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21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 20:36

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/01/20/la-ligue-des-droits-de-l-homme-demande-la-fin-de-l-etat-d-urgence_4850261_1653578.html

La Ligue des Droits de l'Homme (LDH) demande la fin de l’état d’urgence

Quand certains s’interrogent sur la nécessité de prolonger l’état d’urgence au-delà de son terme prévu le 26 février 2016, la LDH estime que ce régime d’exception a déjà trop duré. Mardi 19 Janvier 2016, l’association a saisi le conseil d'état pour demander la suspension de l’état d’urgence, sinon d’enjoindre au président de la république d’y mettre fin sans délai. Saisie en référé-liberté, la haute juridiction administrative a déjà fixé l’audience au Mardi 26 Janvier 2016.

Si l’état d’urgence a été prolongé pour trois mois par la loi du Vendredi 20 Novembre 2015, le chef de l'état peut y mettre fin à tout moment par décret. Après les émeutes de banlieue de 2005, le président Jacques Chirac avait mis fin à l’état d’urgence le 4 janvier 2006, alors que le parlement avait voté une prolongation de trois mois qui allait jusqu’au 18 février 2006.

Atteinte à plusieurs libertés fondamentales

Dans la demande au conseil d'état, formulée par l’avocat Patrice Spinosi, la LDH suggère qu’à défaut de mettre fin à l’état d’urgence, il faudrait au moins suspendre certaines de ses mesures, en particulier les perquisitions administratives et l’interdiction de réunions publiques. Une solution pour l’institution présidée par Jean-Marc Sauvé serait de laisser courir les assignations à résidence jusqu’au 26 février 2016, mais d’interdire au ministère de l’intérieur et aux préfets de recourir aux autres mesures de ce régime d’exception.

« La persistance de l’état d’urgence plus de deux mois après son déclenchement est constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales », est-il ainsi écrit dans la requête de la LDH au conseil d'état. Et d’évoquer le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d’aller et venir et la liberté de travailler.

Pour justifier une telle demande, la LDH, qui n’entend « aucunement contester l’importance cruciale de la lutte contre le terrorisme », s’appuie sur le deuxième rapport d’étape sur le contrôle de l’état d’urgence publié le 13 janvier 2016 par la commission des lois de l'assemblée nationale.

L’essentiel des perquisitions administratives et des assignations à résidence ont été ordonnées dans les deux premières semaines qui ont suivi les attentats du Vendredi 13 Novembre 2015. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, a ainsi noté que « les principales cibles et les objectifs avaient été traités » et que « l’effet de surprise s’est largement estompé ». Il a évoqué « bien plus qu’un essoufflement, l’extinction progressive de l’intérêt des mesures de police administrative ».

Réponse à court terme

Pour défendre le projet de loi sur l’état d’urgence, Manuel Valls avait déclaré à l'assemblée nationale, Jeudi 19 Novembre 2015, qu’il s’agissait d’« une réponse de court terme ». L’état d’urgence est déclaré, selon la loi de 1955, « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ». Or, observe Patrice Spinosi, plus de deux mois après les attentats du mois de novembre 2015, « le péril lié à ces atteintes graves à l’ordre public ne saurait plus être regardé comme imminent au sens de la loi ».

La persistance d’une menace terroriste, n’est pas un critère prévu par la loi. Sinon, cela reviendrait « à autoriser le maintien perpétuel du régime exceptionnel au nom de la lutte contre le terrorisme et ainsi renoncer définitivement à l'état de droit », met en garde l’avocat de la LDH.

Le risque a été souligné par la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH). Dans une déclaration de son assemblée générale du 15 janvier 2016, cette autorité indépendante, chargée de conseiller le gouvernement et le parlement, a tenu à « rappeler combien l’état d’urgence et, plus généralement, tous les dispositifs juridiques destinés à le pérenniser, portent intrinsèquement atteinte aux libertés et droits fondamentaux inhérents à l'état de droit ».

Deux Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC)

Non seulement l’administration ne recourt pratiquement plus aux mesures de l’état d’urgence mais d’autres n’ont jamais été utilisées, comme le port du bracelet électronique pour des personnes assignées à résidence ou le blocage de sites internet provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.

Par ailleurs, la dissolution au mois de janvier 2016 de trois associations cultuelles, dont les dirigeants sont accusés d’avoir appelé « à la haine et au djihad », a été décidée par le ministère de l’intérieur sans recourir à l’article de la loi sur l’état d’urgence l’y autorisant, mais en se référant au code de sécurité intérieure existant. Ce qui fait dire à la LDH qu’il est « manifeste que les mesures de l’état d’urgence ne peuvent résolument plus passer pour strictement nécessaires et ont donc perdu toute justification ».

Le débat devant le conseil d'état ne manquera pas d’intérêt, ne serait-ce que parce que la procédure du référé va amener le gouvernement à devoir justifier de façon très détaillée la nécessité opérationnelle et juridique de prolonger les mesures de l’état d’urgence, au moins jusqu’au 26 février 2016. En écho, le conseil constitutionnel va se pencher sur deux QPC soulevées par la LDH sur la conformité à la constitution des perquisitions administratives et de l’interdiction de réunion sous l’état d’urgence.

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