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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 15:02

 

http://www.essonneinfo.fr/91-essonne-info/40498/lambassade-est-tombee

 

L’ambassade est tombée

 

Jeudi 4 Avril 2013

 

Deux jours après un arrêté d’expulsion, le bidonville de la nationale 7 à Ris-Orangis, occupé depuis quelques mois par des familles roms, a été entièrement détruit. Récit de la fin d’une expérimentation sociale singulière. 

 

Imaginez un lieu de vie, avec des enfants qui courent et jouent, autour d’une petite place, le tout piéton. La vie organisée autour d’une « place des fêtes », avec à quelques pas un espace collectif, « l’ambassade », servant de salle de réunion comme pour les cours de langue. Tout autour, des baraquements de fortune, mais surtout, de la lumière, avec des générateurs électriques, de l’eau, et des toilettes, ainsi qu’un sol rempli de copeaux de bois. Vous êtes dans ce qui était un village à part entière, peuplé de personnes en marge de la société à cause de leur origine.

 

Depuis plusieurs mois, cet ensemble de cabanes n’avait rien d’un bidonville insalubre.

 

Dans une volonté de stabiliser l’endroit pour quelques mois, un collectif nommé PEROU, regroupant principalement des étudiants et chercheurs en architecture et arts décoratifs, s’était mis en tête de rendre le terrain occupé vivable, en y construisant une salle collective, des toilettes sèches, et organisant avec des riverains le ramassage des ordures.

 

Lundi dans la journée, l’arrêté annonçant la nouvelle a été affiché à l’entrée du campement. Ordre d’expulsion, pour cet ensemble « illicite » selon la préfecture.

 

Mardi, plusieurs réunions se tiennent, en préfecture ainsi qu’en mairie, pour évoquer le devenir des familles installées dans le bidonville. Le soir, une ambiance pesante règne dans le bidonville. La plupart des familles ont quitté les lieux pour rejoindre des proches ou d’autres communautés, seuls quelques groupes d’habitants restent sur place. Ici ou là, on se rassemble autour d’un feu, certains terminent leurs préparatifs, et sur la petite place en plancher, les derniers détails sont réglés entre résidents et les militants de PEROU. Parmi eux, Sébastien Thierry, figure de cette expérimentation locale très particulière, évoque un référé en cours au tribunal administratif de Versailles, pour retarder l’expulsion, une dernière carte à jouer pour laquelle peu d’espoir subsiste.

 

A partir de 2 heures, tout le monde est endormi. Seuls quelques rats sont en mouvement à la recherche de nourriture. Au milieu de la nuit, un jeune homme sort de son baraquement fumer une cigarette, et se confie : « tout à l’heure le camp sera rasé, où irons-nous ? » Lui pense partir sur Paris, mais est pour le moment stressé par la présence policière, « ils sont déjà là »Les premiers soutiens arrivent à partir de 5 heures, il y a Denis, Yvette, Farid et d’autres, les militants de l’association de solidarité aux familles roms (ASEFRR) et des bénévoles du secours catholique.

 

Dès 6 heures, les forces de l’ordre pénètrent dans le bidonville et questionnent les occupants sur les présences extérieures, à savoir si des journalistes sont présents. En plus d’Essonne Info, une journaliste du Nouvel Observateur a passé la nuit sur place.  

 

« Bon froid » dit-il en repartant. Les gendarmes mobiles entrent dans le bidonville aux alentours de 7 heures 30, et vont petit à petit et dans le calme diriger les derniers occupants vers la sortie du campement.

 

Plusieurs familles se regroupent ensuite au niveau de l’église de Ris-Orangis, pour exiger des solutions de relogement. « Tout le monde est dispersé, c’est un drame, les enfants n’iront plus à l’école » s’alarme Farid Benaï, de l’ASEFRR, comme pour faire échos aux déclarations du représentant du secours catholique la semaine dernière après l’expulsion du bidonville de Moulin-Galant.

 

L’association évoque dans un communiqué la « catastrophe humanitaire » qui se déroule, avec mille deux cent personnes en Essonne « jetées sur les routes et se déplaçant de bidonville en bidonville ».

 

Dans les sept pages que comprend l’arrêté d’expulsion, le maire socialiste Stéphane Raffalli pointait les risques liés à la circulation automobile dense aux alentours, les possibilités d’incendie, et l’insalubrité des lieux. La préfecture met de son côté en avant le fait que douze familles, sur les soixante que comptait le bidonville, ont été choisies « pour participer à une plate forme d’insertion » qui faciliterait leur intégration et leur professionnalisation. « Ce n’est qu’une opération de communication » n’énerve Farid Benaï, qui assure que « sur le fond, rien ne change ».

 

Un sentiment de déception se fait maintenant sentir chez les militants associatifs moteurs du projet de PEROU. « C’est un gâchis » résume Sébastien Thierry, qui avec ses collègues, ont vu se détruire les baraquements, ainsi que leur ambassade. Quant aux familles roms, elles sont donc parties, certaines logées, d’autres au sein d’un bidonville du secteur. Jusqu’à la prochaine expulsion.

 

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