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5 mars 2017 7 05 /03 /mars /2017 16:47

 

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/03/01/berlin-critique-ankara-apres-le-placement-en-detention-du-journaliste-deniz-yucel_5087385_3214.html

 

Berlin critique Ankara après le placement en détention du journaliste Deniz Yücel

 

Le correspondant du quotidien Die Welt en Turquie est poursuivi pour propagande terroriste.

 

Par Marie Jégo, correspondante permanente du Monde à Istanbul, et Thomas Wieder, correspondant permanent du Monde à Berlin

 

Des tee-shirts et des affiches à son effigie, un hashtag, Free Deniz Yücel, sur les réseaux sociaux, une manifestation devant l’ambassade de Turquie à Berlin, et une lettre ouverte signée par cent soixante députés du parlement allemand, en Allemagne, la mobilisation en faveur du journaliste Deniz Yücel, le correspondant du quotidien Die Welt en Turquie, mis en garde à vue le Mardi 14 Février 2017 à Istanbul, prend chaque jour un peu plus d’ampleur.

Mardi 28 Février 2017, l’affaire a toutefois pris une dimension nouvelle outre-Rhin après la décision, la veille par un tribunal d’Istanbul, de placer en détention préventive le journaliste turco-allemand, accusé d'incitation à la haine et de propagande terroriste. Une décision qui a conduit le ministère allemand des affaires étrangères, Mardi 28 Février 2017, à convoquer l’ambassadeur de Turquie à Berlin pour protester contre cette arrestation, qualifiée de « ni nécessaire, ni proportionnée » par Sigmar Gabriel, le chef de la diplomatie allemande.

Agé de quarante trois ans, Deniz Yücel est notamment accusé par la justice turque d’avoir publié le contenu de la messagerie électronique de Berat Albayrak, ministre de l’énergie et gendre du président, Recep Tayyip Erdogan. La publication d’une blague à caractère ethnique, mettant en scène un turc, un kurde et un laze, jugée de mauvais goût, a également été versée au dossier d’instruction.

Les courriels du beau-fils avaient été piratés par un mystérieux groupe baptisé Red Hack. Le 23 septembre 2016, ils tournaient en boucle sur les réseaux sociaux, révélant de manière crue les pressions exercées par le gouvernement turc sur les médias, les mécanismes à l’œuvre pour manipuler l’opinion, ainsi que le népotisme régnant au sein du parti de la justice et du développement (AKP), parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002.

Y figurait notamment un enregistrement d’Aydin Dogan, le magnat des médias d’opposition, recommandant à ses journalistes de ne pas trop s’en prendre au gouvernement de l’AKP et leur conseillant, s’ils avaient formulé une critique un jour, de changer de sujet le lendemain. Des révélations sur les compromissions de Mehmet Ali Yalcindag, le gendre du magnat, président des médias du groupe Dogan, avaient fait couler beaucoup d’encre en Turquie, au point de l’acculer à la démission.

En publiant ces informations dans Die Welt, Deniz Yücel est devenu, aux yeux d’Ankara, un « porte-voix du terrorisme ». Lundi 27 Février 2017, plusieurs associations de défense de la presse, ainsi que des écrivains, se sont réunies à Istanbul pour protester contre son placement en détention.

L’état d’urgence mis en œuvre après le putsch raté du Vendredi 15 Juillet 2016 permet aux autorités d’emprisonner ou de faire licencier les journalistes critiques, accusés de soutenir le « terrorisme ». En Turquie, ils sont près de cent cinquante à se trouver actuellement en prison.

En Allemagne, le ministre des affaires étrangères ne s’en cache pas. L’affaire de Deniz Yücel aura des conséquences diplomatiques.

« Cela doit être clair pour la Turquie que les temps sont tout sauf faciles pour les relations germano-turques et que le cas de Deniz Yücel rend les choses encore beaucoup plus compliquées », a déclaré, Mardi 28 Février 2017, Sigmar Gabriel. Une allusion aux différents dossiers qui, ces derniers mois, ont opposé les deux pays, comme le vote d’une résolution du parlement allemand qualifiant de génocide les massacres des arméniens perpétrés par l’empire ottoman au début du vingtième siècle, ou l’accusation formulée par Ankara contre Berlin d’avoir accueilli plusieurs responsables du putsch avorté contre Recep Tayyip Erdogan.

Sur le plan politique, l’affaire pourrait également se révéler délicate pour Angela Merkel. Outre-Rhin, plusieurs observateurs ont en effet noté que Deniz Yücel avait été arrêté seulement douze jours après la dernière visite de la chancelière à Ankara, lors de laquelle elle était pourtant venue rappeler à Recep Tayyip Erdogan son attachement aux valeurs démocratiques. La preuve, à leurs yeux, que l’Allemagne doit désormais se montrer beaucoup plus ferme vis-à-vis de la Turquie.

« Angela Merkel doit se demander si elle n’a pas été, pendant trop longtemps, trop compréhensive vis-à-vis de Recep Tayyip Erdogan. L’accord du mois de mars 2016 avec la Turquie a certes permis de faire baisser le nombre de réfugiés arrivant en Allemagne. Mais cela ne doit pas empêcher Angela Merkel de voir que la Turquie est en train de devenir un état autoritaire qui bafoue chaque jour un peu plus les valeurs et les principes de l’Europe démocratique, ce qui saute aux yeux avec l’affaire de Deniz Yücel », écrivait, Mardi 28 Février 2017, le quotidien munichois de centre gauche, la Süddeutsche Zeitung. Une opinion assez largement partagée à gauche et chez les écologistes, qui demandent à Angela Merkel de démontrer qu’elle n’est pas l’otage de Recep Tayyip Erdogan.

 

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