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20 janvier 2019 7 20 /01 /janvier /2019 15:14

 

 

https://www.liberation.fr/planete/2019/01/20/women-s-march-a-new-york-on-a-quand-meme-commence-a-sortir-de-l-obscurite_1704089

 

Women's March à New York, « nous avons quand même commencé à sortir de l’obscurité »

Par Isabelle Hanne, correspondante de Libération à New York

La marche annuelle des femmes se déroulait Samedi 19 Janvier 2019 dans plusieurs métropoles américaines, sur fond de bras de fer contre Donald Trump et d'élan donné par les élections de mi-mandat.

Le cortège n’a pas manqué de huer copieusement l’une des tours que possède Donald Trump à Manhattan, au sud de Central Park. C’est au pied du Trump International Hotel and Tower que débutait en effet, Samedi 19 Janvier 2019, la troisième édition de la Women’s March à New York. Les manifestants, dont de nombreuses femmes, en feront de même un peu plus loin sur la Sixième Avenue devant les locaux de News Corporation, le groupe propriétaire de Fox News, chaîne acquise à Donald Trump et au camp républicain. Outre la marche principale à Washington, des manifestations étaient organisées dans de nombreuses villes américaines. Avec une tonalité toujours aussi politique que lors des éditions précédentes, deux ans après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, mais galvanisées cette fois par les victoires démocrates et féminines des élections de mi-mandat, au mois de novembre 2018, et l’élection présidentielle de 2020, déjà, en ligne de mire.

« C’est vrai que cela m’a redonné espoir », sourit Ashley, qui travaille dans un hôtel à Albany, la capitale de l’état de New York, « les élections de mi mandat ont montré qu’il y avait plein de femmes fortes dans ce pays, à la fois pour être élues et pour les élire ». Un nombre record de femmes ont été élues au congrès lors des élections parlementaires du mois de novembre 2018 et les démocrates ont repris la majorité à la chambre des représentants. « Surtout, nous commençons à avoir un congrès qui nous ressemble », se félicite Johana, une jeune travailleuse sociale d’origine mexicaine, « de toutes les manifestations depuis l’élection de Donald Trump », assure-t-elle. « Fuck Kelly », enjoint sa pancarte d’un côté, « protégez les filles de couleur » de l’autre, en référence aux accusations de pédophilie et d’agressions sexuelles dont le chanteur est l’objet.

Diane, une retraitée de soixante et un ans, est venue du Connecticut. « Tout ce que je souhaite, c’est qu’en 2020, on élise un président, démocrate ou républicain, qui se préoccupe des américains et pas juste de sa petite personne », avance-t-elle. Comme beaucoup de manifestants, elle arbore un pussy hat, ces bonnets roses en forme de tête de chat, devenus le symbole de la mobilisation des femmes lors de la première marche, au lendemain de l’investiture de Donald Trump au mois de janvier 2017. Elle a également tricoté celui de Tony, un voisin qui l’accompagne, cette fois aux couleurs du drapeau jamaïcain, son pays d’origine. « Donald Trump a fait du mot immigré une insulte », s’agace ce chauffeur routier, « nous sommes tous des immigrés ici. Toute cette démagogie, ces fake news et ces appels aux bas instincts et, pendant ce temps, rien n’est fait et le gouvernement est embourbé dans le shutdown ».

La nouvelle élue démocrate de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, participait à la marche des femmes à New York.

Samedi 19 Janvier 2019 marquait le vingt-neuvième jour du plus long shutdown de l’histoire, cette paralysie partielle du gouvernement. Plus de huit cent mille employés fédéraux ont été mis au chômage technique ou doivent travailler sans être payés, pris dans un bras de fer entre Donald Trump et le congrès, le congrès refusant de voter une loi budgétaire pour financer le mur à la frontière sud qui obsède Donald Trump. Dans le cortège du Samedi 19 Janvier 2019, de nombreuses pancartes évoquent d’ailleurs la condition de ces employés privés de salaire et elles parodient Donald Trump en Humpty Dumpty juché sur son mur, duquel il finit par tomber si l’on en croit la comptine anglaise. Samedi 19 Janvier 2019, le président a fait des propositions, extension de permis de séjour et statut temporaire pour environ un million de migrants qui risquent d’être expulsés des Etats-Unis, en échange du financement du mur. Avant même son discours, le leader de la majorité démocrate à la chambre des représentants, Nancy Pelosi, avait déjà rejeté l’offre, éventée dans la presse.

Comme pour les autres éditions, les slogans de la troisième Women’s March ratissent large. Contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes, pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes et pour le droit à l’avortement, mais également des appels à la destitution de Donald Trump, pour la solidarité pour les migrants, pour une plus ferme régulation des armes à feu et pour la lutte contre le changement climatique. Et avec esprit et créativité, comme souvent dans les manifestations américaines, « Obama, tu rentres bientôt à la maison, la baby-sitter est bizarre » et « j’ai vu des cabinets plus intelligents à Ikea ».

A New York, les organisatrices attendaient cent mille personnes. Mais à cause de divisions internes au sein des fondatrices de la Women’s March, il y avait deux rassemblements distincts ce samedi à New York comme dans d’autres villes, Samedi 19 Janvier 2019. Accusant certaines fondatrices d’antisémitisme, l’une des co-présidentes a notamment participé à un meeting du leader du mouvement Nation of Islam, Louis Farrakhan, aux propos régulièrement antisémites, un clan a choisi cette année de faire bande à part. La militante américano-palestinienne Linda Sarsour, autre co-présidente, a réfuté les accusations et elle a assuré que l’organisation existait justement « pour combattre l’intolérance et la discrimination sous toutes ses formes, dont l’homophobie et l’antisémitisme ».

« C’est vraiment absurde, je ne savais pas où aller », regrette Jordan, un étudiant de vingt quatre ans, qui s’est finalement rendu au rassemblement de Foley Square, au sud de Manhattan, « cela a donné beaucoup de confusion à la mobilisation ». Lucy, une manifestante de soixante six ans, fait une moue agacée, « quel dommage, ces jeunes ont réussi à créer un mouvement dingue en partant de rien et là elles se tirent dans les pattes. Alors que c’est toujours la même histoire. Un mouvement qui se divise, c’est un mouvement qui s’affaiblit ». Cette formatrice pour enseignants, militante féministe depuis toujours, se félicite néanmoins de l’avancée de la cause ces dernières années, « nous avons quand même commencé à sortir de l’obscurité. Quand j’étais jeune, le harcèlement sexuel était quasiment la norme. Mais nous avançons millimètre par millimètre et il ne faut surtout pas rester assis et s’en satisfaire ».

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