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8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 17:22

http://www.la-croix.com/France/Nuits-debout-Nantes-Toulouse-paroles-participants-2016-04-06-1200751563

http://www.alencontre.org/europe/france/nuits-debout-a-nantes-et-toulouse-paroles-de-participants.html

Nuits Debout à Nantes et à Toulouse, paroles de participants

Par Jean-Luc Ferre à Toulouse et Florence Pagneaux à Nantes

Mardi 5 Avril 2016, la ville rose et la capitale du grand ouest ont vécu leur première Nuit Debout. Un mouvement qui a commencé à s’étendre à plusieurs villes de province, prospérant sur fond d’idéaux de déçus de la gauche.

La première Nuit Debout de Toulouse qui a débuté Mardi 5 Avril 2016 en fin d’après-midi ne sort pas de nulle part. Comme le rappelle un représentant du collectif organisateur, la première occupation de deux cent personnes a eu lieu Jeudi 31 Mars 2016 après la diffusion du film Merci Patron de François Ruffin, fondateur du magazine Fakir et à l’origine de ces nuits qui, après la place de la République à Paris, ont aujourd’hui essaimé dans une vingtaine de villes.

Elle a débouché les jours suivants sur trois assemblées générales qui se sont structurées en quatre commissions pour assurer la logistique du mouvement et réfléchir à la communication du message, à l’aspect légal et aux contenus des actions à mener. Avant d’aboutir à cette mobilisation nocturne inspirée des mouvements des indignés et d’Occupy Wall Street, nés sous d’autres latitudes en 2011.

Au-delà des grèves et manifestations traditionnelles

L’improvisation apparente est donc toute relative. Les organisateurs ont loué une chambre, dans un hôtel sur la place, pour bénéficier d’une connexion à internet permettant une retransmission en streaming des débats qui commencent.

Avec des règles là aussi très étudiées, prises de parole de deux minutes maximum, après inscription sur une liste que des modérateurs font circuler, auxquelles le public peut réagir avec des signes pour ne pas troubler les débats, mains agitées façon marionnette pour l’assentiment et bras croisés pour signifier un désaccord, un code inspiré par les indignés.

Devant environ six cent personnes, debout ou assises en cercle sur les cartons qui parsèment le sol mouillé, les interventions s’enchaînent. Il est question « de la convergence des luttes, de réfléchir à de nouveaux modes d’action au-delà des grèves et des manifestations traditionnelles et de toutes ces élites qui ne nous représentent plus ». Certains évoquent le Conseil National de la Résistance (CNR) et d'autres évoquent le combat écologique, le rôle des femmes dans le mouvement et l’argent « qui fuit au Panama quand des millions de gens sont dans la misère ». Dans l’assistance comme chez les orateurs, il y a des jeunes et des moins jeunes.

Quelque chose émerge enfin

« C’est une première étape », commente Marc, un étudiant de vingt deux ans membre du collectif à l’origine de cette nuit toulousaine. « Il s’agit de montrer aux gens qu’un mouvement citoyen où chacun peut apporter sa pierre est possible en France. Qu’on peut construire ensemble à partir de là ». Ici ressort surtout un sentiment de trahison de la part d’un gouvernement « soi-disant de gauche ».

La loi travail catalyse ainsi un front du refus. Mais au-delà, on se prend à rêver. « Ce mouvement naissant nous dépasse tous », s’enthousiasme Pablo, professeur de lycée engagé depuis dix ans dans les luttes alternatives. « Quelque chose émerge enfin. C’est flou, mais c’est une excellente nouvelle ».

Un autre Pablo, espagnol installé à Toulouse depuis trois ans et ancien des indignés de Madrid, prend le micro, « en Espagne, des mouvements venant de la rue sont nés des structures qui pèsent aujourd’hui dans la vie politique. Je veux juste dire qu’il nous faut apprendre à être patients, mais déterminés ».

Des profils variés, des lycéens aux militants aguerris

À Nantes, c’est sur la place du Bouffay, dans le cœur historique de la ville, qu’environ deux cent personnes se sont retrouvées Mardi 5 Avril 2016 dans le calme, à deux pas des vitrines brisées quelques instants plus tôt par des casseurs venus perturber la manifestation contre la loi de Myriam el Khomri.

Après une succession de prises de parole au micro, chacun rejoint une commission pour débattre travail, démocratie, liberté, migrants, écologie ou Notre-Dame-des-Landes. Dans la foule, des militants d’extrême gauche aguerris, mais aussi des déçus du gouvernement qui n’avaient jamais battu le pavé.

Comme Maïa, lycéenne de dix sept ans, qui a été de tous les défilés contre la loi travail. « Ici, cela va plus loin », dit-elle. « Nous parlons d’écologie et de démocratie. J’aimerais que nous instaurions une nouvelle forme de démocratie, comme en Suisse par exemple, avec la votation citoyenne ».

Étudiant en philosophie de vingt trois ans, Pierre vit lui aussi son premier mouvement social. S’il n’adhère à aucun parti ou syndicat, il rencontre régulièrement d’autres jeunes « très à gauche » pour discuter. Ici, il vient tester ses idées dans l’espace public, car « c’est bien de dire non au projet de société porté par la loi travail, mais il faut avancer des solutions concrètes ».

Une « réappropriation de la démocratie »

À ses côtés, Quentin, vingt et un ans, étudiant en économie et membre de l’Étincelle, affiliée au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), se réjouit de voir autant de nouveaux visages. « C’est complètement faux de dire que la jeunesse n’est pas politisée. Mais elle ne se reconnaît pas dans les partis actuels ».

Une thématique reprise par Sandra, enseignante de quarante quatre ans. « Nous assistons à une forme de réappropriation de la démocratie par le bas qui se construit hors des partis et des syndicats », observe celle qui croit aux prémices d’un mouvement durable. « Les jeunes ont si peu de perspectives qu’ils n’ont rien à perdre ».

François, cinquante ans, membre des artisans du changement, un collectif d’entreprises prônant « le retour de l’humain dans l’économie », voit dans ce rassemblement un « besoin criant de retrouver du sens à l’heure où aucun politique, de droite comme de gauche, n’offre d’horizon désirable ».

Tenir dans la durée

Steeve, quarante et un ans, et sa compagne Charlie, trente sept ans, font partie des déçus de la gauche venus exprimer leur colère. « Maintenant le Parti Socialiste, c’est fini », lance Steeve, éducateur dans une association, à l’aune de sa propre expérience. « Depuis trois ans, nous cumulons les Contrats de travail à Durée Déterminée (CDD). Ce n’est pas de cette vie-là que nous voulons pour notre fille de quatre ans. Des parents angoissés, qui renoncent à leurs vacances en famille pour prolonger un contrat, ce n’est pas cela le bonheur ».

Animateur culturel d’origine chilienne, Ariel, cinquante cinq ans, se félicite de voir « jeunes et adultes côte à côte pour défendre des acquis sociaux admirés du monde entier. Maintenant, il faut tenir dans la durée. C’est ce qui sera le plus compliqué ».

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