Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 18:12

 

LA TURQUIE ET LA REVOLUTION ARABE

 

Pendant deux ans, la Turquie était le modèle de la révolution arabe.

Quel était le sens de cette expression ? Elle tenait dans la caractéristique essentielle d’une part de la révolution arabe  et d’autre part de l’alternance politique en Turquie depuis plusieurs dizaines d’années.

La révolution arabe est une révolution démocratique bourgeoise, il n’y a pas le début de commencement ni de parti révolutionnaire socialiste ni de révolution socialiste dans aucun pays arabe. La signification fondamentale de la révolution arabe, c’est l’invention de la démocratie musulmane, exactement comme le Vatican inventait la démocratie chrétienne en 1891 par l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII après des siècles pendant lesquels il soutenait en Europe occidentale toutes les monarchies médiévales de droit divin.

Dans une république capitaliste idéale, il y a une alternance gouvernementale entre un parti capitaliste de droite et un parti capitaliste de gauche et la Turquie depuis des dizaines d’années est le seul exemple de bipartisme capitaliste dans un pays ou la religion majoritaire est la religion musulmane.

En juin 2013, les associations de la société civile du parc Gezi de la place Taksim d’Istambul organisaient et participaient à une importante mobilisation contre le projet de rénovation urbaine du parc Gezi. Les médias internationaux présentaient cette mobilisation comme une contestation politique générale de l’actuel régime du parti pour la justice et le développement (AKP en turc) d’Erdogan.

La police turque intervenait violemment contre l’occupation du parc Gezi d’Istambul par les indignés turcs, exactement comme la Guardia Civil espagnole intervenait violemment contre l’occupation de la Puerta del Sol à Madrid par les indignés espagnols, la police grecque contre l’occupation de la place Syntagma à Athènes, la police française contre l’occupation de la place de la Bastille à Paris et la police de New York contre l’occupation de Zucotti Park.

Erdogan recevait une délégation des associations de la société civile turque, un tribunal d’Istambul décidait l’annulation du projet de rénovation du parc Gezi, les indignés turcs considéraient la décision du tribunal comme une victoire de leur mouvement et un des principaux acteurs d’Occupy Gezi était l’organisation des musulmans anticapitalistes, mais toutes ces caractéristiques du juin 2013 turc n’entraient pas du tout dans la grille de lecture des médias occidentaux et ils les ignoraient superbement.

Plus fondamentalement, il y a donc depuis des dizaines d’années des élections municipales en Turquie. La majorité des citoyens des quartiers de Besiktas et de Kadikoy à Istambul votaient aux dernières élections municipales en 2009 pour des maires et des conseils municipaux de l’opposition nationale turque du parti républicain du peuple (CHP en turc). Après l’évacuation et l’interdiction des rassemblements du parc Gezi par la police turque, les indignés turcs poursuivaient leurs rassemblements quotidiens dans les quartiers voisins de Besiktas et de Kadikoy et la majorité CHP des conseils municipaux de ces quartiers soutenaient totalement ces rassemblements.

Plus fondamentalement encore, la démocratie bourgeoise turque connaît depuis des dizaines d’années une évolution symétrique par rapport à la démocratie états-unienne.

Il y a cent cinquante ans aux Etats Unis pendant la guerre de sécession, le parti républicain était le parti de gauche progressiste et abolitionniste, c’était le parti de Lincoln, et le parti démocrate était le parti de la droite réactionnaire esclavagiste. Cent cinquante ans plus tard, le parti démocrate est le parti de la gauche libérale de Kennedy, de Clinton et d’Obama et le parti républicain est le parti de la droite réactionnaire.

En Turquie, le CHP est le parti d’Ataturk, il est la section turque de la deuxième internationale, comme le parti de Ben Ali en Tunisie était la section tunisienne de la deuxième internationale, comme le parti de Moubarak en Egypte était la section égyptienne de la deuxième internationale. La social-démocratie turque, comme la social-démocratie internationale, continue son évolution de la gauche vers la droite, elle soutenait en particulier totalement ou partiellement les quatre coups d’Etat militaires de 1960, 1971, 1980 et 1997.

A l’inverse, des militants et des tendances musulmanes, à l’intérieur et à l’extérieur de l’AKP, évoluent de la droite vers la gauche.

Si et quand des militants et des partis turcs font et feront des pas en arrière dans le sens du soutien à l’OTAN, aux Etats Unis, à Israël et aux dictateurs arabes, ils recevront le soutien et les félicitations des médias impérialistes.

Si et quand des militants et des partis turcs font et feront des pas en avant dans le sens du soutien à la résistance palestinienne et à la révolution démocratique arabe, les médias impérialistes les critiqueront violemment, et il n’y a aucun rapport entre cette évolution et leur appartenance ou leur non appartenance religieuse.

Bernard Fischer      

Partager cet article
Repost0

commentaires