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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 14:10

 

http://www.rue89.com/2011/08/06/succes-sans-predecent-de-la-manifestation-sociale-du-printemps-israelien-216953


 

Succès sans précédent de la manifestation du « printemps israélien »

 

Par Pierre Haski

 

Deux cent mille manifestants à Tel Aviv, plus de trois cent mille dans l'ensemble d'Israël sur une population de sept millions d'habitants : samedi soir, le « Printemps israélien » a fait le plein une nouvelle fois, trois semaines après le début d'un mouvement spontané de protestations contre la vie chère qui a pris l'allure d'un vaste happening social et culturel.

 

Le mouvement a démarré lorsque des jeunes Israéliens ont installé leur tente sur le Boulevard Rothschild, une grande artère de Tel Aviv, pour protester contre le prix des loyers et le coût de la vie trop cher. Le geste a aussitôt été suivi par d'autres « campeurs », et est devenu un phénomène national, aux accents combinés des « Indignados » de Madrid et des révolutionnaires de la place Tahrir du Caire, une référence explicite pour certains manifestants.

 

Depuis, le mouvement s'est étendu avec ces manifestations monstres du samedi soir, depuis trois weekends, et un véritable village de la protestation sur le Boulevard Rothschild, alliant la diversité des revendications à une parole libérée.

 

Ce récit de Noam Sheifaz, publié ce samedi sur le site indépendant 972 (le code téléphonique d'Israël…), intitulé « entre euphorie et anarchie, le festival révolutionnaire de Tel Aviv », donne une bonne idée de l'atmosphère :

 

« Ce qui se passe ne concerne plus le logement. Les journaux débattent de données économiques et de projets sociaux, mais il se passe quelque chose de très différent sur le Boulevard Rothschild. Il semble que tous ceux qui ont quelque chose à dire sont venus ici, ont dressé leur tente, et ont commencé à crier.

 

L'euphorie des premiers jours de la lutte est toujours présente, mais la tension monte vite. Les gens jouent toujours de la musique et discutent de politique, mais beaucoup redoutent la violence. J'ai entendu dire que le groupe qui a démarré le mouvement de protestation ne dort plus sur place après avoir reçu des menaces de mort.

 

Et pourtant, le campement semble grossir à vue d'oeil. Il y a des tentes partout, et entre elles des tables et des gens qui vous tendent des tracts au milieu de la nuit. Il y a des tentes pour les droits des animaux. Il y a des tentes pour forcer les ultra-orthodoxes à faire leur service militaire (vous voulez signer la pétition ?). Il y a des tentes du parti communiste. Il y a des tentes pour peupler le nord d'Israël de juifs. Il y a un camp judéo-arabe baptisé “Tente 1948”. Il y a un groupe de travailleurs sociaux travaillant avec de jeunes marginaux et dont le service a été privatisé, et qui réclament le retour à leur contrat initial. Il y a un campement new-age avec l'inévitable jeune fille qui parle de paix intérieure pour résoudre les problèmes de la société.

 

Et au milieu, des dizaines de pancartes : “Bibi (surnom de Netanyahou, ndlr) nous a vendus”, “le marché est libre, mais vous ? ”, “Tahrir, au coin de Rothschild”, “nous sommes apolitiques”, “Milliardaires, enfermez vous ! ”…

 

Qu'est-ce que tout cela signifie ? A chacune de mes visites, j'ai l'impression qu'il faudrait moins d'analyse politique, et plus de roman ou de journalisme gonzo ».

 

Une vidéo amateur, postée sur YouTube, montre également le caractère festif de la mobilisation, malgré la gravité des sujets et les tensions inévitables.

 

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, n'a pas mis longtemps pour prendre la mesure du mouvement, comme le souligne le quotidien Haaretz, et pour tenter de l'éteindre avant qu'il ne se politise et ne se transforme en menace pour sa coalition de droite et d'extrême droite.

 

Il a annoncé des mesures pour la construction de logements, et promis de s'en prendre aux monopoles qui verrouillent l'économie israélienne et qui font que les prix, malgré des salaires plus faibles, sont souvent plus élevés que dans les grandes capitales européennes. Des annonces qui n'ont pas empêché la mobilisation ce samedi d'être plus forte encore que la semaine précédente.

 

Samedi soir, plus de dix mille manifestants défilaient en direction de la résidence du premier ministre, comme l'indiquait le site 972 sur Twitter.

 

Un mouvement apolitique

 

Jusqu'ici, le mouvement a largement conservé un caractère apolitique, et évité la récupération par les partis politiques existant, même si, dans les sondages, la gauche et l'extrême gauche retrouvent des couleurs qu'elles avaient perdu ces dernières années.

 

Les grands rassemblements de ce type étaient jusqu'ici le fait des pacifistes de La paix maintenant ; Mais la question de la paix avec les Palestiniens est largement absente de cette mobilisation, même si certains tentent de l'inclure. Qu'il s'agisse des partisans de la paix, comme des colons juifs des territoires occupés qui tentent de profiter de la situation pour pousser leur agenda.

 

Cette semaine, d'ailleurs, le gouvernement israélien a autorisé la construction de nouveaux logements dans un secteur contesté de Jérusalem-Est, s'attirant la condamnation des grandes capitales étrangères et des Palestiniens.

 

Quel impact politique ?

 

L'absence de politisation de ce mouvement social est à la fois sa force, lui permettant de rassembler dans la rue et dans les sondages une large proportion des Israéliens ; C'est aussi sa faiblesse potentielle, puisque, comme le rappelle dans le quotidien Haaretz ce weekend, le professeur Zeev Strernhell, une grande figure pacifiste, les mouvements spontanés qui ne se donnent pas de perspective politique sont voués à se désintégrer, citant en exemple … mai 68 (Sternhell a fait ses études en France ! ).

 

L'ampleur de la mobilisation est, quoi qu'il en soit, historique, et il est évident qu'elle aura un impact politique dans un pays situé au coeur du Proche Orient, dans une région en pleine ébullition, entre révolution égytienne qui se cherche, le massacre à huis-clos en Syrie, et des territoires palestiniens prêts à exploser si, une nouvelle fois en septembre, ils se voient privés de toute perspective étatique.

 

Les campeurs du boulevard Rothschild n'avaient pas cette vision en tête lorsqu'ils ont dressé leur tente au coeur de la métropole israélienne, donnant naissance à un mouvement sans précédent.

 

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