http://www.soleilalgerie.com/2013/07/tunisie-accuser-son-chien-davoir-la.html?showComment=1375205116585#c7071985598304916482
Accuser son
chien d’avoir la rage, c’est bien. La lui inoculer, c’est mieux
Mardi 30
Juillet 2013
Par
Djamaleddine Benchenouf
Le
carnage qui vient de se produire en Tunisie, et qui a coûté la vie à neuf jeunes militaires, dont certains ont été égorgés et émasculés post mortem, est on ne peut plus éloquent sur ce qui se
trame, depuis quelques mois, à l’insu des peuples de la région, mais aussi avec leur large, très large adhésion.
Une troupe, constituée de commandos d'élite, a été prise en
embuscade, par un groupe de terroristes salafistes, en fin d'après-midi du Lundi 29 juillet 2013, à l'entrée de gorges très accidentées, dans les monts Chaambi, en Tunisie, à quelques kilomètres
du territoire algérien.
Neuf militaires tunisiens y ont laissé la vie, et d'autres
ont été blessés, dont certains grièvement. Les survivants ont dû se replier en catastrophe, abandonnant les corps sans vie de leurs camarades à leurs assaillants, qui ont en profité pour les
dépouiller de leurs armes et de leurs tenues, avant de les profaner.
Le pays est mûr,
désormais...
L'opinion publique tunisienne a été fortement choquée par
cet événement tragique, à fortiori qu'il a eu lieu à un moment où une crise d'envergure secoue la scène politique de ce pays, après l'assassinat du député Mohamed Brahmi, par le même tueur
salafiste qui avait assassiné, en février passé, le leader politique Chokri Belaïd.
La société tunisienne était donc en pleine effervescence.
Des manifestations de rue avaient succédé à des sit in, où les appels à la démission du gouvernement, et à la dissolution de la troïka, se font de plus en plus pressants.
Et ainsi, c'est donc dans cette ambiance explosive, en
pleine crise politique majeure, directement alimentée par les événements égyptiens, et plus particulièrement le coup d'Etat contre le président Morsi, que survient cette mortelle embuscade, ô
combien opportune pour une certaine dynamique anti-islamiste, qui se déploie de façon massive, ces derniers temps, dans toute la région, et plus particulièrement dans les pays qui ont vécu le
printemps des peuples.
C'est précisément cela qui rend la lecture de cette
embuscade tendue à l'armée tunisienne plus ardue qu'il n'y paraît.
L'opposition tunisienne à la troïka, qui ne cache pas, ou
qui ne cache plus sa farouche animosité contre le courant islamiste, aussi paisible et aussi convivial puisse-t-il être, refuse farouchement de faire une quelconque distinction entre les
salafistes armés et le mouvement al Nahdha, pourtant démocratiquement élu. Elle fait désormais feu de tout bois, et met les bouchées doubles, pour créer le climat idoine à un Tamarrod bis.
Certaines voix de la gauche tunisienne n'ont pas hésité à
saluer l'armée égyptienne pour avoir pris ses responsabilités, après avoir manifesté leur vibrante admiration pour la résistance héroïque de la Syrie contre l’invasion islamo-atlantiste qui a
changé la donne aux pays dits du « printemps arabe ». De là à appeler les généraux tunisiens à suivre l'exemple de leurs héroïques homologues égyptiens, parions que le pas ne tardera
pas à être allègrement franchi. Si ce n'est déjà fait.
Sus à l'islamiste !
En fait, nous assistons à une mise en scène tellement
grossière, parce que décidée et lancée dans l'improvisation de gens qui ont pris des trains en route, que nous pouvons en deviner les péripéties futures, avant même qu'elles ne se produisent.
Pourtant, et alors qu'il faut vraiment être bouché à l'émeri pour ne pas comprendre ce qui se déroule sous nos yeux, ce sont les élites de ces pays, et tout particulièrement celles qui se
revendiquent de gauche, qui se montrent les plus naïves, les plus manipulables, les plus véhémentes, à la limite de l'hystérie collective, toutes à leur anti-islamisme primaire, et qui ne savent
plus, ou ne veulent plus, faire la part des choses. Elles sont tellement aveuglées par cette haine dévorante, qu'elles en sont arrivées à perdre tout sens de la mesure, jusqu'à renier leurs
principes les plus essentiels, allant jusqu'à soutenir ouvertement un régime aussi despotique, et aussi criminel que celui d’ Assad, pour le motif, entre autres, tous aussi hallucinants les uns
que les autres, que parmi ses adversaires il se trouve des combattants salafistes, et que parmi ses soutiens, il se trouve aussi, comme par hasard, des réactionnaires wahabbites. La fable du loup
et de l'agneau revisitée.
Le comble est que parmi ces progressistes arabes, ou dits
arabes, il ne s'en est trouvé personne pour se demander que si le régime d’Assad avait voulu trouver la meilleure solution pour retourner les progressistes arabes, et l'opinion publique mondiale
en sa faveur, il n'aurait pas trouvé mieux que d'embrigader des salafistes takfiristes contre lui, et de demander gentiment à l'Arabie saoudite et au Qatar de soutenir financièrement, et
fatwatiquement, les révolutionnaires syriens. Il ne s'est trouvé personne, parmi ces progressistes arabes qui ont rallié massivement Assad, pour découvrir l'évidence que ces supposés soutiens ne
représentent pratiquement rien de plus que de permettre au régime de remporter victoire sur victoire, dans un effroyable bain de sang, et que le total des dons financiers consentis par le Qatar
aux révolutionnaires est peut-être inférieur à ses investissements pour le PSG, comme l'affirment certaines sources. Un soutien financier tellement insignifiant qu'il permet juste aux
révolutionnaires de mourir par milliers, sans obtenir le moindre avantage vraiment décisif sur le terrain.
Les peuples arabes sont une
bonne pâte
Mais il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Au point où les forces embusquées, celles qui sont à la commande, ne perdent même plus de temps à peaufiner leurs coups tordus. Elles y vont à la louche, désormais. Les putschistes égyptiens ne
craignent même plus de se décrédibiliser auprès des masses qu'ils ont réussi à mobiliser. Plus que de rompre avec fracas avec le Hamas palestinien, ils vont jusqu'à lui déclarer une guerre
ouverte. Lorsqu'on sait à quelles fin, et à quelle partie ces professions de foi sont destinées, on en reste songeur.
Lorsqu'on sait, à moins d'être complètement débile, que
jamais les putschistes égyptiens n'auraient pu entreprendre une telle aventure sans l'autorisation catégorique de qui de droit, on en arrive à se dire que ces élites arabes de gauche, qui
soutiennent avec tant de zèle ce coup d'Etat, sont, au mieux, d'une naïveté abyssale. Comment font-elles pour ne pas voir que c'est l'ancien régime qui a repris le pouvoir en Egypte ? Sous
d'autres dehors bien sûr, avec d'autres hommes. Mais en grattant juste un peu, on découvre vite que certains hommes de l'ombre, mais qui n'en ont pas été moins décisifs, dans la préparation du
coup d'Etat, et dans la formidable mobilisation de masses chauffées à blanc, étaient des partenaires très proches de la famille Moubarak, et des généraux égyptiens. Parmi eux, et juste pour
l'exemple, le milliardaire copte Nadjib Sawiris, patron de presse, fondateur d'un nouveau parti politique, et propriétaire d'une chaîne de télévision très populaire en Egypte.
Il a été un associé très proche de Gamal Moubarak, le fils
cadet du raïs, en plus d'avoir été un acteur en pôle position dans de grosses opérations de courtage et dans de nombreuses autres transactions financières de très grande importance. C'est à
l'ombre de Moubarak qu'il a construit son empire, et c'est avec des généraux algériens, pendant la décennie rouge et après elle, qu'il a gagné plus de dix milliards de dollars. Au moins !
Cet homme là, qui a des accointances outrancières, avec des
milieux évangéliques américains, ennemis farouches et déclarés de l'islam, et qui ne prend même pas la peine de cacher ses amitiés sionistes, a été l'un des principaux artisans de la formidable
mobilisation de la rue égyptienne contre le président Morsi, et contre les frères musulmans en général. C'est lui qui a permis le ralliement très actif des coptes, pourtant très réservés
habituellement, pour les raisons évidentes que l'on sait. C'est lui qui a fait connaitre le mouvement Tamarrod, et qui a mis à sa disposition des moyens, matériels, humains et financiers à peine
imaginables.
Gauche autiste, shootée à la
haine !
Mais malgré ces gros sabots, et ces cabales cousues de fil
fluo, notre bienheureuse gauche arabe n'y a vu que du feu, et là où il n'y avait que chafouins escamotages, elle n'a vu qu'un salutaire sursaut contre la régression annoncée.
Cette gauche qui n'a gardé de ses attributs que le nom, et
de ses principes que des intentions en trompe-l’œil, ne veut plus faire dans le détail. Qu'importe le flacon ! Pourvu que des soudards providentiels s'installent dans le rôle de sauveurs de la
république et de la modernité qu'elle leur a brodé.
Bientôt, à ce rythme, nous allons découvrir que les
printemps arabes ont accouché de bien curieux fruits, dont l'arrière goût ne nous est pas inconnu du tout. Nous allons bientôt nous réveiller, et découvrir que finalement on peut faire du vieux
avec du jeune, avec du sang de jeunes.
Non seulement les anciens régimes vont revenir plus forts
que jamais, mais ce sera avec la bénédiction, et l'adhésion enthousiaste des élites qui étaient censées veiller sur la révolution des peuples, les mener à bon port, ne pas permettre à la
contre-révolution de se déployer.
Ces élites, dans le meilleur des cas, lorsqu'elles ne sont
pas constituées elles-mêmes d'agents à la solde de forces qu'elles sont supposées combattre, ont perdu toute capacité à lire l’événement, à le décoder, à en débusquer les sombres échafaudages qui
le structurent.
En Tunisie, elles n'ont même pas vu que des salafistes un
tant soit peu intelligents se seraient faits oublier, par les temps qui courent. Ils n'auraient pas ordonné l'assassinat de politiciens populaires, ni tendu d'embuscades à des jeunes militaires.
Ils ne les auraient pas égorgés, sauvagement, après les avoir tués, et ils ne les auraient pas émasculés. L'ennemi des islamistes, celui qui aurait voulu créer un climat propice à toutes les
aventures contre eux aurait tenté de monter un gros complot qu'il n'aurait pas mieux fait.