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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 17:55

Sans-papiers : des Français portent plainte contre la compagnie aérienne belge SNBA

LE MONDE | 28.03.09 | 14h52  •  Mis à jour le 28.03.09 | 14h52

Trois citoyens français ont déposé plainte au civil, à Bruxelles, mercredi 25 mars, contre la compagnie aérienne SN Brussels Airlines (SNBA).

Débarqués brutalement, en avril 2008, d'un avion parce qu'ils avaient protesté contre les conditions d'expulsion d'un Camerounais, ces passagers avaient déjà déposé plainte au pénal contre la police belge. Ils estiment que l'instruction de leur dossier s'enlise. Ils sont soutenus par la Ligue belge des droits de l'homme et le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, un organisme parapublic qui observe d'ordinaire une certaine réserve.

Violences physiques et verbales, injures racistes, intimidations et détention illégale : Serge Fosso, Claude Moussa et Philippe Leonardon affirment avoir vécu tout cela le 26 avril 2008. Ce jour-là, ils sont à bord du vol SN 351 pour Kinshasa, via Douala. Les deux premiers sont noirs, le troisième est blanc et dit aujourd'hui avoir "remercié Dieu" : la couleur de sa peau lui a, dit-il, valu d'échapper aux brutalités policières. "On m'a placé dans une pièce avec honneur et dignité", explique-t-il. Les forces de l'ordre ont, en revanche, traité "à grands coups de pieds et de poings" M. Fosso et M. Moussa, raconte M. Leonardon. M. Fosso aurait été traité de "petit singe".

Les trois hommes ne se connaissaient pas. Mais deux d'entre eux - Serge Fosso et Philippe Leonardon - avaient exprimé à haute voix, avant le décollage, leur inquiétude pour un passager maintenu par quatre policiers et appelant au secours. Folefack Sontsa, un sans-papiers, était maîtrisé au fond de l'appareil par les forces de l'ordre qui tentaient d'étouffer ses cris. Contraints de débarquer le passager récalcitrant, des policiers sont revenus ensuite, forçant les trois passagers - y compris Claude Moussa, qui était resté silencieux - à quitter eux aussi l'appareil. La compagnie déclara ensuite qu'ils avaient été à l'origine d'une émeute. Elle leur indiqua, plus tard, qu'ils seraient interdits de vol, pour une période de six mois, sur les vols de SNBA.

L'affaire prend d'autant plus de relief que, quelques jours après cet incident, Folefack Sonsta s'est pendu dans le centre de rétention où il était enfermé. Il craignait d'être placé de force à bord d'un autre vol. Sa famille s'est portée partie civile contre les autorités belges.

L'affaire a fait remonter à la surface une autre expulsion qui s'était terminée de manière tragique : en septembre 1998, Semira Adamu, une jeune Nigériane, était morte dans un avion, étouffée par un coussin censé l'empêcher de crier. Les avocats des trois plaignants français, Mes Véronique van der Planck et Alexis Deswaef, soulignent que la méthode appliquée à M. Sontsa - mains sur la bouche et le nez - est proche de celle utilisée à l'époque.

ELÉMENT TROUBLANT

D'autres éléments complètent un tableau déjà très sombre. Dont le fait qu'une plainte écrite par M. Sontsa après sa tentative d'expulsion n'a jamais été révélée alors que le centre de rétention en possédait l'original et l'a transmis à l'Office des étrangers, l'organe qui instruit les demandes d'asile et diligente les expulsions. Dans ce document, retrouvé par ses avocats, le Camerounais détaillait les brutalités dont il avait été victime.

Autre élément troublant : une vidéo tournée par l'un des trois témoins français avec son téléphone portable et montrant le sort réservé à M. Sontsa a été effacée par la police. Un informaticien a toutefois pu en reconstituer une petite partie.

Enfin, après les révélations des trois Français, une adjointe au maire de Chevilly-Larue (Val-de-Marne), Hermine Rigaud, a témoigné de ce qui lui était arrivé sur un autre vol de la SNBA, en 2008. Protestant contre les violences infligées à un homme en voie d'expulsion, Mme Rigaud a été brutalisée en présence de son mari qui s'est dit "horrifié". Cet ancien gendarme avait lui-même procédé, en France, à des expulsions de clandestins.

Jean-Pierre Stroobants

Article paru dans l'édition du 29.03.09



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