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25 décembre 2015 5 25 /12 /décembre /2015 14:38

CESSER DE REGARDER DANS LE RETROVISEUR

Vous trouverez ci-dessous les trois derniers paragraphes d’un très long message d’Yvan Lemaitre relatif à l’actuelle situation politique française.

Le message est disponible en totalité à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

http://www.npa2009.org/idees/strategie/tournant-politique-apres-les-attentats-nouvelle-periode-et-strategie

Prendre en compte les nouveaux rapports sociaux et politiques implique de ne pas avoir le cerveau dominé par le passé. Dans leur article dont le titre est « la situation en France après les élections régionales, dernier avertissement », François Sabado et Pierre Rousset écrivent que « plus important encore, le Parti Socialiste connaît un changement profond de nature. Il y a ce qu’on pourrait appeler une accélération dans la transformation bourgeoise de la sociale démocratie. Un processus qui vient de loin et qui se traduit par une intégration sans précédent des appareils sociaux-démocrates dans les sommets de l'état, les institutions mondiales et dans l’économie globalisée. Les partis socialistes sont devenus de moins en moins ouvriers et de plus en plus bourgeois. La brutalité des politiques néolibérales sape leurs bases sociales et politiques. Sous des formes différentes, les partis socialistes se transforment en partis bourgeois. Deviennent-ils pour autant des partis bourgeois comme les autres ? Pas tout à fait, le fonctionnement de l’alternance exige des partis socialistes qu’ils marquent leur différence avec les autres partis bourgeois. Ils restent liés, par leur origine historique, au mouvement ouvrier, mais ce ne sont plus que des traces qui s’effacent dans la mémoire des militants. Cela crée néanmoins des contradictions et des oppositions au sein de ces partis. Ils peuvent garder un certain rapport au peuple de gauche, même s’il est de plus en plus distendu. Cette mutation qualitative, si elle allait jusqu’au bout, transformerait ces partis en partis démocrates à l’américaine ».

On retrouve dans ce raisonnement la schizophrénie d'une partie du mouvement trotskyste qui a pu conduire certains militants à militer au sein du Parti Socialiste tout en croyant militer dans un parti ouvrier. Les mots n'ont alors plus de sens. Certes le Parti Socialiste n'est pas un parti bourgeois comme les autres, mais les autres eux-mêmes ne sont pas identiques, il n'y a pas plus de modèle de parti bourgeois que de parti ouvrier. Les Républicains et le Front National sont deux partis bourgeois mais ils sont différents, ce qui n'empêche pas les vases communicants. Le Parti Socialiste est déjà un parti démocrate à la française.

Comment peut-on dire aujourd'hui du Parti Socialiste qui fait corps avec le gouvernement qui dirige l'état de la bourgeoisie qu'il reste un peu un parti ouvrier ? Qu'est ce que cela peut vouloir dire et pourquoi de tels raisonnements ? Même pour expliquer qu’il faut voter pour le Parti Socialiste, nul besoin d'avoir recours à une telle construction. Les mêmes camarades ont voté pour Jacques Chirac, ou nous sommes très nombreux à avoir dans le passé voté pour François Mitterrand, prototype même de l'homme politique bourgeois.

Ce type de raisonnement alambiqué et mécanique sur la dite double nature du Parti Socialiste renvoie à une longue tradition d'une partie du mouvement trotskiste qui s'est toujours pensé comme une opposition au Parti Socialiste et au Parti Communiste Français plutôt que l'ébauche d'un parti élaborant une politique pour l'ensemble de la classe ouvrière en toute indépendance des partis dits de gauche intégrés au jeu parlementaire. Ces raisonnements ne reposent plus sur la moindre base objective.

Du grand basculement du monde aux bouleversements révolutionnaires ?

Comment contribuer à l'émergence d'un mouvement révolutionnaire au niveau national, européen et international, la question nous est reposée en des termes nouveaux à travers une situation instable où bien des possibilités restent ouvertes malgré la montée des forces réactionnaires.

Les forces qui sont nées des mutations ou de l'effondrement des vieux partis staliniens s’intègrent au système ou aspirent à s’y intégrer, gèrent l'austérité comme Syriza en Grèce. Podemos en Espagne sert à canaliser le mécontentement populaire dans le cadre institutionnel, le Bloco de Esquerda au Portugal s'enferme en s'alliant au Parti Socialiste Portugais dans le carcan politique imposé par la bourgeoisie et la troïka.

Il s'agit de porter aujourd'hui une stratégie de regroupement des anticapitalistes et des révolutionnaires sur la base d'un programme de transformation révolutionnaire de la société partant des exigences élémentaires des exploités, la garantie d'un salaire et de pensions décentes, la liquidation du chômage par la répartition du travail entre toutes et tous et la défense des services publics pour poser la question de la conquête du pouvoir pour annuler la dette, créer un monopole public bancaire et socialiser les grands groupes industriels et commerciaux.

Cette stratégie et ce programme se déclinent de façon différenciée selon les pays et les situations mais ils s'organisent autour d'une démarche transitoire posant la question du pouvoir des travailleurs et de la population, les quatre vingt dix neuf pour cent, afin d'en finir avec la dette et mettre les banques et les multinationales hors d’état de nuire.

Alors qu'en réponse aux ravages de la mondialisation, les forces réactionnaires jouent du désespoir et des peurs des classes populaires pour développer leur propagande xénophobe et nationaliste, nous devons œuvrer au regroupement, au pôle opposé, du camp des travailleurs en rupture avec le capitalisme et ses institutions.

Nous œuvrons à l'unité des classes exploitées et de leurs organisations sur la base de cette indépendance de classe.

Répondre à l’urgence et aux besoins de la situation c’est engager le dialogue et des collaborations politiques avec les autres forces anticapitalistes et révolutionnaires dans le monde dans la perspective de la constitution d'une nouvelle internationale. Il n'y a pas d'autre voie que d'œuvrer au rassemblement des forces révolutionnaires dans un même mouvement en rompant avec les pratiques sectaires et antidémocratiques du passé qui ont fait éclater le mouvement révolutionnaire.

Tirer les leçons des échecs et occasions manquées

« Depuis 1995, il y a eu trois importantes expériences politico-électorales, en insistant sur la forme électorale de ces expériences. En 1995 avec Arlette Laguiller et Lutte Ouvrière, en 2002 et en 2007 avec la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), puis le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), et Olivier Besancenot, et en 2010 et en 2012, avec le Front De Gauche (FDG) et Jean Luc Mélenchon, qui ont obtenu en 2012 plus de quatre millions cinq cent mille voix. Trois expériences qui ont montré les potentialités de réorganisation politique à la gauche de la gauche, mais aussi leurs limites et leur échec. Cela explique aussi l’espace laissé libre pour le Front National. Dans tous les cas, il n’y a pas eu, au-delà des différences politiques et historiques de chaque expérience, émergence de formations politiques du type Syriza, Podemos ou Bloco de Esquerda », écrivent François Sabado et Pierre Rousset dans l'article déjà cité. Le raisonnement me semble concentrer plusieurs erreurs ou au moins un manque de point de vue critique vis à vis de ces expériences qui permettent d'en dégager des enseignements. Il appelle plusieurs remarques.

Mettre sur le même plan 1995, 2002, 2007, 2010 et 2012 avec le FDG me semble créer la confusion plus que cela n'éclaire la discussion.

Il y a bien eu une période qui va de 1995 à 2007 à travers laquelle ni Lutte Ouvrière ni la LCR n'ont été capables de jeter les bases d'une ébauche de parti ouvrier ou de parti des travailleurs. C'est cet échec qui a laissé la place à la tentative du FDG. L'expérience de Syriza, sa capitulation, celle de Podemos ou du Bloco de Esquerda aujourd'hui soutien du Parti Socialiste Portugais se situent plus dans le cadre de l'expérience du FDG que dans celle de Lutte Ouvrière, de la LCR ou du NPA. Pour clarifier le débat, il est nécessaire de dissocier les questions.

Pour nous, la discussion porte sur les voies et moyens de construire un parti pour la transformation révolutionnaire de la société.

De ce point de vue, nous devons discuter pour dégager des leçons de l’expérience de 1995 à 2007, la décennie des occasions manquées, l'échec de l'extrême-gauche à faire un saut qualitatif pour aller ne serait-ce que vers l'ébauche d'un parti. Après 1995, le refus de Lutte Ouvrière d'assumer les responsabilités du succès d'Arlette Laguiller. En 1999, le commun refus de la LCR et de Lutte Ouvrière de faire de leur accord électoral pour les élections européennes un pas vers un dépassement des deux organisations, puis les rivalités de 2002, où l'ensemble de l'extrême-gauche dépasse les dix pour cent, et de 2007, où Olivier Besancenot prend le relais d'Arlette Laguiller. La tentative de dépasser les limites de Lutte Ouvrière avec la fondation du NPA a été mis en échec, le noyau dirigeant issu de la LCR n'arrivant pas à se dégager de la conception dite des « partis larges » jusqu’à l'explosion du NPA et la scission.

C'est bien de cette séquence qu'il faut discuter, des causes politiques de nos limites et de nos échecs pour préparer la suite car la crise chronique du NPA n'est pas une simple crise de croissance. Elle pose la question de la refondation du NPA.

Une autre politique aurait été possible durant cette décennie, militer pour que l'appel à un parti des travailleurs d'Arlette Laguiller soit une démarche ouverte de rassemblement, lutter pour « le parti d'Arlette Laguiller et d'Alain Krivine » comme nous disions à Démocratie Révolutionnaire, pour l'unité des révolutionnaires et pour faire de la fondation du NPA, non un coup politique vers un « parti large », mais la mise en œuvre d'une politique de rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires.

Cette voie demeure la bonne, la seule adaptée à la période que nous traversons, au recul et à la nécessité de reformuler le projet révolutionnaire, tout en faisant face à l’éclatement et la division des forces. Mais elle ne peut être féconde que si elle s'inscrit dans une volonté commune de mettre en œuvre une stratégie pour la construction d'un parti révolutionnaire.

Une politique pour construire et pour rassembler

Notre tâche collective est de formuler une politique pour la classe ouvrière et ses luttes en combinant revendications immédiates, questions démocratiques et question du pouvoir. Cette politique s'écrit chaque jour en fonction du niveau de conscience, de notre propre niveau de conscience collectif, c'est à dire de nos liens réels avec les masses, et de notre capacité à exprimer leurs aspirations et d'aider aux évolutions.

Nous approprier aujourd'hui la démarche de la révolution permanente nous invite à sortir des formalismes, des conceptions toutes faites, des recettes et des modèles de parti qui sont autant de motifs de querelles et de divisions qui paralysent le mouvement révolutionnaire. La référence au trotskysme devient elle aussi une formule creuse et un mythe.

Personne n'a de réponse clé en main sur les voies et moyens de construire un véritable parti de masse. Cela ne peut être qu'un processus à travers lequel nous devons combiner une politique de regroupement des forces révolutionnaires et anticapitalistes avec la formulation d'une stratégie pour implanter nos idées au sein du monde du travail.

Un tel processus suppose que nous soyons capables de faire vivre une démocratie révolutionnaire et dynamique tant au niveau du mouvement anticapitaliste qu'au sein même du mouvement ouvrier.

Pour être à même de gagner du crédit auprès d'une fraction minime de la classe ouvrière et de la jeunesse, faudrait-il que le mouvement révolutionnaire travaille, réussisse à dépasser ses propres limites et soit capable d’unir ses forces et de construire un cadre collectif pour l’élaboration comme l’action sans craindre aucun débat ni aucune confrontation.

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