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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 14:08

 

OU VA LA REVOLUTION ARABE

 

 « Quelles seront les prochaines étapes de la révolution arabe, en Tunisie, en Egypte, en Algérie, en Libye, au Maroc et ailleurs ? Y aura-t-il approfondissement de la révolution ou bien sera-t-elle un épisode plus ou moins long entre deux régimes autoritaires, entre deux périodes réactionnaires ? Personne n’en sait rien. Il n’y a jamais de certitude, d’assurance et de garantie de la victoire avant le début de la lutte. »

C’était la conclusion de mon premier message relatif à la révolution arabe en février 2011. Six mois plus tard, nous en sommes toujours là.

La révolution arabe est une nouvelle expression de la dialectique de la réforme et de la révolution. Il n’y a jamais de réforme sans révolution ni de révolution sans réforme. Avant la révolution, il y a une longue période d’absence et de négation de la réforme. Après la révolution, il y a une longue période de réforme et de consolidation de la révolution. Quand le flot révolutionnaire monte sous les murs et sous les fenêtres du roi, le roi décide au dernier moment des réformes institutionnelles et économiques, il convoque les états généraux et les sujets écrivent des cahiers de doléance. Mais c’est trop tard, et les réformes provoquent généralement l’effet inverse, elles provoquent l’accélération et la précipitation de la révolution.

Résumons et précisons encore. La meilleure comparaison historique, c’est la comparaison entre d’une part la révolution arabe et d’autre part les guerres de dévolution de l’ex Yougoslavie. Ces guerres duraient près de dix ans. Elles commençaient par la proclamation d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie en 1991. Elles finissaient par la guerre du Kosovo en 1999. La guerre de Bosnie elle-même durait trois ans entre 1992 et 1995. Elle commençait en avril 1992 par des tirs d’armes automatiques de para militaires serbes contre une manifestation populaire pacifique à Sarajevo. Elle finissait en décembre 1995 par la signature des accords de Dayton.

Tout commençait donc en Tunisie en décembre 2010 par l’immolation par le feu d’un jeune vendeur de fruits et légumes et en janvier 2011 par la chute de la dictature de Ben Ali.

Six mois plus tard, les principales caractéristiques de la révolution arabe sont son apparente lenteur et son extraordinaire confusion politique et idéologique.

Dans les années 1990, personne ne comprenait rien aux guerres de dévolution de l’ex Yougoslavie, c’était le début du naufrage idéologique et intellectuel de la gauche et de l’extrême gauche occidentales. La moitié des militants et des organisations de gauche et d’extrême gauche réclamaient et défendaient l’intervention militaire de l’OTAN, l’autre moitié soutenait Milosevic.

Tout commençait donc en Tunisie en décembre 2010. Six mois plus tard, la direction politique provisoire tunisienne décidait par deux fois le report de la date de l’élection de l’assemblée constituante tunisienne du 24 juillet au 15 octobre et au 23 octobre 2011. La configuration politique est la suivante. Le parti majoritaire dans tous les sondages, c’est Ennahda. Ses militants étaient les plus nombreuses victimes de la dictature de Ben Ali, ce parti occupe la place politique historique des Frères musulmans dans les pays arabes, son modèle est l’AKP, le parti du premier ministre turc Erdogan. La contre révolution tunisienne annonce, prépare et organise un scénario à l’algérienne, un coup d’état militaire après la victoire d’Ennahda aux élections du 23 octobre 2011, comme en 1991 en Algérie l’armée algérienne organisait un coup d’état militaire après la victoire du FIS au premier tour des élections législatives.

En Egypte, la révolution commence tous les jours depuis six mois place Tahrir au Caire. Après la fin de Moubarak, le peuple réclame la fin du Conseil Supérieur des Forces Armées de Tantaoui, le ministre de la défense de Moubarak pendant vingt ans, et la perspective politique est la même, c’est la victoire des Frères musulmans aux élections législatives de septembre 2011. Le CSFA prenait position pour la réunification palestinienne et pour l’ouverture du passage de Rafah mais le gouvernement du CSFA n’est précisément pas un gouvernement civil et la rupture des relations entre l’Egypte et Israël n’est absolument pas dans son programme. Son seul programme, c’est la constitution d’un gouvernement civil après les élections législatives de septembre 2011 et l’application de ce programme sera la deuxième étape de la révolution égyptienne.

En Libye, la prise de la caserne Fadhil de Benghazi par le peuple de Benghazi en février 2011 provoque une guerre civile de Kadhafi contre le peuple libyen. Cette guerre civile provoque elle-même un mois plus tard une guerre impérialiste contre Kadhafi. En Libye, comme il y a quinze ans en Bosnie, la moitié des militants et des organisations de gauche et d’extrême gauche soutient la guerre impérialiste et l’autre moitié soutient Kadhafi. Il n’y a aucune mobilisation populaire en occident pour une solution politique et pour le soutien des plans de paix successifs de l’ONU, de l’Union africaine, de la Ligue arabe, de la Russie, de la Chine, du Venezuela et de la Turquie. Quand l’ONU prend position pour un cessez le feu, les défenseurs de Kadhafi dénoncent l’ONU comme une agence impérialiste. Et pourtant, il y a aura bien un plan de paix après la fin des guerres de Libye comme après la fin de toutes les guerres.

En Syrie, il y a depuis quatre mois des manifestations populaires contre le régime baassiste de Bachar al Assad. Personne ne demande heureusement une intervention militaire occidentale en Syrie. En Syrie aujourd’hui, comme en Iran entre Ahmadinejad et Moussavi en 2009 et entre Ahmadinejad et Khamenei aujourd’hui, il y a de très importantes divergences politiques au plus haut niveau de la direction syrienne. Ces divergences sont des divergences entre d’une part les défenseurs d’une réforme du régime et d’un dialogue national entre le gouvernement et le peuple et d’autre part les défenseurs de la répression militaire contre le peuple. En Syrie, comme dans tous les pays arabes, je crois et il y a une opposition musulmane démocratique anti impérialiste depuis au moins dix ans. L’impérialisme ne soutenait, ne soutient et ne soutiendra jamais cette opposition.

La révolution arabe, c’est aussi le Yémen, Bahrein, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Jordanie, l’Irak, le Liban, le Maroc et l’Algérie, je n’en parlerais pas dans ce message pour des raisons de nombre de signes, c’est inabordable dans un message de trois ou quatre pages, il faudrait une dizaine de pages et je m’en excuse pour les militants de ces pays.

Bernard Fischer

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