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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 15:30

Le 20 Septembre 1960, en plein procès du réseau Jeanson, Maître Roland Dumas prend la parole pour lire une lettre de Jean Paul Sartre, « retenu au Brésil pour une tournée de conférences ». O n apprendra que cette missive n’était qu’un pastiche, rédigé par Marcel Péju, des Temps modernes, avec l’accord du philosophe. Elle n’en fait pas moins l’effet d’une bombe. Extraits.

Mattea Battaglia, Le Monde Magazine, 20 février 2010

« C’est peu que d’affirmer ma « solidarité totale » avec les accusés : encore faut il dire pourquoi. (…) Je connais assez bien, par Francis Jeanson, les conditions dans lesquelles travaillait le « réseau de soutien » dont on fait aujourd’hui le procès. Jeanson, je le rappelle, compta longtemps parmi mes collaborateurs (…) J’ai suivi jour après jour ses efforts qui furent ceux de la gauche française pour trouver une solution à ce problème par les moyens légaux. Et c’est seulement devant l’évidente impuissance de cette gauche, qu’il s’est résolu à entrer dans l’action clandestine (…)

Mais il convient ici de dissiper une équivoque : la solidarité pratiquée avec les combattants algériens ne lui était pas seulement dictée par de nobles principes ou par la volonté générale de combattre l’oppression partout où elle se manifeste : elle procédait d’une analyse politique de la situation en France même. L’indépendance de l’Algérie en effet est acquise. Elle interviendra dans un an ou dans cinq ans, par accord avec la France ou contre elle, après un référendum ou par l’internationalisation du conflit, je l’ignore, mais elle est déjà un fait. (…) Ce qui ne l’est pas, c’est l’avenir de la démocratie en France.

Car la guerre d’Algérie a pourri ce pays. L’amenuisement progressif des libertés, la disparition de la vie politique, la généralisation de la torture, l’insurrection permanente du pouvoir militaire contre le pouvoir civil, marquent une évolution que l’on peut sans exagération qualifier de fasciste. Devant cette évolution, la gauche est impuissante, et elle le restera si elle n’accepte pas d’unir ses efforts à la seule force qui lutte aujourd’hui réellement contre l’ennemi commun des libertés algériennes et des libertés françaises. Et cette force, c’est le FLN (…)

Je ne pense pas qu’il y ait dans ce domaine des tâches nobles et des tâches vulgaires, des activités réservées aux intellectuels et d’autres indignes d’eux. Les professeurs de la Sorbonne, pendant la Résistance, n’hésitaient pas à transmettre des plis et à faire des liaisons. Si Jeanson m’avait demandé de porter des valises ou d’héberger des militants algériens, et que j’aie pu le faire sans risque pour eux, je l’aurais fait sans hésitation. » 



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