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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 20:54

 

http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/12/28/l-obsession-kurde-de-recep-tayyip-erdogan_5054775_3232.html

 

L’obsession kurde de Recep Tayyip Erdogan

 

Editorial du Monde

 

Le procès de neuf intellectuels qui s’ouvre Jeudi 29 Décembre 2016 à Istanbul, illustre la dérive autoritaire et sécuritaire du président turc.

Jusqu’où ira Recep Tayyip Erdogan ? Le procès de neuf intellectuels turcs, dont l’écrivaine Asli Erdogan, qui s’ouvre Jeudi 29 Décembre 2016 à Istanbul, est une nouvelle manifestation de la dérive autoritaire et sécuritaire du président d’une Turquie de plus en plus éloignée de l’Europe. Il montre aussi à quel point l’obsession kurde de ce dirigeant, qui domine la scène politique turque depuis 2003, est devenue destructrice pour lui et pour son pays.

Auteure talentueuse de nouvelles traduites dans plusieurs langues, y compris en France aux éditions Actes Sud, Asli Erdogan, dont l’homonymie avec le président est fortuite, détenue depuis le 17 août 2016, risque la prison à perpétuité pour « atteinte à l’intégrité de l'état » et appartenance à une « organisation terroriste ». Le seul crime de cette intellectuelle de quarante neuf ans, en réalité, est d’avoir critiqué le pouvoir dans un quotidien, Ozgür Gündem, accusé de soutenir le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement armé de la rébellion kurde. Cinq des coaccusés d’Asli Erdogan sont en fuite et les trois autres ont été, comme elle, placés en détention. Les victimes de cette gigantesque purge déclenchée par le président Recep Tayyip Erdogan dans la foulée du coup d'état manqué du Vendredi 15 Juillet 2016 se comptent aujourd’hui par dizaines de milliers. Près de quarante mille personnes ont été mises en examen, sans compter celles qui ont été écartées de leur poste. Quelque cent soixante médias et plus de cinq cent associations ont été fermés.

La guerre en Syrie et ses conséquences régionales ont provoqué un durcissement de Recep Tayyip Erdogan à l’égard de la question kurde. Ce qui était essentiellement un problème interne, avec une communauté qui constitue de quinze à vingt pour cent de la population de Turquie, est devenu pour le président turc un problème régional, à partir du moment où les alliés occidentaux de la Turquie se sont appuyés sur les combattants kurdes syriens pour mener leur offensive contre l’organisation Etat Islamique en Syrie.

La victoire kurde à Kobané, en Syrie, au mois de janvier 2015, a aggravé son inquiétude de voir les mouvements kurdes de Turquie et de Syrie unir leurs forces. Au mois de juin 2015, aux élections législatives en Turquie, le parti démocratique des peuples (HDP) arrachait un score sans précédent de treize pour cent des voix, privant le parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan d’une majorité absolue.

Au cours de l’été 2015, des insurrections déclenchées par le PKK dans des villes du sud-est de la Turquie ont accru la tension. De nouvelles élections organisées au mois de novembre 2015 n’ont pas réussi à annihiler l’influence du HDP.

La tentative de coup d'état du Vendredi 15 Juillet 2016, que le président Recep Tayyip Erdogan a attribuée à son adversaire exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, a fourni l’occasion d’une offensive générale contre le mouvement politique kurde. Les dirigeants du HDP, qui avaient pourtant condamné le putsch, ont été démis de leur siège de député. Les deux coprésidents du HDP, de nombreux députés et maires sont à présent en prison.

Tournant le dos à l’Europe et à son allié traditionnel américain, le président turc noue aujourd’hui un partenariat avec la Russie et l’Iran à la faveur du conflit syrien. Il se trouve que la Turquie est membre de l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et du conseil de l’Europe. Peut-elle prétendre l’oublier ? Mardi 27 Décembre 2016, Recep Tayyip Erdogan a accusé les occidentaux de soutenir l’Etat Islamique en Syrie. Si c’est un jeu destiné à impressionner la future administration américaine, parfaitement imprévisible, ce jeu risque de se retourner contre le président turc lui-même.

 

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