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21 avril 2009 2 21 /04 /avril /2009 18:30


Contribution adressée à Raymond Debord, par Robert Duguet (Club Socialisme Maintenant)
   
PCF, PG, NPA … ou le bal des faux-culs !

http://www.socialisme-maintenant.org/

Sollicité par un lecteur de la revue « Militant » qui l’invite à donner sont point de vue sur le Parti de Gauche, le NPA et les positionnements réciproques de ces partis au regard des élections européennes du 7 juin 2009, Raymond Debord dans sa réponse ouvre une discussion intéressante. Il précise toutefois : « Je ne suis pas au Parti de Gauche (PG) et je n’ai pas l’intention de devenir son avocat. »

Pour ma part, j’ai exercé quelques responsabilités politiques, au sein de la majorité mitterrandiste du PS dans les années 1978-1984, puis au sein du courant gauche qui se dégageait dans la fédération socialiste de l’Essonne.

Menant la bataille pour le non au TCE, j’ai appartenu récemment au réseau de Marc Dolez, Forces Militantes, ainsi qu’à PRS. Dès le 29 novembre 2008, date de présentation publique du Parti de Gauche, j’ai adhéré je dois dire avec enthousiasme à cette nouvelle formation, comme beaucoup de militants de la gauche de la gauche. Vivant les problèmes de l’intérieur et connaissant quelque peu l’histoire des gauches du mouvement socialiste, j’aimerais apporter quelques réflexion, à la fois à Raymond Debord et aux réponses diverses que son article a suscité.

Raymond écrit : « Si le PG s’est tourné en premier lieu vers le PCF c’est parce que son projet stratégique – réaffirmé à maintes reprises – est la constitution d’un « Die Linke » à la française, c’est à dire d’un nouveau parti dont l’armature serait constituée par la jonction du parti communiste et d’une fraction « gauche » de la social-démocratie. »

Lorsque le Linke allemand s’est formé, je me souviens d’avoir écrit des articles dans une revue électronique qui s’appelait à l’époque RAG (Rassembler à Gauche). J’y expliquais que ce nouveau parti naissait d’un accord qu’il faut bien qualifier de bureaucratique entre un courant gauche de la social-démocratie allemande qui avait directement exercé le pouvoir autour d’Oskar Lafontaine et les ex-gestionnaires de l’Etat stalinien d’Allemagne de l’Est. J’exprimais une réserve à cet égard en disant que cette naissance, même si elle rencontrait un écho sur le plan de l’électorat ouvrier, n’était pas à la mesure de la profondeur de la crise de la social-démocratie allemande, cœur de la deuxième internationale et du réformisme ouvrier. C’était un article adressé aux militants de la gauche du Parti Socialiste, en particulier à mes amis de Forces Militantes et de PRS. C’était une mise en garde sur l’avenir en France : une construction politique nouvelle, réformiste de gauche, oui mais pas sans la démocratie…

Concernant la nature du Parti de Gauche, c’est une évidence de dire, comme le souligne Raymond, qu’il s’agit d’une organisation réformiste ; notre propos n’est donc pas de polémiquer à l’encontre de cette réalité, ou d’essayer de transformer ce parti en autre chose qu’il n’est. Y aurait-il une différence de nature entre le Parti de Gauche et le NPA ? Formellement l’un rejette toute alliance avec le PS et cherche à regrouper la gauche radicale, anticapitaliste, l’autre veut s’appuyer sur une radicalisation à gauche et peser sur le PS pour constituer une nouvelle majorité de la gauche tout entière. Cela ce sont les intentions déclarées. Je ne vois pas une différence de nature entre les deux organisations, elles s’adressent à des clientèles différentes, le PG est plutôt ancré dans un tissu électif local qui a rompu avec les dérives du PS, l’autre s’adresse à une fraction de la jeunesse et du salariat radicalisé. A la tribune des meetings, Besançenot tient un langage disons très à g auche, un tantinet populiste ou guévariste, en se gardant bien dans la situation actuelle de poser la question de la responsabilité des appareils syndicaux dans la lutte pour approfondir la crise du régime bonapartiste dégénéré de Sarkozy. Quant à la LCR canal historique qui dirige le NPA, elle co-gère avec les organisations du vieux mouvement ouvrier un certain nombre de relais syndicaux, notamment l’appareil de la FSU ; Je suis d’accord avec ce qu’écrit le camarade Gastaud qui a répondu à Raymond : « …concernant les états-majors syndicaux, de plus en plus vomis par les militants syndicaux combatifs, je prétends que Besancenot MENAGE ses dirigeants et notamment que ses amis "opposants" de la FSU ont plus d'une fois sauvé la mise d'Aschiéri mis en minorité. »

Concernant les journées d’action du 29 janvier et du 19 mars, à aucun moment la direction du NPA n’a posé la question du « dialogue social », c'est-à-dire de la politique sociale globale imposée par le président Sarkozy et acceptée comme telle par les Etats majors syndicaux. Sur le parti d’Olivier Besançenot pour moi ma religion est faite, sur les tribunes un peu d’agitation, dans les faits on co-gère, c'est-à-dire on fait du réformisme.

J’étais dans le réseau Forces Militantes et dans PRS dans l’année qui a précédé la rupture de Mélenchon-Dolez avec la Parti Socialiste : mon sentiment après quelques mois est le suivant. Une scission massive était non seulement possible mais nécessaire après la victoire du non contre le TCE en 2005. Il y avait dans la société française et dans les profondeurs du salariat une attente et une incubation qui avait été préparée par le travail des collectifs, comités divers qui avaient mobilisé pour la victoire du non.

L’émergence d’un mouvement politique dans la gauche du mouvement socialiste aurait permis la construction d’un parti de type nouveau. Au congrès du Mans les Fabius Emmanuelli Mélenchon ont cassé cette possibilité historique pour une raison de fond qui tient à leur propre identité et itinéraire politique : ils ne voulaient pas aller à la rencontre d’un mouvement profond anticapitaliste au sein de la société et du salariat; une construction alternative au PS, dans ces conditions, aurait pris un caractère forcément démocratique dans l’afflux de couches nouvelles sur la scène politique et anticapitaliste dans son contenu. Ce n’est qu’au congrès de Reims que la scission s’est fait de manière parfaitement bureaucratique, à froid c'est-à-dire sans s’appuyer sur le mouvement social, en donnant l’illusion jusqu’au bout que le courant Trait d’Union, projection de PRS au sein du PS, joue le jeu du rassemblement des gauches avec Hamon. Je dois avouer avoir manqué de discernement politique dans cette affaire et avoir centré mon effort sur la sortie des Dolez-Mélenchon au lieu de militer pour poser la question, un processus constituant de parti comment et pour quoi faire.

J’en viens maintenant à l’argument central de Raymond Debord dans sa contribution : « Alors oui, le PG est un parti réformiste, ou tout au moins un parti parlementariste. C’est clair et il ne véhicule lui même aucune ambiguïté sur ce point. C’est pour cette raison aussi qu’une organisation autonome des révolutionnaires (y compris au sein du PG) est nécessaire. Est-ce à dire qu’il ne faille pas le prendre en compte ni s’y intéresser ? Ce parti sera-t-il quand même utile au rassemblement de l’avant-garde ouvrière en donnant une perspective « partidaire » aux déçus du PS sans les isoler de la majorité du « peuple de gauche » ? C’est possible. Et, même si on peut demeurer sceptique quant au pronostic, on ne peut pas souhaiter son échec. »

N’étant pas membre de ce parti, je comprends que, comme militant révolutionnaire, Raymond tienne ce propos… C’est pour un révolutionnaire une qualité que de chercher la confrontation positive avec des militants qui n’ont pas sa propre culture politique. La réalité du PG ne permet pas hélas de faire ce travail.

L’accord exclusif passé entre le PG et la direction Marie Georges Buffet, baptisé Front de Gauche, timidement élargi au courant de Christian Picquet (une trentaine de camarades venant de l’aile droite du NPA) a un contenu. Quel est-il ? Il faut réfléchir à cette question.

On peut sans doute regretter qu’un large front de gauche, sans préalable programmatique, ne se constitue pas, pour infliger une défaite historique à la fois au régime haï de Sarkosy et au social-libéralisme. La journée du 19 mars, appelée par tous les appareils syndicaux (Raymond Debord a oublié la CFTC…) sur la ligne du « dialogue social », s’est réalisée en fait sur une mobilisation éminemment politique contre le régime de Sarkozy ayant peu de choses à voir avec la plate-forme intersyndical, et dont le mot d’ordre « casse toi, pov’con ! » ne rend que très partiellement compte. Aujourd’hui je ne suis pas sûr que les salariés soient sensibles à la nécessité de se saisir du cadre des élections européennes pour s’opposer, même par la voie électorale, à Sarkozy. Les masses cherchent aujourd’hui une voie pour l’action indépendante et pour se débarrasser de ce régime.

Où Marie Georges Buffet (ex-ministre des sports) et Jean Luc Mélenchon (ex-ministre de l’enseignement professionnel du gouvernement Jospin) veulent-ils nous conduire ? Un gouvernement de la gauche plurielle-bis, éventuellement élargi au NPA ? Où le Parti de Gauche a-t-il tiré le bilan d’un gouvernement de cohabitation avec Chirac, qui a privatisé plus que la droite, qui a mis par exemple toute la profession enseignante et la jeunesse lycéenne dans la rue ? Face à la crise actuelle peut-on se féliciter d’un programme économique, qui n’a d’ailleurs pas été discuté par les sections constituées du nouveau parti de gauche, fondé sur le concept fumeux d’alter développement et où il n’est question nulle part de socialisme. Qui disait à l’opinion : « mon programme n’est pas socialiste ! » Jospin, je crois ! La salariat a lourdement sanctionné par les urnes cette orientation en donnant 10% de l’électorat au «trotskysme». Par ailleurs pour qu’il soit possible d’intervenir dans une organisation réformiste pour des révolutionnaires, la condition indispensable est que la démocratie interne soit possible et garantie.

Pour discuter la validité d’un programme, il faut un parti totalement ouvert sur le mouvement social, et qui permette en son sein la libre confrontation des points de vue : par exemple la question du « partage des richesse » et du néo-keynésianisme. Un néo-réformisme est-il possible et réalisable pour sortir de la crise ? Ou faut-il aller vers des mesures anticapitalistes, qui portent atteinte à l’appropriation privée des grands moyens de production et d’échange ? Ne faut-il pas produire selon une démarche décidée par les producteurs associés pour satisfaire les besoins sociaux des hommes ?

Après quatre mois d’expérience, je considère que la condition qui assure la libre confrontation des idées n’y est pas présente. Un parti, c’est d’abord un espace qui permet la compréhension des événements et donc des tâches qui en découlent. Le parti de gauche est un parti autoproclamé, une scission préparée avec les méthodes de l’OCI de la bonne époque, et qui connaîtra le sort de toutes les formations construites sur ce modèle. De ce point de vue, Mélenchon vient de faire mieux que … Pierre Lambert. Je ne dirai pas comme le camarade Baumgarten répondant à Debord que « Mélenchon a eu tort (de ne pas se rapprocher du NPA) : j’espère qu’il le comprendra suffisamment tôt. » Mélenchon a fait le choix d’un passé qu’il assume de concert avec Marie Georges Buffet, celui de la continuité de la politique de la gauche plurielle. Son attitude à l’égard du NPA se modifiera, oui, s’il parvient à entraîner le NPA tout entier comme caution gauche d’une alternative plurielle de ce type…

Pour conclure, je ne chercherai pas à établir comme Raymond, l’échec de l’alliance aux européennes sur le seul NPA. Ce qui reviendrait à dédouaner les deux autres compères, qui seraient aux yeux de Raymond les représentants d’organisations plus sérieuses dans le mouvement ouvrier…

Le PCF et la direction Buffet, est pour des raisons de survie d’un appareil, totalement dépendant matériellement depuis longtemps du… PS ; on peut s’interroger sérieusement sur ce que fera ce parti dans la cadre d’une gauche plurielle bis, où le PS pèsera comme la force électorale principale ?

Dans ce bal des faux-culs pour les européennes organisé par le PCF, le PG et le NPA, dont les salariés et les militants du non sont globalement absents, ils ont tous leur responsabilité. Ce qui a permis l’unité du LKP dans la grève générale de Guadeloupe, c’est une intervention indépendante des masses, bien sûr sur des revendications précises, mais au-delà contre « la profitation », c'est-à-dire contre le capitalisme. En dehors d’une intervention de ce type qui permette de faire bouger les lignes, je ne vois pas d’autres possibilités actuelles d’avancer vers l’ébauche d’une alternative anticapitaliste. C'est à ce travail d'inventaire et de reconstruction d'une pensée de l'émancipation sociale que nous devons nous consacrer.





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