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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 15:19

 

 

https://www.humanite.fr/immigration-un-tweet-une-crise-et-une-question-de-fond-660798

 

Immigration, un tweet, une crise et une question de fond

Par Julia Hamlaoui

Mardi 18 Septembre 2018

Comme l’année dernière, le Mouvement de la France Insoumise (MFI) a participé en demi-teinte à la Fête de l’Humanité, dénonçant un tweet d'Ian Brossat. Derrière la polémique, il y a un vrai débat sur la manière d’appréhender l’immigration.

Que se cache-t-il derrière la dernière et violente polémique entre le PCF et le MFI ? Lundi 17 Septembre 2018, Jean-Luc Mélenchon a estimé sur son blog que son mouvement, en n’assistant pas au discours de Pierre Laurent, « a rendu service aux communistes de la Fête de l’Humanité, que des images de provocations auraient desservis ». Cette fois, un tweet est en cause. Celui d’Ian Brossat, leader du PCF aux élections européennes, en réponse à un autre d’Adrien Quatennens, député du MFI. « En 1939, mon grand-père juif a fui la Pologne pour échapper à l’antisémitisme. Heureusement pour lui, il est tombé sur des gens qui lui ont ouvert la porte et non sur des doctes qui auraient disserté sur les sept plaies d’Égypte avant de lui tendre la main », écrit Ian Brossat, Mardi 11 Septembre 2018, après une publication d'Adrien Quatennens selon laquelle « les grandes causes des mouvements de populations sont connues, les conflits, guerres, les accords commerciaux inégaux et le changement climatique. Et on ne pourrait rien contre cela ? C’est faux. Nous pouvons agir sur ces causes ».

La crise, elle, se joue deux jours plus tard, Jeudi 13 Septembre 2018 à 18 heures, au moment où commence l’inauguration de la Fête de l’Humanité. Un communiqué du MFI arrive sur le WhatsApp des journalistes, « c'est avant même la Fête de l’Humanité que la tête de liste du PCF aux élections européennes, Ian Brossat, nous insulte. La porte est ouverte aux provocations et aux incidents. Nous n’en voulons pas », écrivent les parlementaires, qui expliquent décliner pour cela l’invitation à assister au discours de Pierre Laurent. Contrairement à d’autres députés, Adrien Quatennens renonce totalement à sa participation.

Au-delà de ce énième épisode de discorde entre le PCF et le MFI, c’est une question de fond qui traverse la gauche, celle de l’immigration. En la matière, la pente peut rapidement s’avérer glissante dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe, avec des migrants sans cesse désignés comme responsables du chômage ou de l’insécurité. Le tout jusqu’à irriguer le discours d’un Gérard Collomb, venu du Parti Socialiste, qui, comme ministre marcheur, parle de submersion. Ou celui de Sahra Wagenknecht, ancienne dirigeante de Die Linke, qui a lancé cet été un nouveau mouvement en Allemagne et qui appelle à en finir avec « la bonne conscience de gauche sur la culture de l’accueil».

Selon le leader du PCF pour les élections européennes, le discours de la gauche ne doit souffrir d’aucune ambiguïté sur l’immigration. « Beaucoup sont tétanisés par la montée de l’extrême droite en Europe et n’osent plus défendre un accueil digne. S’il ne reste qu’une liste pour tenir la dragée haute aux populistes et aux xénophobes, ce sera la nôtre», expliquait-il dès le début de l’été dans nos colonnes. Au printemps, le PCF a publié un manifeste, « pour une France hospitalière et fraternelle dans une Europe solidaire», qui comprend une série de propositions d’urgence et qui juge la liberté de circulation et d’installation comme uneperspective crédible. Ian Brossat est de ceux qui estiment que le MFI franchit parfois la ligne en la matière. Le fond de la discorde, c’est le rapprochement, par le MFI, de l’immigration et des problèmes sociaux. «Honte à ceux qui organisent l’immigration par les traités de libre-échange et qui l’utilise ensuite pour faire pression contre les salaires et les acquis sociaux», a notamment fustigé Jean-Luc Mélenchon à Marseille, à la fin du mois d’août 2018.

Une déclaration qui renvoie à un précédent au parlement européen, « c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place», avait-t-il dit au mois de juillet 2016, expliquant ensuite avoir utilisé des guillemets, «une nuance, même orale, qui échappe au gauchiste moyen et au journaliste ordinaire».

Dans le même temps, des voix insoumises martèlent régulièrement que l’accueil est un devoir humain. Et le discours de Marseille de Jean Luc Mélenchon en 2017 est lui aussi souvent mis en avant. Il y avait appelé, face à ce qui est pour lui toujours un exil forcé, àaller à la cause des maux et à les éradiquer et il avait invité la foule à une minute de silence pour les morts en Méditerranée. «Nos positions sont argumentées. Elles forment un tout. Un document écrit les présente», a écrit, Lundi 17 Septembre 2018, Jean-Luc Mélenchon, en en citant quelques-unes comme la création d’un statut de réfugié économique ou la régularisation des travailleurs sans papiers.

Reste que tout le monde ne semble pas d’accord au MFI. « Nous ne pouvons pas laisser mourir les gens en Méditerranée, mais si une personne n’est pas éligible au droit d’asile, il faut la renvoyer dans son pays rapidement», a répondu Djordje Kuzmanovic, orateur national du mouvement, dans un entretien à l’Observateur, Samedi 8 septembre 2018. La logique électorale derrière un tel discours y apparaît clairement, « le risque, si nous n’arrivons pas à récupérer l’électorat populaire qui s’abstient, est de nous retrouver dans une situation similaire à l’Italie, où les forces progressistes sont en miettes et où la droite xénophobe est au pouvoir. Le discours que tient Sahra Wagenknecht sur la question migratoire me semble donc être de salubrité publique». À l’inverse, le PCF juge lui que ce mouvement adopte un discours contre les migrants qui fait des réfugiés les boucs émissaires de la crise. «Pendant ce temps-là, les capitalistes, qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité, peuvent continuer à délocaliser et à broyer des vies et des territoires en toute tranquillité», écrit le PCF. Nous sommes au cœur du débat. «Les travailleurs polonais ne subissent pas l’arrivée de migrants africains, mais bien celle de travailleurs ukrainiens», ajoute encore Djordje Kuzmanovic, «lorsqu’il est possible de mal payer des travailleurs sans papiers, il y a une pression à la baisse sur les salaires». Tout autre discours serait similaire à celui du patronat et donc disqualifié. La régularisation des sans-papiers et les mesures visant à interdire le dumping social disparaissent.

La ligne est même franchie pour Jean-Luc Mélenchon. «Le point de vue qu’il exprime sur l’immigration est strictement personnel. Il engage des polémiques qui ne sont pas les miennes», a-t-il fait préciser. «À chaque fois que nous donnons des gages sur le fond au discours de l’extrême droite, je pense que nous perdons notre âme et des plumes», a également jugé Clémentine Autain à propos du mouvement de Sahra Wagenknecht, en revendiquant sa bonne conscience de gauche.

«Nous ne sommes pas une secte mais un collectif vivant, alors évidemment nous avons des débats de fond sur l’ouverture des frontières ou les conditions d’accès à la nationalité», écrit Clémentine Autain. Reste à suivre de quel côté de la pente il sera tranché.

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