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28 mars 2024 4 28 /03 /mars /2024 12:36

 

 

https://fr.timesofisrael.com/un-nouveau-mouvement-arabo-juif-organise-des-evenements-demandant-un-cessez-le-feu/

 

Un nouveau mouvement arabo-juif organise des événements demandant un cessez-le-feu

Après des mois de silence, des Arabes israéliens ont rejoint des activistes juifs de gauche appelant à la fin de la guerre. D'autres disent que le jour d'après est déjà là

Alors que l’offensive israélienne à Gaza a commencé il y a maintenant près de six mois, une cinquantaine de groupes de la société civile, de gauche et arabes israéliens, se sont réunis pour lancer une campagne appelant au cessez-le-feu. Ils ont récemment intensifié leurs efforts dans cet objectif et ils sont aussi sortis de l’ombre.

Alors que de modestes mouvements de protestation contre la guerre, distincts des vastes rassemblements réclamant la libération des otages, ont lieu à Tel Aviv toutes les semaines depuis des mois, la société civile arabe israélienne s’est, pour sa part, abstenue de manifester ouvertement. Des citoyens arabes israéliens, avec notamment parmi eux certaines personnalités de premier plan, ont été arrêtés pour des messages parus sur les réseaux sociaux qui auraient contrevenu aux lois contre les incitations au terrorisme dans le sillage de la déclaration de guerre. Les autorisations nécessaires pour organiser des regroupements dans les villes arabes sont également particulièrement difficiles à obtenir auprès de la police, expliquent les activistes.

Cette coalition contre la guerre, le Partenariat pour la Paix, a fait sa première apparition publique à Haïfa, au mois de janvier 2024, avec un rassemblement réunissant Juifs et Arabes qui a attiré au moins cinq cents participants. Le mouvement de protestation suivant a eu lieu à Tira, une ville de la zone du triangle, un secteur à majorité arabe du centre d’Israël, et il a mobilisé deux cent cinquante israéliens. Le 9 mars 2024, un événement tenu à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes à Taybeh, dans la zone du triangle, avait été suivi par une manifestation pour la paix avec environ trois cents participants, soit le double de ce que les organisateurs avaient prévu.

« C’était très émouvant de voir les Juifs et les Arabes côte à côte demandant un cessez-le-feu. Cela me donne l’espoir de voir un plus grand nombre de personnes s’engager dans ces rassemblements », commente Nisreen Morqus, qui a aidé à mettre au point la manifestation de Taybe. Nisreen Morqus est la secrétaire-générale de Tandi, le Mouvement des Femmes Démocratiques d’Israël (MFDI), un groupe affilié au parti radical Hadash, à majorité arabe.

Si l’activiste fait part de sa sympathie pour les otages israéliens actuellement détenus par le Hamas, elle estime qu’une opération militaire n’est pas le bon moyen pour garantir leur libération.

« Si j’avais un membre de ma famille retenu en otage à Gaza, je ne parviendrais pas à dormir la nuit ou à rester à ne rien faire, mais il est impossible d’espérer le retour des otages sans que cette guerre ne s’arrête. Très peu de familles d’otages ont appelé à un cessez-le-feu. Les Israéliens doivent comprendre qu’il n’y a pas de gagnant dans une guerre. Il n’y a que des perdants. Une guerre ne fait qu’approfondir le conflit, l’hostilité et la haine entre nos deux peuples. Le regroupement en faveur du cessez-le-feu qui s’est tenu sur la route principale de Tira, le 9 mars 2024, a été salué par les résidents arabes locaux et les automobilistes qui passaient par là klaxonnant en signe de soutien aux manifestants. Les Arabes israéliens ne s’expriment pas et ils ne collectent pas des fonds pour des dons alimentaires à Gaza. Ils se sentent impuissants. Chaque matin, nous nous réveillons en apprenant la mort de dizaines de palestiniens à Gaza, avec des familles qui n’ont plus assez de place pour enterrer leurs défunts. C’est devenu une nouvelle norme. C’est comme si les palestiniens de Gaza n’étaient plus considérés comme des êtres humains ». dit Nasreen Morqus.

Au vu du soutien écrasant apporté à la guerre par les juifs israéliens, il serait d’environ quatre-vingt pour cent, selon un sondage réalisé au mois de janvier 2024 par l’institut des études de sécurité nationale, les mouvements de protestation en faveur d’un cessez-le-feu seraient très impopulaires dans les localités à majorité juive, commentent les organisateurs du Partenariat pour la Paix.

« Ces rassemblements sont possibles à Tel Aviv, mais pas à Kfar Saba », dit Irit Levanon, évoquant d’une part la ville connue pour son caractère libéral et, d’autre part, une localité résidentielle accueillant la classe moyenne, dans le centre d’Israël. Levanon est organisatrice régionale au sein du groupe activiste judéo-arabe Standing Together, qui est également membre du Partenariat pour la Paix.

« La prochaine manifestation du Partenariat pour la Paix réunira les activistes dans la ville mixte d’Akko, près d’Haïfa, le mercredi 27 mars 2024 », dit Nasreen Morqus, faisant remarquer que les actions publiques de la coalition deviennent en ce moment de plus en plus fréquentes.

Mohammad Barakeh, ancien député de la faction radicale Hadash, avait été arrêté, le 9 novembre 2023, avec trois autres responsables arabes israéliens de premier plan alors qu’il se rendait à un rassemblement non autorisé prévu à Nazareth qui, selon la police, pouvait être l’occasion d’incitations au terrorisme et qui était susceptible de troubler l’ordre public.

Mohammad Barakeh s’est souvenu de cette rencontre avec les forces de l’ordre et de sa courte détention à l’occasion d’une conférence organisée par le Partenariat pour la Paix à Jérusalem qui, la semaine dernière, s’est déroulée sous le titre de « demandez la paix et vous pourrez être poursuivi ». L’objectif de ce sommet était de dénoncer le musellement des voix de l’opposition qui condamnent la guerre.

Au mois de novembre 2023, la police israélienne avait indiqué que la manifestation n’avait pas été autorisée alors que les organisateurs avaient, de leur côté, affirmé que le nombre de participants serait en-deçà du seuil légal de cinquante participants, une autorisation étant exigée en cas de dépassement de ce seuil. Les médias arabes, pour leur part, avaient décrit le rassemblement programmé comme une veillée seulement sur invitation.

Prenant la parole devant un public de quelques dizaines de membres de groupes locaux issus de la société civile, la semaine dernière, Mohammad Barakeh a estimé que les limitations apportées à la liberté d’expression sous couvert de prévenir d’éventuelles incitations au terrorisme entraient dans le cadre d’un phénomène plus large qui est en train de submerger la société israélienne.

« Il y a eu une dégradation constante qui tend vers le fascisme en Israël, ces dernières années. Depuis la fondation de l’État, en 1948, les Arabes israéliens ont subi des persécutions et le racisme, mais avec la Loi sur l’État-nation, la discrimination a été ancrée dans la constitution », a-t-il déclaré, faisant référence à une Loi fondamentale controversée adoptée en 2018, qui définissait Israël comme État-nation du peuple juif.

« Tout cela a pris des proportions effrayantes, pas seulement à cause des arrestations motivées par des messages parus sur Facebook, mais à cause de l’atmosphère qui règne dans d’importantes parties du public israélien », a-t-il ajouté.

L’ancien député a dénoncé la quasi-disparition d’un camp de la paix mainstream au sein de la politique israélienne, un camp qui avait tenu un rôle déterminant dans le soutien apporté à la signature des Accords d’Oslo avec les Palestiniens dans les années 1990.

« Politiquement, le centre-gauche s’est vidé. Vous avez quelques politiciens dans le camp de la paix, Meretz et Avoda, puis vous passez directement à Yair Lapid, », a dit Mohammad Barakeh, faisant référence au leader de la formation centriste Yesh Adid, il n’y a rien entre les deux.

Mohammad Barakeh est l’actuel président de l’organisation-cadre de la communauté arabe, la Haute Commission de Suivi, qui a aussi été active dans les manifestations en faveur d’un cessez-le-feu et qui a organisé un important rassemblement dans le village arabe de Kafr Kanna, le 2 mars 2024, avec mille cinq cents participants.

Les autres intervenants, dans le panel, se sont accordés pour dire que la suppression de la liberté d’expression était un phénomène sans précédent pour les Arabes israéliens, un phénomène qui n’avait plus été observé depuis les périodes les plus sanglantes de leur passé, comme cela avait été le cas lors de la Seconde Intifada de 2000 à 2005.

Certains participants ont toutefois vu l’opportunité d’un changement radical des relations entre les Israéliens et les Palestiniens après le bain de sang du samedi 7 octobre 2023, quand des milliers de militants du Hamas ont franchi la frontière séparant Israël de la bande de Gaza, quand ils ont tué mille deux cents Israéliens, en majorité des civils, et quand ils ont kidnappé deux cent cinquante-trois autres israéliens. Israël a lancé une campagne militaire en riposte dont l’objectif est de libérer les otages et d’anéantir le Hamas, une offensive qui, selon les chiffres du Hamas, aurait entraîné la mort de plus de trente et un mille palestiniens de Gaza.

Yehudit Oppenheimer, directeur du groupe de gauche Ir Amim pour les résidents de Jérusalem-Est, qui est également membre de la coalition du Partenariat pour la Paix, a dit que les forces de droite, dans la capitale, ont utilisé la guerre à Gaza pour faire avancer leur ordre du jour, citant les récentes démolitions des habitations d’activistes palestiniens de premier plan, comme Fakhri Abu Diab.

« Le jour d’après la guerre dont tout le monde parle est d’ores et déjà arrivé, à Jérusalem et dans les villes mixtes. Il y a des alternatives potentielles et il y a de potentiels partenariats au niveau local. Jérusalem est la ville qui compte la plus grande population d’Israéliens et de Palestiniens à la fois. C’est une ville d’espoir », a dit Yehudit Oppenheimer.

La députée Aida Touma-Sliman de la faction radicale Hadash, autre membre du panel, a exprimé elle aussi un espoir prudent, « il est impossible de revenir au 6 octobre 2023, quand l’état de notre démocratie était d’ores et déjà problématique, mais peut-être pourrons-nous créer une nouvelle réalité. Pour le moment, nous laissons la droite créer le jour d’après. Cela ne devrait pas être une option après toutes nos années de combat. La guerre a eu un résultat positif, la question d’un état palestinien est revenue sur la table et la question est de savoir si nous pouvons créer une force politique influente à partir de ce mouvement ».

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