Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 19:37

 

http://www.liberation.fr/monde/0109297361-la-famille-assad-s-entre-dechire-le-gendre-du-president-syrien-blesse-par-son-beau-frere-hospitalise-a-paris


La famille Assad s’entre déchire. Le gendre du président syrien, blessé par son beau frère, hospitalisé à Paris


29 novembre 1999


Jean Pierre Perrin


Alors que le président Hafez el-Assad prépare son fils Bachar à lui succéder, une première grave lézarde vient d'apparaître au sein de sa propre famille. Suffisamment grave pour qu'elle se traduise, début novembre, par l'hospitalisation à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris d'Assef el-Chawkat, gendre du président syrien et chef de l'un des plus puissants services de sécurité, touché par au moins une balle dans le ventre. Le tireur appartient aussi à la famille du chef de l'Etat. Selon des sources concordantes, il s'agit de Maher el-Assad, l'un des propres fils du Président. Le motif de l'affrontement n'est pas connu avec certitude. On sait simplement qu'il s'est produit au palais présidentiel. En trente ans, c'est la première fois que des membres de la famille Assad règlent leurs comptes de façon sanglante. L'événement témoigne des difficultés que rencontre la mise en place de la succession du président Assad au profit de son fils Bachar.


Secret.


L'hospitalisation de Assef el-Chawkat, 37 ans, dans l'hôpital parisien est intervenue quelques jours avant la visite en grande pompe à l'Elysée de Bachar, le 7 novembre, qui consacrait ses premiers pas sur la scène internationale. Son accueil à Paris s'est effectué, bien sûr, dans le plus grand secret. Soigné d'abord à Damas, son état avait été jugé suffisamment grave pour que soit demandée l'aide de la France. Chawkat, qui a quitté l'hôpital français il y a quelques jours pour poursuivre en Syrie sa convalescence, n'est pas que le chef des renseignements militaires de l'armée de terre. Il est aussi le plus proche conseiller de Bachar pour les problèmes de sécurité. A ce titre, il dirige également une unité spéciale ne dépendant pas de l'état-major, dont la mission est de surveiller l'armée. Il est donc l'oeil de Bachar au sein de celle-ci. Le fils du Président qui a tiré, Maher el-Assad, 33 ans, est capitaine de la Garde présidentielle. Apparemment, il ne semble pas avoir été sanctionné pour son geste.


Succession.


En fait, derrière cette guerre de palais se devinent les querelles entourant la mise en place de la succession du président syrien. Agé de 69 ans et malade de longue date, Assad avait organisé celle-ci depuis longtemps. D'abord, au profit de son fils aîné Bassel, l'enfant prodige dont le portrait pavoise encore les rues de Damas, jusqu'à ce que sa disparition brutale dans un accident de voiture, en janvier 1994, repose le problème. Cette fois, il choisit Bachar, le deuxième fils, alors ophtalmologue à Londres.


Le jeune homme, âgé aujourd'hui de 34 ans, n'a d'expérience ni politique ni militaire. Est-il fait pour ce travail? Au sein de l'armée et des services secrets, certains ne le pensent pas. C'est vrai aussi au sein de la communauté alaouite (dix pour cent de la population), qui domine la Syrie, où l'on craint qu'il manque de poigne, notamment avec la majorité sunnite qui risque de relever la tête à la mort d'Assad. Rifaat el-Assad, le frère du Président, en profite pour se replacer dans la course. Il en avait été exclu dès 1983 par le Président après avoir tenté de le déposer, profitant de son hospitalisation.


En février 1998, Assad décide d'en finir avec Rifaat, dont les intrigues l'inquiètent. Il sera d'abord limogé de son poste de vice-président, puis chassé du parti Baas pour trahison. La partie s'annonce plus facile pour Bachar, d'autant que son père s'emploie à un grand nettoyage dans l'armée, les services secrets et le parti Baas, les trois piliers du régime.


Réintégration.


Néanmoins, Bachar apparaît bien seul. Tant que son père est derrière lui, il n'a rien à craindre, personne n'étant en mesure de s'opposer à lui. Mais cela n'empêche ni les intrigues de Rifaat, ni la méfiance de l'institution militaire, ni la crainte d'une partie de la communauté alaouite, qui demeurent autant d'ombres portées sur son avenir. Aussi, attend-il beaucoup de Chawkat qui lui doit son retour. Ecarté du sérail par Bassel el-Assad, Bachar avait d'abord obtenu sa réintégration. Ensuite, Bachar avait oeuvré pour qu'il puisse épouser Bouchra, l'unique fille du président. Enfin, il lui avait confié de lourdes responsabilités, faisant de lui son homme clé au sein des services de sécurité.


L'été dernier, Rifaat a recommencé à remuer. Sur le plan diplomatique et sur la scène intérieure. Des tracts mettant en cause les compétences de Bachar sont distribués à Damas et dans la montagne alaouite (nord de la Syrie). Personne ne doute que ce soit l'oeuvre des hommes de Rifaat. Chawkat est chargé d'organiser la riposte. Ses forces de sécurité, selon un journaliste syrien proche de Bachar, découvrent lors de perquisitions à Lattaquieh les noms de tous ceux qui reçoivent de l'argent de Rifaat, dont la fortune est estimée à plus de deux milliards de dollars (Libération du 30 mars 1998). Il s'ensuivra des centaines d'arrestations. En octobre, survient l'attaque du port privé de Rifaat, toujours à Lattaquieh. Selon des sources diplomatiques, les combats dureront six heures, faisant une vingtaine de morts (deux, selon le bilan officiel). Il y en aura aussi dans la montagne alaouite où d'autres partisans de Rifaat seront tués. «Désormais, Bachar est mort politiquement», assurait un diplomate occidental.


Affaiblissement.


Bachar n'est pas au bout de ses difficultés, comme le montre l'affrontement entre Maher et Chawkat. «Cette affaire l'affaiblit au sein de la communauté alaouite. Déjà, elle lui reprochait le sang versé à Lattaquieh. A présent, elle craint qu'il ne soit pas à la hauteur. Du temps de Bassel, cela ne se serait jamais produit. C'est la première fois, en trente ans de règne, que la famille Assad se déchire ainsi. Cela montre que, même au sein de la famille directe du Président, l'autorité de Bachar est contestée», analyse Luc Abou Zeid, un journaliste spécialiste de la Syrie?

 

Partager cet article
Repost0

commentaires