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21 juillet 2023 5 21 /07 /juillet /2023 18:02

 

 

https://www.greenleft.org.au/content/russian-anti-war-sentiment-grows-will-ukraine-be-putins-vietnam

 

Alors que le sentiment contre la guerre grandit en Russie, l'Ukraine sera-t-elle le Vietnam de Vladimir Poutine ?

Par Dick Nichols

Jeudi 9 juin 2022

Les soldats des minorités ethniques de la Fédération de Russie, comme les bouriates, sont en tête du bilan du nombre de soldats russes morts en Ukraine.

Leonid Vasyukevich, député du Parti Communiste de la Fédération de Russie (KPRF) dans le territoire extrême-oriental de Primorye, a lu une déclaration au parlement régional le 27 mai 2022 qui demandait le retrait immédiat des forces russes d'Ukraine.

Le 31 mai 2022, Eugène Lyashenko, deuxième secrétaire régional du KPRF, a annoncé que Léonid Vasyukevich et son collègue député Guennady Shulga avaient été exclus du caucus du KPRF pour des actions qui discréditent le parti.

Deux autres députés du KPRF ont été accusés d’avoir soutenu Léonid Vasyukevich et Guennady Shulga. Bien que Léonid Vasyukevich ait déclaré qu’ils étaient cosignataires de la déclaration contre la guerre, ils l'ont nié par la suite.

Selon People’s World, la déclaration disait que « si notre pays n’arrête pas l’opération militaire, il y aura plus d’orphelins dans le pays. Pendant l'opération militaire, des jeunes hommes meurent ou deviennent handicapés, alors qu'ils pourraient être très utiles pour notre pays ».

La réaction à la déclaration a été instantanée, de la part du parti au pouvoir Russie Unie du président russe Vladimir Poutine et de la part du KPRF. Tout en s'opposant généralement à la politique intérieure de Vladimir Poutine, le KPRF a apporté un soutien inconditionnel à l'invasion de l'Ukraine et à sa logique de dénazification.

Dès que Léonid Vasyukevich eut fini de parler, le gouverneur de Russie Unie de Primorye, Oleg Kozhemyako, présent à la session, ordonna que Léonid Vasyukevich et Guennady Shulga soient exclus du parlement régional.

Oleg Kozhemyako a qualifié Léonid Vasyukevich de traître qui a diffamé l'armée russe dans la lutte contre le nazisme, tandis que le premier secrétaire régional du KPRF, Anatoly Dolgachev, a accusé les députés dissidents de discréditer l'honneur du KPRF.

Cette flambée de dissidence dans l'Extrême-Orient de la Fédération de Russie s'est accompagnée, la même semaine, du rejet de la guerre par un député régional de l'autre côté de l'échiquier politique, militant du parti libéral démocrate de Russie (LDPR).

Eres Kara-Sal est un député du LDPR au parlement régional de trente-deux sièges de la République de Touva, dans le sud de la Sibérie, à la frontière avec la Mongolie. Le LDPR soutient l'invasion de l'Ukraine, mais Eres Kara-Sal a publié un appel vidéo à Vladimir Poutine pour qu'il arrête la guerre.

Il a expliqué ses raisons au magazine internet Siberia Realities, « six millions cinq cent mille réfugiés sont une catastrophe. Des ukrainiens sont chassés de chez eux et des ukrainiens et des enfants meurent, pour rien, à cause des ambitions d'un et de peut-être quelques politiciens. En même temps, les soldats de Touva, qui ne comprennent pas pourquoi tout cela se passe, meurent. Ils sont simplement influencés par la propagande ».

Sur les motivations de Vladimir Poutine pour envahir l'Ukraine, il a dit que « d’une part, c'est une façon de détourner l'attention du pays de ses problèmes économiques. D'un autre côté, je pense que ceux qui l'ont organisé ont une volonté de rester dans l'histoire. Les vies humaines ne sont rien pour eux, ils sont prêts à en payer le prix. C'est du fascisme ». Eres Kara-Sal, recherché par la police, est entré dans la clandestinité.

Ces expressions de dissidence surviennent après une accalmie de trois mois dans les déclarations des élus contre la guerre.

La dernière est survenue au début du mois de mars 2022, lorsque Mikhail Matveyev, Oleg Smolin et Viatcheslav Markhaev, députés du KPRF au parlement fédéral russe, ont été les seuls députés à s'opposer à l’Opération Militaire Spéciale (OMS) de Vladimir Poutine en Ukraine.

Mikhail Matveyev avait voté le 21 février 2022 pour la reconnaissance de la République Populaire de Lougansk (RPL) et pour la reconnaissance de la République Populaire de Donetsk (RPD), pensant que ce ne serait pas un prélude à une invasion, « j’ai voté pour que la Russie devienne un bouclier et je n’ai pas voté pour que Kiev soit bombardé ».

Oleg Smolin s'était carrément opposé à la reconnaissance, « je ne pouvais pas voter pour la reconnaissance de la RPL et de la RPD sans me trahir ».

Viatcheslav Markhaev, qui avait voté pour la reconnaissance, a déclaré que le parlement fédéral russe avait été dupé, « à mon grand regret, toute la campagne de reconnaissance de la RPD et de la RPL avait une idée et un plan complètement différent, qui était initialement caché, et nous sommes dans un état d'affrontement à grande échelle et de guerre entre la Russie et l’Ukraine ».

Auparavant, le jour de l'invasion, le 24 février 2022, une autre figure de premier plan du KPRF, Eugène Stupin, conseiller municipal de Moscou, avait organisé une table ronde contre la guerre avec des organisations de gauche appelant les citoyens russes démocrates à faire pression contre Vladimir Poutine contre la guerre.

Un courant organisé contre la guerre a fait son apparition à l’intérieur du KPRF le 12 mars 2022 qui faisait signer une déclaration contre la guerre qui obtenait cinq cent douze signatures avant de disparaître.

Qu'est-ce qui explique la dernière flambée de rejet de la guerre de Vladimir Poutine par les élus des partis qui le soutiennent encore ?

Un indice peut être trouvé dans le fait que Viatcheslav Markhaev représente une circonscription à forte population bouriate. Eres Kara-Sal a également déclaré que sa position avait été inspirée par la réaction contre la guerre de nombreux bouriates.

Un article du 20 mai 2022 du site internet Russie Libre, dont le titre est « comment la guerre en Ukraine a catalysé un réveil de l'identité nationale parmi les peuples autochtones de Russie », a révélé que les soldats des minorités nationales de la Fédération de Russie sont en tête du bilan du nombre de soldats russes morts en Ukraine, « les trois premières régions en nombre de soldats tués pour cent mille habitants sont la Bouriatie, la République de Touva et l'Ossétie du Nord. Les habitants de Moscou et de Saint-Pétersbourg, qui représentent ensemble plus de douze pour cent de la population du pays, sont pratiquement absents des rapports sur les victimes ».

Pourtant, alors que les minorités nationales ont fait à Vladimir Poutine un nombre disproportionné de victimes, son gouvernement poursuit sa politique de marginalisation de leurs langues et de leurs cultures.

Par exemple, pour que les enfants bachkirs étudient leur langue à l'école, leurs parents doivent rédiger une demande. S’il y a moins de huit candidatures dans la classe, la langue n'est pas enseignée. Le russe est cependant obligatoire.

La guerre a déjà donné naissance à plusieurs plateformes minoritaires nationales contre la guerre, qui se sont réunies pour produire une vidéo dont le titre est « les peuples de Russie sont contre la guerre contre l'Ukraine », dans laquelle Eres Kara-Sal fait une apparition au nom du peuple de Touva.

Dans le mouvement russe contre la guerre, la résistance féministe contre la guerre (FAS), sa principale composante, renforce les liens avec les minorités nationales. Il y a par exemple un appel aux représentants des peuples non russes de Russie.

La correspondance sur la chaîne Telegram de FAS de victimes non russes de discrimination et de préjugés fournit des exemples frappants du traitement qu'elles subissent de la part du chauvinisme grand-russe. Par exemple, un présentateur de télévision n'a eu aucun problème à théoriser que la cause des problèmes militaires de la Russie est que « ce n'est pas la meilleure partie de la population russe qui combat en Ukraine, ce sont les pauvres et les bouriates ».

L'opposition active à la guerre, bien qu'encore illégale et le travail d'une petite minorité, se développe. Malgré l'atmosphère d'hyper-patriotisme obligatoire qui prévaut, les centres de recrutement de l'armée brûlent mystérieusement et les russes qui ont quelque chose à perdre parviennent à s'exprimer.

La chanteuse tadjike Manija a représenté la Russie au concours eurovision de la chanson en 2022. Opposante à la guerre, elle a été retirée sans aucune explication du festival Stereoleto quelques jours avant sa représentation.

Néanmoins, le moment où la guerre en Ukraine deviendra le Vietnam de Vladimir Poutine semble encore loin, malgré une baisse du soutien à la guerre enregistrée dans le sondage du centre indépendant Levada du mois d’avril 2022.

Il montrait que le pourcentage de ceux qui s'opposaient totalement aux actions de l'armée russe était passé de six pour cent à onze pour cent depuis son enquête du mois de mars 2022, tandis que ceux qui soutenaient totalement l’OMS étaient passés de cinquante-trois pour cent à quarante-cinq pour cent, ceux qui soutenaient partiellement étaient passés de vingt-neuf pour cent à vingt-huit pour cent et qu'il y avait huit pour cent d'opposition partielle.

Pourtant, cette petite baisse de popularité du gouvernement de Vladimir Poutine a eu lieu avant que l'impact des sanctions économiques ne se fasse pleinement sentir et il s'accompagne déjà d'une énorme augmentation de la répression et de la censure.

Alors que les horribles coûts humains et économiques d'une guerre sans objectif crédible augmentent, les millions de russes qui soutiennent Vladimir Poutine ne savent pas quand la dénazification sera atteinte et ils doivent ressentir de plus en plus la force de la question d’Eres Kara Sal, « pour quoi faire ».

Telle est la prédiction du respecté marxiste russe Boris Kagarlitsky, « l’aide financière et militaire des États-Unis à l'Ukraine signifie que la question de savoir qui va maintenant gagner la guerre peut être considérée comme résolue et le gouvernement de Vladimir Poutine n'a pas d'objectif ou d'idéologie pour lesquels il serait possible de convaincre ses citoyens à se battre ».

C'est pourquoi il n'est pas exagéré de parler de l'Ukraine comme du Vietnam de Vladimir Poutine.

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