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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 21:19

https://blogs.mediapart.fr/robert-duguet/blog/090216/heloise-nez-voyage-l-interieur-de-podemos

http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=16892

http://socialisme-2010.fr/blog2016/fevrier2016.php#fev05

Héloïse Nez, voyage à l’intérieur de Podemos

Vous trouverez ci dessous la deuxième et dernière partie d'un message de Robert Duguet relatif à la question de Podemos.

Le message est disponible en totalité si vous consultez le blog médiapart de Robert Duguet.

Bernard Fischer

Notes de lecture et réflexions sur l’ouvrage d’Héloïse Nez, « Podemos, de l’indignation aux élections », aux éditions des petits matins. Cet ouvrage est une contribution fort intéressante pour comprendre le mouvement Podemos, son histoire et sa situation actuelle sur l'échiquier politique espagnol.

Les résistances à l’électoralisme ?

« L'horizon électoral » affecte le développement de tous les partis, Podemos n’est pas une exception à cette règle constante de la démocratie bourgeoise formelle. On a donc une tension permanente qui se manifeste sur la manière de faire de la politique. L’organisation pyramidale est privilégiée pour les élections législatives de 2015, quitte à abandonner une implantation territoriale plus ancrée dans la population.

Prenons l’exemple de l’assemblée de Vistalegre en octobre 2014, les militants des cercles rejettent l’hyper personnalisation du leader et réclame l’autonomie politique des cercles locaux. « Nous luttons depuis des années, nous n’avons besoin d’aucun haut dirigeant. Nous avons eu des leaders et nous n’avons rien obtenu ».

Francisco Jurado, qui travaille dans l’équipe de direction en Andalousie explique que « Podemos se dote de documents instaurant un nouveau fonctionnement, mais cette structure se superpose à celle déjà existante. Il y avait une structure informelle très dynamique et on met par-dessus une autre très rigide et très verticale. On n’enlève pas l’autre, mais on la tue. Parce que la capacité exécutive des cercles disparait, on la lui retire pour les conseils citoyens. Les cercles, sentant qu’ils ont de moins en moins de pouvoir de décision, sont donc en voie de disparition. Et aujourd’hui la participation dans les cercles a diminué de moitié par rapport à l’an dernier ».

Dans la direction de Podemos, l’opposition entre, d'une part, le pouvoir des militants et des cercles et, d'autre part, la perspective strictement institutionnelle se traduit par une divergence entre Pablo Iglesias et Pablo Echenique. L’un est légitimé directement par les trois cent quatre vingt mille inscrits des cercles Podemos, l’autre veut que le pouvoir soit rendu aux vingt mille militants actifs des cercles.

Pablo Echenique considère que le système des élections primaires est en fait complètement anti démocratique.

L’auteur s’inspire de travaux de chercheurs sur la France et le Mexique qui expliquent que les procédures de démocratie directe à l’intérieur des partis renforce en fait le pouvoir des dirigeants nationaux et régionaux. Les militants des « bases » se sentent dépossédés de leurs prérogatives militantes et se dissolvent finalement dans la masse des sympathisants transformés en électeurs. A Podemos, cette tendance est renforcée par le fait que le courant qui obtient plus de cinquante pour cent des voix obtient la totalité des postes en jeu, ce qui restreint considérablement la démocratie en interne.

Essouflement et/ou débordement

Après une période de développement fulgurant, Podemos est violemment attaqué par ceux qui risquent de perdre leurs postes d’élus. On verra la croissance d’un parti concurrent de droite, Ciudadanos, qui se développe sur les thèmes de la lutte contre la corruption et la transparence, mais sans remettre en cause les politiques néo-libérales. Son leader, Albert Rivera, est un ancien du Parti Populaire.

Les déceptions, des dirigeants nationaux comme Juan Carlos Monedero expliquent que Podemos a trop insisté sur la facette électorale et « nous avons négligé les cercles, dans le développement interne de notre formation politique, il y a deux moments où nous avons trop ressemblé aux vieux partis ».

Le manifeste « abriendo podemos », « en ouvrant nous pouvons », de juin 2015 veut revenir aux origines du mouvement. Le texte souligne que Podemos n’est plus le seul instrument du changement. Dans un certain nombre de villes des candidatures d’unité populaire renforcent les pressions pour le pluralisme et se tourner vers l’extérieur. Les cercles « doivent récupérer leur rôle d’espace de débats et de décisions politiques ». L’appel insiste sur les mesures, comme le revenu minimum universel, qui ont été abandonnées par la direction. Ou sur la nécessité de faire des alliances avec d’autres forces politiques et sociales. Les signataires, s’ils ne rejettent pas la médiatisation et les élections, insistent sur l’auto organisation des cercles. La ligne officielle de Podemos consiste à dire qu’il est la centralité politique et le candidat naturel de l'unité populaire. En fait aux échelons locaux, des militants d’Isquierda Unida et de Podemos défendent des accords entre organisations sur une ligne de candidature d’unité populaire, permettant l’exercice d’une plus grande démocratie et une liberté de choix des candidats.

La logique Podemos qui imposait de ne pas se présenter en son nom dans les élections locales pour préserver la logique nationale conduit les unités politiques de base à chercher l’autonomie, y compris par rapport à Podemos.

Les conclusions d’Héloïse Nez

Podemos a fait exploser le bipartisme entre le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) et le Parti Populaire. Certes la progression électorale est spectaculaire mais les partis traditionnels se maintiennent, surtout le Parti Populaire.

Certes il y a rajeunissement des cadres politiques, mais avec de profondes divergences entre la base et la tactique institutionnelle.

Héloïse Nez explique que « Podemos est bien devenu un nouveau parti politique qui s’inscrit dans les règles du jeu de la démocratie représentative. Il est peu probable qu’il échappe à la loi « d’airain de l’oligarchie », selon laquelle les organisations politiques se bureaucratisent à mesure qu’elles se développent et que leurs dirigeants acquièrent des savoir-faire spécifiques. Une élite est bien en train de se former au sein de Podemos et elle se confronte de plus en plus aux militants des cercles qui ont tendance à déserter l’organisation faute de pouvoir avoir un impact sur les décisions prises ».

L’auto-organisation des cercles à l’origine a été coiffée par un processus classique de détournement des aspirations du mouvement social vers une perspective strictement électorale.

Le programme de Podemos est resté très flou en particulier sur la question de l’indépendance de la Catalogne, face à la montée des indépendantismes, les résultats électoraux en Catalogne sont faibles.

L’attitude vis-à-vis d'Alexis Tsipras et l’accord conclu avec l'Union Européenne amenant la direction nationale à dire que « c’était malheureusement la seule chose qu’il pouvait faire » va poser de sérieux problèmes. Les militants d’Izquierda Anticapitalista, animateurs des cercles locaux, soutiennent le nouveau parti créé par les dissidents de Syriza, Unité Populaire, qui s’oppose aux politiques d’austérité mises en place par le gouvernement grec.

L’auteur appelle de ses vœux un changement de politique internationale, si l’Espagne était dirigée par une coalition anti austérité, elle devrait s’adresser à d’autres formations politiques, Syriza, le Bloco de Esquerda au Portugal, le Sinn Fein en Irlande ou le Scottish National Party (SNP). Ajoutons la victoire de Jérémy Corbyn opposé aux politiques d’austérité à la direction du parti travailliste britannique.

Quelques éléments de réflexion

Ce qui différencie la situation espagnole de la française, selon l’auteur, c’est l’impact de la crise économique sur les conditions de vie de la majorité de la population et de la jeunesse paupérisée. Sans doute, toutefois je ne partage pas les conclusions d’Héloïse Nez, lorsqu’elle énonce le fait qu’un mouvement du même type ne peut pas présentement avoir lieu en France, il faudrait, selon elle, attendre que le capitalisme néo-libéral s’attaque de manière plus frontale à nos conditions de vie. Plus les gens sont opprimés et plus ils deviennent révolutionnaires, c’est un prédicat, souvent utilisé par certains courants gauchistes, qui est manifestement faux. Le mouvement des indignés ne s’est pas développé à partir d’une impulsion donnée par des partis politiques ou des syndicats, mais par des groupes informels de citoyens, s’appuyant du reste sur les nouveaux moyens de communication. Un tel élément de même nature peut en France à un moment donné permettre aux masses d’intervenir sur la scène publique, non seulement pour résister, mais pour prendre en charge leurs propres problèmes. Léon Trotsky définit, dans son « histoire de la révolution russe », le processus révolutionnaire comme « l’intervention des masses en un lieu où se règlent leurs propres destinées ».

C’est très exactement ce que représentait le mouvement des indignés en Espagne. Certes la situation française devient de plus en plus mouvante, des secteurs de la population entrent en résistance contre le gouvernement, mais nous n’avons pas pour l’instant un mouvement d’ensemble pour arrêter la casse. Un tel retard s’explique par le verrouillage institutionnel et politique et par l’état de la représentation politique à « gauche » du Parti Socialiste. Je ne pose même pas la question du Parti Socialiste, sa place est dans les poubelles de l’histoire. Le mouvement des indignés espagnols a brisé l’alternance entre le PSOE et le Parti Populaire, mais aussi a permis de dépasser le frein représenté par Izquierda Unida, cartel d’appareils politiques, à l’image du Front De Gauche (FDG) français, essentiellement contrôlé par le Parti Communiste Espagnol (PCE).

Si l’émergence de Podemos a pu se faire sur la base d’une modification des rapports de force sociaux, l’intervention des indignés étant l’élément décisif, ce parti est aujourd’hui en face de vraies difficultés. Tout d’abord la faiblesse de son programme, le cercle de direction, très largement influencé par les expériences latino-américaines et par le chavisme, cherche des solutions en s’appuyant sur le capitalisme national contre le néo-libéralisme européen, tout en restant dans les structures de l’Union Européenne. Ce jeu d’équilibriste ne pourra pas durer très longtemps. Le caractère flou des positions sur la question de l’indépendance de la Catalogne les a d’ores et déjà mis en grande difficulté. L'état espagnol, issu de la guerre civile et de la dictature franquiste, s’est toujours opposé aux revendications des minorités régionales. Dans la revendication de l’indépendance de la Catalogne, il y a à la fois la volonté de se débarrasser des restes du franquisme à gauche et en même temps des mouvements indépendantistes réactionnaires défendant les intérêts d’une région riche contre les régions pauvres. La question de la constitution de la nation par le programme d’une république sociale reste entière. Podemos n’y répond pas et sa direction reste dans le flou, pour y répondre il faudrait entrer dans une logique anticapitaliste.

Le point qui va à mon sens poser le plus de problèmes dans la vie interne du mouvement est celui de la démocratie.

Nous avons eu à pâtir de cette question dans la crise du FDG français. Un cartel électoral c’est l’absence de démocratie, c’est-à-dire de contrôle des citoyens sur leur propre mouvement, ceux qui ne sont pas membres d’un appareil politique sont de fait exclus des centres de décision. Au Parti de Gauche, c’est là que cette question est apparue de la manière la plus crue et scandaleuse, exclusions, mises à l’écart et mises sous tutelle, au service d’un destin présidentiel, celui de Jean Luc Mélenchon. La démocratie, cela ne veut pas dire que le parti est une auberge espagnole, où chacun peut monter sur la table, mais qu’il est un outil et une mémoire permettant aux opprimés de régler leurs propres problèmes. L’électoralisme à tout crin de la gauche et de l’extrême gauche française nous a conduit à oublier cette chose pourtant primordiale et que nous rappelle Rosa Luxembourg, « ce qui compte avant tout, c’est l’organisation générale de notre agitation et de notre presse afin d’amener les masses laborieuses à compter de plus en plus sur leurs propres forces et sur l’action autonome et à ne plus considérer les luttes parlementaires comme l’axe central de la vie politique ».

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