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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 12:37

 

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/10/en-algerie-le-porte-parole-d-un-parti-d-opposition-condamne-a-deux-ans-de-prison_6108900_3212.html

 

En Algérie, le porte-parole d’un parti d’opposition condamné à deux ans de prison

Membre du Mouvement Démocratique et Social (MDS), une formation de gauche laïque agréée par l'état, Fethi Ghares était notamment poursuivi pour atteinte à la personne du président de la république.

Par Madjid Zerrouky

Lundi 10 Janvier 2022

Au juge qui l’interrogeait sur sa volonté de changer le régime, Fethi Ghares avait répondu que, en démocratie, le combat politique se déroule dans l’espace public et que c’est le peuple qui tranche, « je suis le coordonnateur d’un parti politique. Cette qualité, je la garde même dans ma cellule ».

Jugé Dimanche 26 Décembre 2021, ce militant du MDS, une formation algérienne de la gauche laïque engagée en 2019 dans les manifestations du hirak contre le régime, a été condamné à deux ans de prison ferme, Dimanche 9 Janvier 2022. Ce verdict contre le responsable d’un parti légal et agréé par les autorités, marque une nouvelle escalade dans la répression en Algérie, s’inquiètent les opposants et les avocats.

Le porte-parole du MDS avait été arrêté le 30 juin 2021. Placé en détention, il était poursuivi pour atteinte à la personne du président de la république, outrage à corps constitué, diffusion au public de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national, diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’unité nationale et diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’ordre public. Des accusations qui reposent sur les publications de Fethi Ghares sur le réseau social Facebook et des échanges privés extraits de son téléphone. Le procureur avait requis trois ans de prison, sans prendre la peine de plaider.

« Fethi Ghares a contredit le sultan », remarquait l’un de ses défenseurs pendant l’audience du Dimanche 26 Décembre 2021, rappelant le soutien de l’opposant à un journaliste que le président, Abdelmadjid Tebboune, avait publiquement qualifié de pyromane. Détenu pendant six mois, Rabah Karèche, du quotidien Liberté, avait été inculpé après avoir rendu compte d’un mouvement de protestation dans le sud algérien. Quelques jours avant l’arrestation de Fethi Ghares, le siège du MDS avait d’ailleurs abrité un rassemblement de soutien au journaliste emprisonné.

Ses locaux, dans le centre d’Alger, ont coutume d’accueillir des rencontres d’activistes et de militants qui, interdits de se réunir dans l’espace public ou dans des espaces assujettis à une autorisation de l’administration, ont recours aux sièges des partis amis de l’opposition. Ces trois dernières années, Fethi Ghares a été interpellé une demi-douzaine de fois en marge de manifestations en Algérie.

« En ciblant Fethi Ghares, le pouvoir cherche aussi à interdire toute possibilité d’articuler les luttes politiques et les luttes sociales », estime Yacine Teguia, membre de la direction du MDS, en soulignant que la crise économique s’aggrave dans le pays, soumis à des tensions inflationnistes et à des pénuries de produits de base. « Il n’est pas le seul. D’autres militants ont été lourdement condamnés, je pense notamment au président de l’association SOS Bab el-Oued, Nacer Meghnine », ajoute-t-il en référence au sort réservé à l’animateur d’une organisation culturelle créée dans les années 1990 et très active dans ce quartier populaire de l’ouest d’Alger. Au mois de septembre 2021, Nacer Meghnine a été condamné à huit mois de prison ferme pour, entre autres accusations, sa participation à des délits qui portent atteinte à l’intérêt national et à l’unité nationale.

« Le MDS subit la répression depuis des années. Le comportement du pouvoir actuel est dans la droite ligne de l’époque d’Abdelaziz Bouteflika, quand les arrestations et les poursuites judiciaires nous visant étaient nombreuses et que des militants de notre mouvement ont connu la prison », dit Yacine Teguia, « ces persécutions judiciaires se manifestaient déjà par l’interdiction de nos activités politiques. La situation actuelle révèle un nouveau calcul du pouvoir qui est la volonté de s’attaquer à l’un des courants qui ont émergé du hirak ».

D’autres partis de l’opposition sont ainsi menacés par les autorités. Ils partagent avec le MDS un soutien aux détenus d’opinion et leur appartenance au Pacte de l’Alternative Démocratique (PAD), un regroupement d’organisations du camp démocrate qui a été créé au mois de juin 2019 avec l’ambition de construire une autre offre politique. « Fethi Ghares y joue un rôle éminent. C’est le regroupement des forces progressistes qui est visé », dit Yacine Teguia.

Dans le collimateur des autorités, il y a notamment le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), mis en demeure par le ministère de l’intérieur de ne plus ouvrir ses locaux au mouvement associatif ou à d’autres forces politiques pour des réunions qualifiées d’illégales par les autorités. Le RCD est l’un des premiers partis d’opposition créés au lendemain de l’ouverture politique qui avait suivi les émeutes du mois d’octobre 1988. Il risque une dissolution, tout comme l’Union pour le Changement et le Progrès (UCP) et le Parti Socialiste des Travailleurs (PST), également membres du PAD.

L’application à la lettre de la loi très restrictive qui régit la vie des partis politiques algériens depuis trois décennies signifie de fait qu’il est désormais interdit aux partis politiques légaux d’exercer une activité militante et publique hors des bâtiments où siègent les institutions élues locales ou nationales, y compris dans leurs propres locaux.

Plus de deux cents personnes sont actuellement derrière les barreaux en Algérie pour des faits en lien avec le hirak, selon le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD).

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