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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 17:26

 

 

https://www.revolutionpermanente.fr/800-personnes-et-une-ambiance-electrique-a-la-soiree-Fin-du-grand-debat-debut-du-grand-debarras

 

Huit cent personnes et une ambiance électrique à la soirée pour la fin du grand débat et pour le début du grand débarras

Deux jours avant le dix huitième acte du mouvement des Gilets Jaunes, l’affluence a déjoué les pronostics à la soirée qui réunissait à la même tribune Priscillia Ludosky, Jérôme Rodrigues, Youcef Brakni, Juan Branco, Frédéric Lordon, Hervé Kempf et une lycéenne mobilisée pour le climat, Jeudi 14 Mars 2019 à la Bourse du Travail de Paris.

C’est pour mettre un point final à l’enfumage du grand débat orchestré par Emmanuel Macron que le Samedi 16 Mars 2019 se prépare depuis plusieurs semaines dans les rangs des Gilets Jaunes, voulu comme un ultimatum posé au gouvernement. Ce qui pose encore question, ce sont les suites de la mobilisation, si le gouvernement ne cédait pas aux pressions de la rue, alors qu’il compte rester droit dans ses bottes. Quoi qu’il en soit, cette soirée intitulée « fin du grand débat et début du grand débarras » a relevé le défi, celle de transmettre une ambiance d’un début de quelque chose, malgré les quatre mois de mobilisation qui nous séparent du Samedi 17 Novembre 2018, autant par l’affluence ayant déjoué les pronostics annoncés sur l’évènement Facebook, que par l’ambiance électrique qui se dégageait des rangs de la Bourse du Travail qu’on n’avait pas vue aussi pleine à craquer depuis bien longtemps. Devant la banderole « 16 mars, ultimatum » que l’on a vu défiler dans la capitale les derniers samedis, les intervenants ont tour à tour mis sur la table les luttes contre les inégalités sociales, pour l’écologie, contre les violences policières dans les quartiers populaires et contre la répression des manifestants, et la nécessité de converger vers un objectif commun, certes encore peu défini, mais dont les mots d’ordre « Macron démission » et « anticapitalistes » semblaient faire consensus. En débat également, les moyens d’y arriver, et à ce sujet, Jérôme Rodrigues a mis les pieds dans le plat, lançant un appel sans détour à la grève générale, titillant au passage les directions syndicales, le tout sous un tonnerre d’applaudissements.

Après une brève introduction d’Hervé Kempf, du site Reporterre, saluant le mouvement des Gilets Jaunes comme un mouvement formidable et inattendu, c’est Youcef Brakni qui prend la parole pour le comité pour la vérité pour Adama Traoré. Sous les applaudissements, il rappelle les conditions de la mort d’Adama Traoré, « parce qu’il était noir, qu’il était habitant des quartiers et qu’il n’a pas voulu se soumettre à un contrôle de police le jour de son anniversaire, il l’a payé de sa vie ». L’émotion est palpable quand Youcef Brakni égrène les noms de victimes des violences policières, dont plusieurs enfants. Il rappelle les racines de ces violences d’état, remontant au 17 octobre 1961, « la plus jeune avait 14 ans, imaginez qu’un policier l’a jetée dans la Seine ». Avant de lancer une interpellation, « mais le plus grave c’est encore l’indifférence et le fait qu’on regarde ailleurs à chaque crime policier. On utilise tous les termes du monde sauf de dire qu’ils sont noirs et arabes et qu’ils ont été tués pour cela. Il y en a qui sont tués pour ce qu’ils font et d’autres qui sont tués pour ce qu’ils sont. Cela fait une différence ».

Youcef Brakni embraye alors avec l’actualité, « quand nous avons vu le mouvement des Gilets Jaunes, nous avons décidé d’y aller. On nous a dit que nous étions fous. Les Gilets Jaunes ce sont des personnes qui sont dans la misère et qui ne sont plus rien, c’est avec eux que je veux militer. Ceux qui ont toujours été dans le déni, ce sont les pseudos-intellectuels de gauche. Et ce sont les mêmes qui ont eu un discours ultra méprisant contre les Gilets Jaunes. Cela nous a renforcés dans notre conviction. Nous nous sommes dit que la violence policière allait forcément à un moment se retrouver au centre de la lutte, car ils commençaient à réprimer. Et c’est arrivé au douzième acte, quand le mot d’ordre principal de la marche a été porté contre les violences policières ».

Youcef Brakni conclut sur la victoire remportée cette semaine par le comité pour Adama Traoré, parvenant à faire reconnaître la mort par asphyxie après près de trois ans de combat, « le procureur a osé dire qu’Adama Traoré était mort à cause de l’alcool. Puis on nous a dit qu’il était mort d’infection généralisée. Et on parle là d’experts nommés par la justice. Nouvelle expertise, nous apprenons qu’Adama Traoré serait mort de drépanocytose après avoir couru. Et tout cela, c’est la république française. Alors nous en avons eu marre et nous avons demandé un travail indépendant par des grands médecins. Aujourd’hui, ils ont reconnu que toutes les causes avancées étaient scientifiquement fausses et que la seule cause possible de la mort d’Adama Traoré était d’origine mécanique, liée aux conditions d’immobilisation par placage ventral ».

Ces violences policières dans les quartiers populaires prennent d’autant plus d’écho qu’elles viennent de s’illustrer à nouveau avec la mort de Fatih et Adam, dix sept et dix neuf ans, rappelée par Taha Bouhafs pendant le débat, « parce qu’ils ne portaient pas de casque, ces jeunes ont été condamnés à mort par la Brigade Anti Criminalité (BAC) à Grenoble ».

Jérôme Rodrigues prend le relais, touché par l’intervention de Youcef Brakni, lui qui a grandi dans un quartier populaire, « en ce qui concerne la convergence, moi j’appelle tout le monde, les gilets jaunes, rouges et roses, tout le monde est le bienvenu du moment qu’il se reconnaît dans les revendications émises par le mouvement. C’est cette fameuse fraternité que craint le gouvernement que nous devons retrouver. Moi j’avais la mère de mon ami quand j’étais gamin qui sortait avec son fichu sur la tête et cela ne dérangeait personne dans le quartier. Il y a de tout dans ce mouvement. Ce qui compte ce n’est pas ce que nous sommes mais ce que nous voulons changer. Cela me gonfle que nous soyons considérés comme des machines à cash. Tant qu’à avoir tout perdu, autant aller au bout. Allons chercher notre dû, tous ensembles. L’autre revendication, c’est celle de la démocratie. La démocratie nous appartient. Pourquoi les gouvernants qui nous mutilent ne payent pas ? Nous devrions pouvoir les dégager du pouvoir. Ils cherchent à nous diviser, par exemple en faisant passer les cheminots pour des privilégiés parce qu’ils auraient une prime pour le charbon. Mais je suis qui pour exiger qu’on leur retire leurs acquis sociaux ? S’ils ont un billet en plus, je veux pas qu’on leur retire, je veux le même billet ».

Jérôme Rodrigues en vient alors à la dénonciation du traitement médiatique du mouvement des Gilets Jaunes, ajoutant que « personne ne s’est insurgé qu’on ait un président qui tire contre son peuple. Personne n’est capable de reprocher à Christophe Castaner à la télévision qu’il tire contre son peuple. Si nous ne gagnons pas ce combat aujourd’hui, nous le perdrons pour l’éternité. La question qui m’embête le plus est de savoir s’il faut continuer à marcher le samedi. J’ai connu 1995, j’ai connu le Contrat Première Embauche (CPE), un million de personnes dans la rue, c’était plié. Alors moi je vais oser appeler à la grève générale. Oui il nous faut la grève générale. En 1995 les rails rouillaient, c’est cela qu’il nous faut, paralyser le pays ».

Il ne peut néanmoins s’empêcher de prononcer un appel au pacifisme, qui ne fait pas l’unanimité dans la salle. Il se rattrape, « restons soudés, pour Zineb Redouane et pour tous les autres. Samedi 16 Mars 2019, cela va être énorme, mais ne le prenons pas comme une finalité. Nous arrivons à un point de rupture, dans un camp comme dans l’autre. De notre côté, montrons-leur que nous n’allons pas nous arrêter là ».

Juan Branco, avocat de Maxime Nicolle, n’est pas moins bien accueilli, « ce samedi est essentiel. Je pense que nous arrivons à un point de rupture. Je vois des personnes qui s’usent toutes les semaines pour conquérir leur droit. Les violences policières sont le résultat du refus du gouvernement d’entendre son peuple. Ils nous parlent de violence mais ce sont eux qui sont dans la coercition et nous n’avons que nos corps à leur opposer. Nous devons sortir samedi et leur montrer que nous sommes capables de les faire tomber ».

L’accueil est tout aussi chaleureux pour Priscillia Ludosky qui commence son intervention sur une question polémique, « j’entends Jérôme Rodrigues parler de pacifisme, je suis aussi pour le pacifisme mais je n’entends pas me mettre à genoux pour exiger ce qui est notre droit et je n’entends pas non plus tendre la joue gauche. Ils nous ont formatés depuis l’enfance pour qu’on croie que tout est cloisonné. Nous avons la Province, Paris et la banlieue, et nous nous regardons de loin parce qu’ils ont réussi leur travail. Mais aujourd’hui nous sommes tous ensemble dans la rue ». Priscillia Ludosky peine à finir ses phrases tant l’ambiance est électrique, « j’invite Emmanuel Macron à aller se faire voir ».

Camille, lycéenne en lutte pour l’environnement, intervient en portant le gilet jaune, « je fais partie des jeunes qui depuis un mois à Paris ont commencé à sécher les cours le vendredi. Nous sommes dans la rue pour l’environnement et contre les discours culpabilisants qui ne permettent pas de penser quelles sont les causes réelles du problème écologique. L’écologie c’est un combat systémique. Nous sommes un peu trop frileux, nous n’osons pas dire que nous sommes anticapitalistes, alors que c’est sûr que nous n’allons pas répondre à la crise actuelle en triant nos déchets. Alors nous serons nombreux dans la rue Vendredi 15 Mars 2019, nous devons entrer en résistance contre cette guerre menée contre les vivants. Des Gilets Jaunes ont bloqué des lieux comme l’usine Monsanto. Ce que nous faisons c’est aussi de viser des lieux stratégiques. Vendredi 15 Mars 2019, nous bloquerons le siège d’une multinationale. Notre slogan c’est vendredi vert, samedi jaune. Nous essayons de faire un pas vers les Gilets Jaunes et de créer les convergences, mais je trouve que c’est encore trop timide, la marche du siècle samedi va se passer à l’autre bout de Paris, nous devrions manifester tous ensemble. Il faut aller vers la grève générale, il faut tout bloquer ».

Frédéric Lordon enchaîne, en dernier intervenant très attendu. La salle esclaffe lorsqu’il raconte qu’il a été invité par l’Elysée à participer à une rencontre dans le cadre du grand débat. « Nous y allons tous », entend-on depuis la salle, proposition reprise par l’assistance. « Ce serait ma seule raison d’accepter », répond Frédéric Lordon. Puis il s’élance dans une grande tirade, sous l’engouement général, s’adressant directement à Emmanuel Macron, « dans quelle réalité vivez-vous ». Puis citant le Gorafi selon lequel le Lanceur de Balles de Défense (LBD) serait bon pour la santé, « Emmanuel Macron, vous êtes la gorafisation du monde. Mais si le macronisme est un gorafisme, nous allons devoir ajuster nos moyens en conséquence. Et à défaut de vous ramener à la raison, nous devrons vous ramener à la maison ».

L’économiste poursuit en saluant la lutte des algériens, « l’international nous donne aussi de l’espoir. Les algériens sont en train de nous montrer comment on se débarrasse d’un pouvoir ». Il cite alors la banderole réalisée par des étudiants de Saint Denis, « Macron soutient Bouteflika, les algériens soutiennent les Gilets Jaunes, solidarité internationale », grand succès dans la salle pour ce soutien internationaliste.

Frédéric Lordon termine en disant que « les Gilets Jaunes sont en position de faire l’histoire. Et d’une certaine manière, Emmanuel Macron, vous les y invitez. Vous êtes des démolisseurs. Si vous n’avez plus aucune légitimité, le peuple a la légitimité de démolir ses démolisseurs. Mais comme en arriver là n’est souhaitable pour personne, Emmanuel Macron il faut partir, rendez les clés ». La salle se lève au slogan de « Macron démission » et des poings se lèvent.

Priscillia Ludosky reprend brièvement le micro, « en 2009, les Départements d’Outre Mer (DOM) et les Territoires d’Outre Mer (TOM) se sont levés. Aujourd’hui c’est toujours la misère. Cela donne l’ampleur de la tâche qui est devant nous ».

Après quelques minutes de pause, les interventions reprennent depuis la salle cette fois, l’assistance restant très nombreuse. Malgré les départs, des dizaines de personnes n’ont pas trouvé de place assise. « On évite que les intervenants racontent leur vie s’il vous plaît, ne prenez la parole que si vous avez des questions », prévient la modératrice du débat.

Les rendez-vous pour samedi sont rappelés, notamment par Youcef Brakni, « pour la marche des solidarités, nous donnons rendez-vous à Madeleine à 13 heures 12 puis nous ferons un bout de chemin avec la marche du climat. Dès le matin avec des cheminots de l’inter gares et le comité pour Adama Traoré, nous serons à la Gare du Nord pour accueillir les Gilets Jaunes de province. Puis à 15 heures, tout le monde s’arrête et nous mettons tous un genou au sol et un poing en l’air ».

Parmi les intervenants, un syndicaliste de la Confédération Générale du Travail (CGT) de l’agence EDF de Barbès raconte comment les salariés ont réouvert l’agence de Barbès, pour le service public, « nous attendons juste une chose, c’est que Philippe Martinez lève son cul de sa chaise. La CGT Énergie Paris est dans la lutte avec les Gilets Jaunes depuis le début ».

Le débat s’enflamme dans la salle lorsqu’un intervenant interroge, « admettons qu’Emmanuel Macron quitte le pouvoir, le jour d’après l’état doit bien continuer, que fera-t-on à ce moment-là ». Des voix dans la salle crient « constituante ».

Juan Branco réintervient alors sur la question démocratique, « à l’assemblée nationale, il y a un pour cent d’employés et d’ouvriers. Donc la rue restera mobilisée puisqu’elle n’est pas représentée. Ceux qui prennent les décisions font tous partie de la même classe sociale, la bourgeoisie, qui a accaparé tous les leviers lui permettant d’imposer une façon de penser. Evidemment que quelqu’un qui n’a jamais connu la souffrance ne ressentira pas la même urgence à s’engager dans la lutte. Il faut démocratiser la décision politique pour créer du consentement. C’est le seul moyen de sauver la planète. Il nous faut une représentation populaire à l’assemblée nationale avec des ouvriers et des employés aux côtés des bourgeois ». On reconnaît alors l’ancien candidat aux élections législatives pour le Mouvement de la France Insoumise (MFI).

Eric Beynel, porte-parole national de l’Union Syndicale Solidaire (USS), tente d’intervenir malgré des interpellations houleuses de Gilets Jaunes depuis la salle, « vous n’appelez pas à la grève générale ». Le syndicaliste est mis en difficulté, « la grève générale ne dépend pas de nous, il faut la construire sur les lieux de travail, pas seulement le samedi mais aussi le lundi, le mardi et le mercredi ». Son intervention n’a pas plu à Nadia, l’une des rares à porter le gilet jaune dans la salle, « nous sommes a-partis et a-syndicats, nous sommes le peuple ». La salle est divisée sur son intervention, « nous n’avons pas de leaders, nous sommes tous des leaders. Nous nous battons pour dégager tout ce système », les pour et les contre se départagent à l’applaudimètre.

Torya, cheminote, rebondit sur le clin d’oeil de Jérôme Rodrigues à la lutte des cheminots, « l’année dernière j’ai fait trois mois de grève, j’ai perdu trois mois de salaire alors que je suis mère célibataire et ce n’est pas Philippe Martinez qui va me dire comment je dois mener ma grève. Il y a une confusion entre les bureaucraties syndicales et les syndiqués de base qui se battent dans la rue pour le service public et pour nos droits. Alors comment va-t-on faire pour réaliser cette union entre les Gilets Jaunes et la base syndicale ».

Question à laquelle Jérôme Rodrigues répondra brièvement, « la base c’est nous tous ici, c’est vous, alors je n’ai qu’une chose à dire, rejoignez-nous. Si les bases syndicales nous rejoignent sur le même mot d’ordre de pas de leader et de pas de représentant, Philippe Martinez, nous l’emmerdons ».

A l’heure de quitter la grande salle de la Bourse du Travail, les débats se poursuivent tandis que des militants agitent des cagnottes de soutien aux postiers en grève. Si la réponse du jour d’après la démission d’Emmanuel Macron n’a pas trouvé de réponse ce soir, l’énergie semble au rendez-vous pour un Samedi 16 Mars 2019 réussi. Reste à savoir si ce dix-huitième acte qui promet d’être massif sera réellement le début du grand débarras.

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