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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 09:49

LE PRINTEMPS FRANÇAIS

Vous trouverez ci-dessous la deuxième et dernière partie d’un discours de Stathis Kouvelakis dans un meeting d’Unité Populaire à Athènes.

Le message est disponible en totalité si vous consultez le site d’Unité Populaire en français à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

https://www.unitepopulaire-fr.org/2016/07/26/stathis-kouvelakis-au-meeting-d-unite-populaire-a-athenes-brexit-europe-grece

Le printemps français ou le retour du mouvement révolutionnaire

J’en arrive à présent au deuxième désaccord auquel j’ai fait référence au début, la crise politico-sociale qui a éclaté en France depuis ces cinq derniers mois. S’il fallait résumer en quelques mots le sentiment qui fut le mien au cours de cette période, que j’ai eu la chance de vivre en direct presqu’au jour le jour, je dirais qu’il existe en France un parfum de printemps grec de 2011.

L’obstination de François Hollande et du gouvernement de Manuel Valls à faire passer la réforme de la législation sur le travail qui n’est rien d’autre qu’un transfert d’une grande partie de l’acquis mémorandaire au cadre français, a déclenché la crise. Ces dispositions sont par ailleurs celles que soutient l’Union Européenne dans tous les pays européens où elle estime que des bribes du droit du travail subsistent encore, comme nous l’avons vu avec le Jobs Act de Matteo Renzi en Italie et le nouveau cycle sur le travail qui attend la Grèce. Outre l’opinion publique, opposée à une écrasante majorité, François Hollande et Manuel Valls ne disposent même pas de la majorité au parlement pour faire passer la loi qui porte la signature de la ministre du travail Myriam el Khomri. Une grande partie des députés du Parti Socialiste au pouvoir refusent non seulement de voter cette loi, mais ont même essayé de déposer une motion de censure contre le gouvernement de Manuel Valls, sans malheureusement réunir le nombre de signatures nécessaire malgré la diligence des députés du Parti Communiste Français (PCF).

Pour surmonter l’écueil, en interne et en externe, du rejet par le parlement, François Hollande et Manuel Valls ont dû avoir recours aux procédures de dérogation. Au parlement, ils ont appliqué le quarante neuvième article de la constitution qui autorise l’approbation de projets de loi sans qu’ils soient soumis au vote, avec comme unique possibilité de rejet la déposition et le vote d’une motion de censure à l’encontre du gouvernement. Mais surtout, François Hollande et Manuel Valls ont imposé une répression policière inouïe pour le contexte de toute la période d’après mai 1968, dans le but évident de créer un climat de peur et de tension. La seule chose qu’ils ont réussi à faire jusqu’à présent, c’est la destruction de la base sociale survivante de leur parti, avec pour résultat des sondages montrant à l’unisson un François Hollande inexistant au second tour des élections présidentielles de l’année prochaine, avec un pourcentage inférieur à quinze pour cent des voix. À partir des termes qui reviennent le plus souvent dans les commentaires des politiques quand ils font référence au futur qui se dessine pour le parti socialiste, s’est formée l’expression « pasokisation ».

Ce n’est pas seulement la violente offensive néo libérale, la répression et l’avancée auto destructrice d’une sociale démocratie abâtardie qui donnent un parfum grec de 2011 à la conjoncture française. C’est surtout l’apparence impétueuse d’un mouvement social étendu, polymorphe, éminemment révolutionnaire, profondément social et soutenu par la majorité. Dans cet élan a convergé le mouvement syndical ouvrier, qui a lutté avec des grèves longues et dures, particulièrement dans les secteurs portuaires et des raffineries, ainsi qu’une grande partie de la jeunesse étudiante et lycéenne, laquelle a développé, tout au moins concernant les mesures françaises, de nouvelles formes d’actions collectives.

Cette jeunesse est descendue dans la rue, a occupé les places, a participé à la défense des grèves et a débattu, en dépit des difficultés et des réserves mutuelles, avec les syndicats et le mouvement ouvrier. Elle s’est soulevée non seulement sur ce point spécifique, c’est-à-dire la loi travail, mais comme l’affirmait l’un des slogans principaux repris sur les places, « le monde produit par la loi travail ».

Le monde de l’absolutisme patronal, la commercialisation sans limites et le désastre environnemental, l’autoritarisme et la violence raciste.

Depuis plusieurs décennies, c’est sans doute la première fois qu’a retenti aussi fort le discours anticapitaliste ascendant, « mis en situation », porté par les segments les plus avancés du mouvement ouvrier et de la jeunesse.

La préparation politique et l’expression de ce mouvement sont indubitablement la clé des évolutions des prochains temps. Sans aller plus vite que la musique, notons cependant la dynamique que semble acquérir la candidature de la personnalité la plus en vue de la gauche révolutionnaire française, celle de Jean-Luc Mélenchon, lequel, selon les sondages, bénéficierait d’un net avantage sur François Hollande.

Ce n’est naturellement pas un hasard si la figure montante de Jean Luc Mélenchon brandit de plus en plus l’étendard de la confrontation avec l’Union Européenne.

Depuis qu’il a salué le Brexit comme une évolution positive, qui ouvre grand la voie à la question de l’Union Européenne et de sa légitimité, Jean Luc Mélenchon aime à se présenter comme « le candidat de la sortie des traités européens ». Et il fait clairement savoir que, si l’Allemagne et ses satellites en bloquent le réexamen, alors un futur gouvernement français de gauche n’aura pas d’autre choix que le recours au référendum pour pouvoir sortir de l’Union Européenne.

L’autre référence de Jean Luc Mélenchon qui explique l’évolution de sa position est la Grèce. L’enseignement qu’il a tiré de la capitulation d’Alexis Tsipras et de son gouvernement est que toute confrontation avec l’Union Européenne n’a aucune perspective sans un plan B comprenant l’option de la sortie de la zone euro et de l’Union Européenne. À l’initiative de Jean Luc Mélenchon et d’Oscar Lafontaine, le débat a été lancé par deux conférences à Paris et à Madrid, auxquelles ont participé des personnalités et des forces issues en majorité de la gauche européenne révolutionnaire.

La crise frappe le centre de l’Europe

La seconde et dernière conclusion est donc que l’épicentre de la crise s’est désormais déplacé des pays de la périphérie, qui étaient les maillons faibles de ces dernières années, vers les pays du centre de l’Europe. L’accentuation des tensions entre classes sociales, les heurts dans la construction de l’ensemble européen et la crise de légitimité du plan stratégique des classes dirigeantes européennes ouvrent de nouvelles possibilités d’intervention ascendante. En Angleterre, ce phénomène a pris l’apparence de la révolte des urnes pour le Brexit. En France, comme il sied à sa tradition révolutionnaire, il a pris la forme d’un soulèvement des travailleurs et de la jeunesse, le premier conflit social de grande ampleur qu’ait connu un pays important en Europe depuis le début de la décennie.

Cette double brèche définit aussi le défi que la gauche, et plus particulièrement les forces qui livrent le combat anti-mémorandaire dans notre pays, doivent relever. Les évolutions que connaît le centre de l’Europe renforcent et préparent le terrain pour la contre-offensive, après le désastre auquel le peuple grec a été conduit par l’infâme trahison d’Alexis Tsipras et de Syriza.

C’est là le double message envoyé par les urnes britanniques et la rue et les places de France, le temps du deuil et des larmes touche à sa fin, un nouveau cycle commence.

En l’honneur du Brexit, je terminerai sur ces vers universellement connus du poète et révolutionnaire anglais, philhellène et ami intime de George Gordon Byron, Percy Shelley.

Ce sont les derniers vers d’un poème qu’il composa le jour qui suivit le carnage de Peterloo, en 1819, lorsque les gendarmes massacrèrent des ouvriers rassemblés pour exiger le droit de vote. « We are many, they are few », « nous sommes nombreux, ils sont peu nombreux ».

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