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7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 18:32
Fatah et Hamas s’affrontent sur le campus de Naplouse
 
Tensions accrues entre étudiants des factions rivales après des heurts qui ont fait un mort.
 
Par DELPHINE MATTHIEUSSENT
 
QUOTIDIEN : mardi 7 août 2007
 
«N ous défions le présent pour façonner le futur.» Le slogan surmonte fièrement la porte d’entrée de l’université Al-Najah à Naplouse, une des principales universités de Cisjordanie. Pour Bayan Dahaghmeh, 20 ans, étudiante en arabe, le défi, ces derniers jours, lorsqu’elle se rend à l’université, est d’oublier. Elle tente d’effacer de son esprit les scènes de violence
auxquelles elle a assisté le 24 juillet sur le campus, lorsque des heurts opposant des sympathisants du Fatah et du Hamas ont fait un mort et plusieurs blessés.
 
«Provocation».  «Les images du meurtre de Mohammed [étudiant membre du Hamas tué pendant les affrontements par un homme du Fatah, ndlr] - la façon dont ils lui ont tiré dessus à bout portant, alors qu’il avait le dos tourné - m’obsèdent», explique d’une voix saccadée la jeune fille, une sympathisante du Hamas, la tête couverte d’un hijab blanc. «J’étais juste à côté. Le bas de ma robe a été éclaboussé de son sang. Chaque fois que je me souviens de ce qui s’est passé, j’ai l’impression que je vais m’effondrer.» Les étudiants en sont venus aux mains après la publication par des représentants Hamas du campus d’un communiqué condamnant l’arrestation de trois Palestiniens armés par des militaires ­israéliens.
Les organisations étudiantes s’étaient engagées en juin, peu de temps après la prise du pouvoir du Hamas à Gaza, à s’abstenir de toute activité à caractère politique afin de ne pas menacer le fragile équilibre au sein de l’université, où les partis rivaux sont arrivés à égalité lors des dernières élections universitaires, en novembre 2006. Suite à la publication du communiqué, des membres des Brigades Al-Aqsa, un groupe ­armé affilié au Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas, ont dénoncé la «provocation» du Hamas et sont ­intervenus sur le campus, où ils ont ouvert le feu. Sept étudiants ont été blessés, dont trois par balles. L’un d’entre eux, grièvement atteint, est décédé peu de temps après.
Depuis la violente prise de pouvoir du mouvement islamiste dans la bande de Gaza mi-juin, les arrestations de membres du Hamas par les services de sécurité du Fatah en Cisjordanie ont provoqué un regain de tension sur les campus universitaires. L’hostilité latente entre étudiants du Hamas et du Fatah s’est à plusieurs ­reprises transformée en violences ouvertes. Mi-juillet, quelques jours avant les incidents de l’université de Naplouse, l’université de Bir Zeit, près de ­Ramallah, a ainsi fermé ses portes pour quelques jours en raison d’incidents entre étudiants des deux mouvements palestiniens rivaux.
«Depuis la fusillade d’il y a dix jours, l’atmosphère est complètement viciée sur le campus, explique Leyali Ya’iish, 21 ans, qui suit des cours en quatrième année d’art à l’université de Naplouse. La division entre Hamas et Fatah est devenue très claire, les groupes d’étudiants du Fatah sont d’un côté, ceux du Hamas de l’autre. Ils ne se parlent pas, ne se regardent pas et s’évitent dans les couloirs. Je reste avec mon groupe des ni Fatah ni Hamas , et quand je vois [les groupes du Fatah et du Hamas] je tremble et je fiche le camp. Comment étudier normalement dans ces conditions ?»
Les événements de Gaza n’expliquent pas à eux seuls les incidents récents. «En 1982, lorsque les islamistes avaient remporté les élections universitaires, le Fatah n’avait pas accepté le résultat, cela avait dégénéré en violence, et l’université avait fermé pendant deux mois. Le fond du problème est toujours le même : l’administration de l’université de Naplouse est traditionnellement pro-Fatah et les étudiants islamistes s’y sentent discriminés. Quand vous ajoutez à cela les événements de ­Gaza et la présence massive des groupes armés à Naplouse, vous parvenez au drame d’il y a dix jours», explique Iyad Barghouti, professeur de sciences politiques et directeur du Centre de Ramallah pour les droits de l’homme.
 
«Orage».  Une discrimination anti-Hamas formellement récusée par la direction d. «L’éducation est notre priorité, et nous tenons à maintenir une stricte neutralité à l’égard des étudiants du Fatah et du Hamas, assure Nabil Alawi, directeur de la communication de l’université de Naplouse. La situation sur le campus est stable, les étudiants sont ­occupés à s’inscrire pour le semestre d’automne. Nous avons pris tous les ­contacts auprès des responsables du ­Fatah et du Hamas pour éviter toute nouvelle violence sur le campus.» Pour ­Ahmad Daas, 21 ans, membre Fatah du conseil des étudiants, le calme actuel sur le campus pourrait n’être qu’illusoire. «C’est le calme avant l’orage. Quand le ­semestre d’automne commencera, il n’y aura non pas 7 000 étudiants, comme c’est le cas actuellement, mais 16 000, et les tensions seront amplifiées d’autant, explique le jeune homme, étudiant en tourisme et en archéologie. La communication a été complètement rompue entre le Hamas et le Fatah. Il s’agit maintenant d’une division totale, d’un tournant à 180 degrés. Après ce qui s’est passé, le Hamas veut se venger.»


http://www.liberation.fr/actualite/monde/271067.FR.php
 
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