablissement de l’OLP comme source d’autorité et de prise de décision semble loin d’être réalisable. Nous ne savons pas non plus le soutien que l’initiative susciterait chez les jeunes qui n’ont jamais connu l’OLP comme l’organisation qui était autrefois perçue par les réfugiés palestiniens comme un foyer politique et national et une source de fierté. Il est également encore trop tôt pour savoir si et comment le Hamas et le Jihad Islamique seront inclus dans le processus.

Cependant, les jeunes pourraient bien être enthousiasmés par la perspective de tenir des élections générales pour une organisation palestinienne qui transcende les frontières de Gaza et de la Cisjordanie. Les organisateurs affirment ouvertement que la direction actuelle, non élue et non démocratique, n’est pas un organe représentatif adéquat et qu’elle est incapable de s’opposer à la politique israélienne.

Les mesures prises pour étouffer la conférence témoignent de la peur qu’éprouvent les leaders impopulaires à l’idée de parler d’élections, sans parler de leur tenue, et soulignent leur crainte de l’argument selon lequel les Accords d’Oslo n’ont fait qu’aggraver la situation des palestiniens. Leurs actions montrent également leur ténacité à maintenir les avantages matériels et le statut qu’ils ont acquis pour eux-mêmes et pour leurs amis.

L’initiative visant à reconstruire l’OLP aspire à surmonter la scission de la géographie, de la société et de la politique palestinienne. Cette scission est également l’une des réussites politiques les plus flagrantes de la politique israélienne au cours des trente dernières années. Les actions répressives de l’Autorité Palestinienne contribuent directement à préserver cette réussite israélienne.

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