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20 janvier 2019 7 20 /01 /janvier /2019 14:33

 

HOMMAGE DE TROTSKY A LIEBKNECHT ET LUXEMBURG

 

Trois jours après leur assassinat, Léon Trotsky écrivait le 18 janvier 1919 un hommage à Karl Liebknecht et à Rosa Luxemburg. Vous trouverez ci-dessous la dernière partie de son hommage. La première partie de son hommage est disponible si vous consultez mon blog personnel à l’adresse ci-dessous. Il est disponible en totalité si vous consultez le site www.marxists.org à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1919/01/190118.htm

http://www.fischer02003.over-blog.com/article-hommage-de-trotsky-a-liebknecht-et-luxemburg-119802822.html

Nous venons ici de chanter le Requiem pour Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Nos chefs ont péri. Nous ne les reverrons plus. Mais combien d'entre vous, camarades, les ont-ils approchés de leur vivant, une minorité insignifiante. Et néanmoins, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg ont toujours été présents parmi vous.

Dans vos réunions et dans vos congrès, vous avez souvent élu Karl Liebknecht président d'honneur. Absent, il assistait à vos réunions et il occupait la place d'honneur à votre table. Car le nom de Karl Liebknecht ne désigne pas seulement une personne déterminée et isolée, ce nom incarne pour nous tout ce qu'il y a de bon, de noble et de grand dans la classe ouvrière, dans son avant-garde révolutionnaire.

C'est tout cela que nous voyons en Karl Liebknecht. Et quand l'un d'entre nous voulait se représenter un homme invulnérablement cuirassé contre la peur et la faiblesse et un homme qui n'avait jamais failli, nous nommons Karl Liebknecht.

Il n'était pas seulement capable de verser son sang. Ce n'est peut-être pas le trait le plus grand de son caractère. Il a osé lever la voix au camp de nos ennemis déchaînés, dans une atmosphère saturée des miasmes du chauvinisme, alors que toute la société allemande gardait le silence et que le militarisme primait. Il a osé élever la voix dans ces conditions et dire que « kaiser, généraux, capitalistes et vous, Philipp Scheidemann qui étouffez la Belgique, qui dévastez le nord de la France et qui voulez dominer le monde entier, je vous méprise, je vous hais et je vous déclare la guerre et cette guerre je la mènerai jusqu'au bout ».

Camarades si l'enveloppe matérielle de Karl Liebknecht a disparu, sa mémoire demeure et demeurera ineffaçable. Mais avec le nom de Karl Liebknecht celui de Rosa Luxemburg se conservera à jamais dans les fastes du mouvement révolutionnaire universel.

Connaissez-vous l'origine des légendes des saints et de leur vie éternelle ? Ces légendes reposent sur le besoin qu'éprouvent les hommes de conserver la mémoire de ceux qui, placés à leur tête, les ont servis dans le bien et la vérité. Elles reposent sur le besoin de les immortaliser en les entourant d'une auréole de pureté.

Camarades, les légendes sont superflues pour nous. Nous n'avons nul besoin de canoniser nos héros. La réalité des événements que nous vivons actuellement nous suffit, car cette réalité est par elle-même légendaire. Elle éveille une puissance légendaire dans l'âme de nos chefs et elle crée des caractères qui s'élèvent au-dessus de l'humanité.

Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg vivront éternellement dans l'esprit des hommes. Toujours, dans toutes les réunions où nous évoquions Karl Liebknecht, nous avons senti sa présence et celle de Rosa Luxemburg avec une netteté extraordinaire, presque matérielle.

Nous la sentons encore, à cette heure tragique, qui nous unit spirituellement avec les plus nobles travailleurs d'Allemagne, d'Angleterre et du monde entier tous accablés par le même deuil et par la même immense douleur. Dans cette lutte et dans ces épreuves, nos sentiments aussi ne connaissent pas de frontières.

Karl Liebknecht n'est pas à nos yeux un leader allemand, pas plus que Rosa Luxemburg n'est une socialiste polonaise qui s'est mise à la tête des ouvriers allemands. Tous deux sont nos frères. Nous sommes unis à eux par des liens moraux indissolubles.

Camarades, nous ne le répéterons jamais assez car Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg avaient des liens étroits avec le prolétariat révolutionnaire russe. La demeure de Karl Liebknecht à Berlin était le centre de ralliement de nos meilleurs émigrés.

Lorsqu'il s'agissait de protester au parlement allemand ou dans la presse allemande contre les services que rendaient les impérialistes allemands à la réaction russe, c'est à Karl Liebknecht que nous nous adressions. Il frappait à toutes les portes et agissait sur tous les cerveaux, y compris ceux de Philipp Scheidemann et de Friedrich Ebert, pour les déterminer à réagir contre les crimes de l'impérialisme.

Rosa Luxemburg avait été à la tête du parti social-démocrate polonais qui forme aujourd'hui avec le parti socialiste le parti communiste polonais.

En Allemagne, Rosa Luxemburg avait, avec le talent qui la caractérisait, approfondi la langue et la vie politique du pays. Elle occupa bientôt un poste de plus en plus en vue dans l'ancien parti social-démocrate.

En 1905, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg prirent part à tous les événements de la révolution russe. Rosa Luxemburg fut même arrêtée en sa qualité de militante active puis relâchée de la citadelle de Varsovie sous caution.

C’est alors qu'elle vint illégalement en 1906 à Petrograd où elle fréquenta nos milieux révolutionnaires, visitant dans les prisons ceux d'entre nous qui étaient alors détenus et nous servant dans le sens le plus large de ce mot d'agent de liaison avec le monde socialiste d'alors. Mais en plus de ces relations toutes personnelles, nous gardons de notre communion morale avec elle, de cette communion que crée la lutte au nom des grands principes et des grands espoirs, le plus beau souvenir.

Nous avons partagé avec elle le plus grand des malheurs qui aient atteint la classe ouvrière universelle, la banqueroute honteuse de la deuxième internationale, au mois d'août 1914. Et c'est avec elle encore que les meilleurs d'entre nous ont élevé le drapeau de la troisième internationale et l'ont tenu fièrement dressé sans faillir un seul instant.

Aujourd'hui, camarades, dans la lutte que nous poursuivons, nous mettons en pratique les préceptes de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg. Ce sont leurs idées qui nous animent quand nous travaillons, dans Petrograd sans pain et sans feu, à la construction du nouveau régime soviétique et, quand nos armées avancent victorieusement sur tous les fronts, c'est encore l'esprit de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg qui les anime.

A Berlin, l'avant-garde du parti communiste allemand n'avait pas encore pour se défendre de forces puissamment organisées. Elle n'avait pas encore d'armée rouge comme nous n'en avions pas dans les journées de juillet 1917 quand la première vague d'un mouvement puissant mais organisé fut brisée par des bandes organisées quoique peu nombreuses. Il n'y a pas encore d'armée rouge en Allemagne mais il y a une en Russie. L’armée rouge est un fait. Elle s'organise et croît en nombre tous les jours.

Chacun de nous se fera un devoir d'expliquer aux soldats comment et pourquoi ont péri Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, ce qu'ils étaient et quelle place leur mémoire doit occuper dans l'esprit de tout soldat et de tout paysan. Ces deux héros sont entrés à jamais dans notre panthéon spirituel.

Bien que le flot de la réaction ne cesse de monter en Allemagne, nous ne doutons pas un instant que l'octobre rouge n'y soit proche.

Et nous pouvons bien dire en nous adressant à l'esprit des deux grands défunts, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, vous n'êtes plus de ce monde, mais vous restez parmi nous. Nous allons vivre et lutter sous le drapeau de vos idées, dans l'auréole de votre charme moral et nous jurons, si notre heure vient, de mourir debout face à l'ennemi comme vous l'avez fait, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.

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