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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 19:56

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Lettre de Pietro Tresso à Gabriella Maier

Pietro Tresso, dit « Blasco », naît en Vénétie en 1893. Il est, avec Antonio Gramsci et Amadeo Bordiga, l’un des fondateurs du Parti Communiste Italien (PCI). Il en est exclu en 1930, alors que Staline triomphe à Moscou et qu’Antonio Gramsci est en prison depuis quatre ans.

La ligne majoritaire, représentée par Palmiro Togliatti et Luigi Longo, demeure fidèle à l’union soviétique.

Il rejoint « l’opposition de gauche » et pratique un temps « l’entrisme » au sein du Parti Socialiste Italien en exil à Paris. Le courant trotskiste est exclu du parti en 1935.

En 1936, il est des créateurs du Parti Ouvrier Internationaliste. En août 1936, Palmiro Togliatti publie « l’appel aux fascistes » signé par tout le comité central du PCI émigré en France. Il déclare notamment que « les communistes adoptent le programme fasciste de 1919 qui est un programme de paix, de liberté et de défense des intérêts des travailleurs. Peuple italien, fascistes de la vieille garde, jeunes fascistes, luttons ensemble pour la réalisation de ce programme ».

Arrêté par les nazis à Marseille en juin 1942, Pietro Tresso est incarcéré à la prison de Lodève. Dans une lettre de novembre 1942 à sa belle-soeur Gabriella Maier, il écrit que « le point noir, pour nous ici, ce sont nos rapports avec les staliniens. Pour ces messieurs, nous sommes, naturellement, une bande de vipères lubriques et tout le tralala que sans doute vous connaissez. Par conséquent, nos rapports avec eux se résument dans le manque de tout rapport, quels qu’ils soient. Eux nous ignorent et nous les ignorons. Au point de vue personnel, cela ne me gêne nullement, mais leur haine contre nous est sans bornes, tant pis ».

Le premier septembre 1943, il bénéficie avec soixante-dix-huit autres détenus, dont quatre trotskistes, d’une évasion spectaculaire de la prison du Puy. Les trotskistes sont tenus par la suite sous haute surveillance au lieu-dit Raffy, dans les environs de Saint Julien Chapteuil.

L’un d’eux, Albert Demazière, est gardé à l’écart, et parvient à s’enfuir. Les quatre autres sont abattus le 26 ou le 27 octobre 1943 par un groupe de partisans communistes, sous l’égide de Giovanni Sosso, dit capitaine Jean. Les responsabilités en haut lieu, tant du PCI que du PCF, restent aujourd’hui difficiles à déterminer avec précision, même si l’existence de consignes ne fait aucun doute. Un cinquième homme, Paul Maraval, ancien combattant de la guerre d’Espagne et membre des Jeunesses Communistes, qui avait sympathisé avec les trotskistes, est « liquidé » au printemps 1944. D’après un témoignage recueilli par Pierre Broué et Raymond Vacheron, son corps aurait été ensuite coulé dans le ciment d’un barrage.

Voici un second extrait de la lettre de Pietro Tresso

« C’est parce que nous sommes restés jeunes que nous nous trouvons pratiquement en dehors des diverses églises. Les mêmes aspirations morales qui nous ont poussés, dès notre jeunesse, à l’intérieur d’un parti, nous ont poussés en dehors dès qu’elles se sont trouvées en désaccord avec ce qu’on appelle les nécessités pratiques. Si nous avions vieilli, nous aurions entendu la voix de l’expérience, nous serions devenus des sages, nous nous serions adaptés, ainsi que beaucoup d’autres, à la rue, au mensonge et au sourire obséquieux envers les divers fils du peuple. Mais cela nous a été impossible. Parce que nous sommes restés jeunes. Et pour cela toujours insatisfaits de ce qui est et aspirant toujours à quelque chose de mieux. Ceux qui ne sont pas restés jeunes sont en réalité devenus des cyniques. Pour eux, les hommes et toute l’humanité ne sont que des instruments, que des moyens qui doivent servir à leurs buts particuliers, même si ces buts sont couverts avec des phrases d’ordre général, pour nous, les hommes et toute l’humanité sont les seules véritables réalités existantes. Naturellement, tout ceci est bien générique. Encore faudrait-il établir la liaison nécessaire entre les forces morales qui sont en nous et la réalité quotidienne. C’est ici que les véritables difficultés surgissent. Mais une chose me paraît certaine, il est impossible de supporter en silence ce qui heurte les sentiments les plus profonds de l’homme. Nous ne pouvons pas admettre comme justes les actes que nous sentons et nous savons être injustes, nous ne pouvons pas dire que ce qui est vrai est faux et que ce qui est faux est vrai sous prétexte que cela sert à telle ou à telle autre des forces en présence. En définitive, cela retombe sur l’humanité entière et, donc, sur nous-mêmes, et cela briserait la raison même de notre effort ».

Prison militaire de Lodève, novembre 1942.

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